A l’Assemblée Nationale, le député Grenier fustige à juste titre « un luxe inouï, effréné, s’étalant sans pitié en face des pires misères sociales, des dépenses formidables et souvent inutiles, une dette croissante tous les jours ».
Au mois de décembre de l’année 1896, le Docteur Philippe Grenier fut élu dans le Jura comme député à l’Assemblée nationale française. Il avait 31 ans et il était musulman.
Par son exemple, Philippe Grenier fait partie de ces personnalités musulmanes de France dont l’on parle peu malgré leur célébrité. En dehors du Collectif Hamidullah, lancé seulement depuis deux ans, cet aspect du patrimoine musulman de France est mal connu. Le 17 décembre 2005, à Paris, ce collectif rend hommage à trois d’entre eux (Malek Bennabi, Eva de Vitray-Meyerovitch et Muhammad Hamidullah). Dans son ouvrage au titre explicite, L’Islam et les musulmans en France, Sadek Sellam en décrit quatorze parmi les plus célèbres, dont Philippe Grenier.
Par son exemple, Philippe Grenier fait partie de ces personnalités musulmanes de France dont l’on parle peu malgré leur célébrité. En dehors du Collectif Hamidullah, lancé seulement depuis deux ans, cet aspect du patrimoine musulman de France est mal connu. Le 17 décembre 2005, à Paris, ce collectif rend hommage à trois d’entre eux (Malek Bennabi, Eva de Vitray-Meyerovitch et Muhammad Hamidullah). Dans son ouvrage au titre explicite, L’Islam et les musulmans en France, Sadek Sellam en décrit quatorze parmi les plus célèbres, dont Philippe Grenier.
Le Dr Grenier et son épouse
Un jeune médecin humaniste
Dans sa ville de Pontarlier, Philippe Grenier était connu comme un musulman intègre, un homme honnête, socialement et professionnellement engagé aux côtés des plus démunis. Médecin, installé dans la ville depuis 1890, converti à l’islam depuis 1894, il parle aisément de Dieu, soigne gratuitement les pauvres et dénonce ouvertement les injustices sociales.
Le père du Dr Grenier était capitaine de cavalerie, membre de l’Etat major de Napoléon III. Et il avait servi dans les chasseurs d’Afrique à Mostaganem, en Algérie. Mais il meurt en 1872, alors que son fils Philippe n’a que 7 ans.
Après son baccalauréat à Besançon, Philippe Grenier fréquente la faculté de médecine de 1883 à 1890 avant de s’installer à Pontarlier, où il ouvre un cabinet. Cette année-là, il rend visite à son frère cadet à Blida, en Algérie. C’est alors son premier contact direct avec les musulmans de l'empire colonial français.
Le jeune médecin humaniste est choqué par la manière dont la France maintient les Algériens musulmans dans la misère, en leur refusant le droit à la citoyenneté. A l’époque, les Juifs d’Algérie avaient le droit à la citoyenneté. Pas les musulmans. Durant ce premier séjour algérien, le Dr Grenier est fasciné par le style de vie des musulmans, mais il est aussi scandalisé par le dénuement dans lequel ils se trouvent.
De retour en métropole, il se met à étudier le Coran. Quatre ans plus tard, en 1894, lorsqu’il effectue un deuxième voyage en Algérie, il se rend à Blida, où il se convertit à l’islam. Il fait sa profession de foi et se rend à La Mecque pour accomplir son pèlerinage à l’âge de 29 ans. Il adopte la tenue traditionnelle des musulmans algériens. Il se fait élire conseiller municipal de sa ville et s’intéresse aux questions d’hygiène publique et d’aide aux nécessiteux. Son engagement auprès des démunis et son engagement politique en font un homme connu dans la région et apprécié sans considération de sa foi musulmane, qu’il ne dissimule point.
Le père du Dr Grenier était capitaine de cavalerie, membre de l’Etat major de Napoléon III. Et il avait servi dans les chasseurs d’Afrique à Mostaganem, en Algérie. Mais il meurt en 1872, alors que son fils Philippe n’a que 7 ans.
Après son baccalauréat à Besançon, Philippe Grenier fréquente la faculté de médecine de 1883 à 1890 avant de s’installer à Pontarlier, où il ouvre un cabinet. Cette année-là, il rend visite à son frère cadet à Blida, en Algérie. C’est alors son premier contact direct avec les musulmans de l'empire colonial français.
Le jeune médecin humaniste est choqué par la manière dont la France maintient les Algériens musulmans dans la misère, en leur refusant le droit à la citoyenneté. A l’époque, les Juifs d’Algérie avaient le droit à la citoyenneté. Pas les musulmans. Durant ce premier séjour algérien, le Dr Grenier est fasciné par le style de vie des musulmans, mais il est aussi scandalisé par le dénuement dans lequel ils se trouvent.
De retour en métropole, il se met à étudier le Coran. Quatre ans plus tard, en 1894, lorsqu’il effectue un deuxième voyage en Algérie, il se rend à Blida, où il se convertit à l’islam. Il fait sa profession de foi et se rend à La Mecque pour accomplir son pèlerinage à l’âge de 29 ans. Il adopte la tenue traditionnelle des musulmans algériens. Il se fait élire conseiller municipal de sa ville et s’intéresse aux questions d’hygiène publique et d’aide aux nécessiteux. Son engagement auprès des démunis et son engagement politique en font un homme connu dans la région et apprécié sans considération de sa foi musulmane, qu’il ne dissimule point.
L’aventure parlementaire
A la mort du député de Pontarlier, Philippe Grenier se présente à sa succession. Il n’a ni les moyens ni le temps de mener une campagne électorale convenable. Il est alors la risée de la grande presse de l’époque, dont les propos sont déjà assez islamophobes. Mais Philippe Grenier est serein et explique que Dieu Seul peut donner le pouvoir et qu’Il le donne à qui Il veut.
La campagne électorale est menée sans affichages. Le candidat s’adresse directement aux électeurs lors de quelques meetings. Son discours est convaincant. Il s’appuie sur un programme social, qui, placé dans le contexte de l’époque, apparaît ambitieux tant au niveau local qu’au niveau national. Par endroits, son programme se démarque du discours politique habituel, en insistant sur « la fraternité ». Il ouvre ses discours par formule coranique « Toute la louange est à Dieu ». Une phrase qui est machinale en milieu musulman, mais dont la presse française se saisit pour lui coller le surnom ironique de « Prophète de Dieu ».
Contre toute attente, le 20 décembre 1896, le Dr Grenier est élu au second tour face à un brillant avocat. Le résultat déjoue tous les pronostics. Le lendemain, le « premier député musulman » fait la une de tous les journaux. Les grands reporters de la presse nationale se précipitent dans la petite ville de Pontarlier. Mais certains journaux ont du mal à avaler la pilule. Ils s’en prennent aux électeurs de Pontarlier, qu’ils accusent d’avoir pris la responsabilité de « voter pour un fou ». Néanmoins, chaque fois qu’un reporter a l’occasion d’approcher et de parler directement au nouvel élu, ce journaliste change d’avis.
Ainsi, trois semaines après son élection, le 12 janvier 1897, le Dr Grenier est encore à la une des journaux qui annoncent la rentrée parlementaire. Pour certains d’entre eux, il est « le député des musulmans ». Pour d’autres , il est « le député des Arabes ». Dans son édition du 14 janvier 1897, Le Figaro compare Philippe Grenier à Victor Hugo et à Louis Pasteur.
Une fois au Parlement, Philippe Grenier va effectivement se comporter comme « le député des Arabes ». Il se rendra régulièrement en Algérie. Il compilera les données, les informations et se battra pour défendre la cause de ceux qu’on appelle alors les « indigènes ». Ses collègues l’écoutent attentivement, ils approuvent son argumentation, mais, au moment du vote, ils sont peu nombreux à le suivre.
Avec ses enquêtes en Algérie, ses combats à Paris, ses prises de positions éthiques mais peu politiques, le Dr Grenier en a oublié ses électeurs de Pontarlier. En mai 1898, son adversaire fut élu et le Philippe Grenier s'en retourna à son cabinet. Il s’éteint le 25 mars 1944, à l’âge de 79 ans. Mais, depuis la fin de son mandat en 1898, aucun Français métropolitain musulman n’a été élu au Parlement de son pays.
Pour en savoir plus sur ces musulmans célèbres de France, une excellente référence est L’Islam est les musulmans en France, par Sadek Sallem, aux éditions Tougui (1987). Le présent texte s’est inspiré du chapitre de ce livre consacré au Dr Philippe Grenier.
La campagne électorale est menée sans affichages. Le candidat s’adresse directement aux électeurs lors de quelques meetings. Son discours est convaincant. Il s’appuie sur un programme social, qui, placé dans le contexte de l’époque, apparaît ambitieux tant au niveau local qu’au niveau national. Par endroits, son programme se démarque du discours politique habituel, en insistant sur « la fraternité ». Il ouvre ses discours par formule coranique « Toute la louange est à Dieu ». Une phrase qui est machinale en milieu musulman, mais dont la presse française se saisit pour lui coller le surnom ironique de « Prophète de Dieu ».
Contre toute attente, le 20 décembre 1896, le Dr Grenier est élu au second tour face à un brillant avocat. Le résultat déjoue tous les pronostics. Le lendemain, le « premier député musulman » fait la une de tous les journaux. Les grands reporters de la presse nationale se précipitent dans la petite ville de Pontarlier. Mais certains journaux ont du mal à avaler la pilule. Ils s’en prennent aux électeurs de Pontarlier, qu’ils accusent d’avoir pris la responsabilité de « voter pour un fou ». Néanmoins, chaque fois qu’un reporter a l’occasion d’approcher et de parler directement au nouvel élu, ce journaliste change d’avis.
Ainsi, trois semaines après son élection, le 12 janvier 1897, le Dr Grenier est encore à la une des journaux qui annoncent la rentrée parlementaire. Pour certains d’entre eux, il est « le député des musulmans ». Pour d’autres , il est « le député des Arabes ». Dans son édition du 14 janvier 1897, Le Figaro compare Philippe Grenier à Victor Hugo et à Louis Pasteur.
Une fois au Parlement, Philippe Grenier va effectivement se comporter comme « le député des Arabes ». Il se rendra régulièrement en Algérie. Il compilera les données, les informations et se battra pour défendre la cause de ceux qu’on appelle alors les « indigènes ». Ses collègues l’écoutent attentivement, ils approuvent son argumentation, mais, au moment du vote, ils sont peu nombreux à le suivre.
Avec ses enquêtes en Algérie, ses combats à Paris, ses prises de positions éthiques mais peu politiques, le Dr Grenier en a oublié ses électeurs de Pontarlier. En mai 1898, son adversaire fut élu et le Philippe Grenier s'en retourna à son cabinet. Il s’éteint le 25 mars 1944, à l’âge de 79 ans. Mais, depuis la fin de son mandat en 1898, aucun Français métropolitain musulman n’a été élu au Parlement de son pays.
Pour en savoir plus sur ces musulmans célèbres de France, une excellente référence est L’Islam est les musulmans en France, par Sadek Sallem, aux éditions Tougui (1987). Le présent texte s’est inspiré du chapitre de ce livre consacré au Dr Philippe Grenier.
Bibliographie
• Sadek Sellam, L’Islam et les musulmans en France, Éd. Tougui, 1987.
• R. Fernier, Docteur Philippe Grenier, ancien député de Pontarlier, Éd. Faivre-Verney, Pontarlier, 1955.
• R. Bichet, Un Comtois musulman, le docteur Philippe Grenier : prophète de Dieu, député de Pontarlier, édité par l’ancien député UDR de Paris, Besançon, 1976.
• Sadek Sellam, L’Islam et les musulmans en France, Éd. Tougui, 1987.
• R. Fernier, Docteur Philippe Grenier, ancien député de Pontarlier, Éd. Faivre-Verney, Pontarlier, 1955.
• R. Bichet, Un Comtois musulman, le docteur Philippe Grenier : prophète de Dieu, député de Pontarlier, édité par l’ancien député UDR de Paris, Besançon, 1976.