C’est l’histoire d’un ado, une famille française ordinaire, qui glisse gentiment dans les filets de Daesh. Le père est juge antiterroriste. Rien que ça ! Marocain d’origine, marié à une Française, il est corps et âme occupé à traquer les agents de Daesh et leurs proies. Un juge français, arabe, qui connait l’islam et croit sincèrement à l’idéal républicain.
Entre ce père tout à son travail et sa mère aimante, Alex s’épanouit à son rythme. Un ado comme un autre qui glane ses repères comme il peut. Une famille sans problème ; petite bourgeoisie culturelle, citadine. Des parents attentionnés, ouverts au dialogue, soucieux de leur fils qu’ils savent sensible.
Le roman Doublement piégé (Saltimbanque éditions, à paraître le 15 mars) commence au moment du deuil de « Gédi », le grand-père marocain d’Alex. La mort, un événement qui renvoie chacun au sens de sa propre vie. C’est le point d’orgue, la brèche anodine où l’auteur plante son décor et sa plume pour faire jaillir la sève de son sujet.
Tour à tour, Dounia Bouzar donne la parole à Alex et à Mohammed Edouk, son père. Chacun parle à la première personne. Un chapitre, le lecteur est plongé dans l’intimité du père. Vision de juge anti-terroriste, le déçu d’islam qui croit en La République. Serviteur de l’Etat, ayant sa mission à cœur, M. Edouk survole les relents d’hypocrisie raciste… la reconnaissance de ses pairs lui suffit.
Au chapitre suivant, c’est le « je » du fils. L’ado frustré de sa marocanité par la mort de Gédi. On le voit s’islamiser, glisser subrepticement dans l’apologie, dans l’ivresse d’un amour en ligne qui lui offre la perspective de participer à son idéal d’un monde meilleur… Il faut lire ce livre pour suivre, pas à pas, comment ce jeune en arrive à planifier de se faire exploser à l’Assemblée nationale française !
Entre ce père tout à son travail et sa mère aimante, Alex s’épanouit à son rythme. Un ado comme un autre qui glane ses repères comme il peut. Une famille sans problème ; petite bourgeoisie culturelle, citadine. Des parents attentionnés, ouverts au dialogue, soucieux de leur fils qu’ils savent sensible.
Le roman Doublement piégé (Saltimbanque éditions, à paraître le 15 mars) commence au moment du deuil de « Gédi », le grand-père marocain d’Alex. La mort, un événement qui renvoie chacun au sens de sa propre vie. C’est le point d’orgue, la brèche anodine où l’auteur plante son décor et sa plume pour faire jaillir la sève de son sujet.
Tour à tour, Dounia Bouzar donne la parole à Alex et à Mohammed Edouk, son père. Chacun parle à la première personne. Un chapitre, le lecteur est plongé dans l’intimité du père. Vision de juge anti-terroriste, le déçu d’islam qui croit en La République. Serviteur de l’Etat, ayant sa mission à cœur, M. Edouk survole les relents d’hypocrisie raciste… la reconnaissance de ses pairs lui suffit.
Au chapitre suivant, c’est le « je » du fils. L’ado frustré de sa marocanité par la mort de Gédi. On le voit s’islamiser, glisser subrepticement dans l’apologie, dans l’ivresse d’un amour en ligne qui lui offre la perspective de participer à son idéal d’un monde meilleur… Il faut lire ce livre pour suivre, pas à pas, comment ce jeune en arrive à planifier de se faire exploser à l’Assemblée nationale française !
Doublement piégé est un roman rapide. Un rythme de thriller où tout peut arriver à tout moment. Une cascade d’actions qui s’entrechoquent comme des boules de billard. Coups bas, coups durs, blouses et casins et même des chouettes. Tout y passe.
L’islam, la République, Daesh, trois idéaux, trois logiques dans un ballet occulte ou mystique (c’est selon) autour d’un adolescent attachant de naïveté. N’ayons pas honte : il vient un moment où l’on a simplement envie que l’escalade s’arrête ! Connaissant l’auteure, on attend alors le dénouement non sans angoisse, plutôt avec un espoir de soulagement.
Au service des familles d’enfants embrigadés, Dounia Bouzar a joué à cache-cache avec Daesh pendant quelques années. Anthropologue du fait religieux, elle a acquis une expertise rare sur un sujet fondé sur le secret. C’est cette discrétion que l’art du roman lui permet de transcender.
L’islam, la République, Daesh, trois idéaux, trois logiques dans un ballet occulte ou mystique (c’est selon) autour d’un adolescent attachant de naïveté. N’ayons pas honte : il vient un moment où l’on a simplement envie que l’escalade s’arrête ! Connaissant l’auteure, on attend alors le dénouement non sans angoisse, plutôt avec un espoir de soulagement.
Au service des familles d’enfants embrigadés, Dounia Bouzar a joué à cache-cache avec Daesh pendant quelques années. Anthropologue du fait religieux, elle a acquis une expertise rare sur un sujet fondé sur le secret. C’est cette discrétion que l’art du roman lui permet de transcender.
La famille, victime silencieuse de Daesh
Dans Ma meilleure amie s’est fait embrigader (Ed. De La Martinière, 2016), Camille et Sarah livrent les confidences jihadistes entres filles. Dans Doublement piégé, ces sont les garçons et leurs parents qui passent aux aveux. De l’angoisse, des rires et des larmes… Une lorgnette drôlissime sur la police anti-terroriste sous le regard d’un juge arabe : caustique !?
Avec des personnages réalistes mais néanmoins déroutants, c’est une face cachée du jihadisme qui est mise à jour. Un engrenage logique de données, scientifiques et journalistiques. Le talent de conteuse de Dounia Bouzar fait le reste. Au passage, un hommage inattendu, parce que rare, à la police anti-terroriste, ces ombres sans nom ni visage dont nous savons, en réalité, peu de choses.
Emouvant et direct, ce roman raconte une histoire avec justesse. On y entre sans forcer, par la générosité du style, des personnages, la richesse des situations. On en sort avec une chaleureuse empathie qui en fait un roman d’espoir à l’honneur de la famille, la victime silencieuse de Daesh.
Avec des personnages réalistes mais néanmoins déroutants, c’est une face cachée du jihadisme qui est mise à jour. Un engrenage logique de données, scientifiques et journalistiques. Le talent de conteuse de Dounia Bouzar fait le reste. Au passage, un hommage inattendu, parce que rare, à la police anti-terroriste, ces ombres sans nom ni visage dont nous savons, en réalité, peu de choses.
Emouvant et direct, ce roman raconte une histoire avec justesse. On y entre sans forcer, par la générosité du style, des personnages, la richesse des situations. On en sort avec une chaleureuse empathie qui en fait un roman d’espoir à l’honneur de la famille, la victime silencieuse de Daesh.
Dounia Bouzar, Doublement piégé, Saltimbanque Editions, 15 mars 2018, 14,90 €.