A la tête des box-offices américain, britannique et français, et avec des recettes qui s’élèvent à plus de 100 millions de dollars en seulement deux semaines d’exploitation, Dunkerque (ou Dunkirk en anglais) porte l’étiquette du film historique à succès... non sans polémiques.
Le long-métrage rejoue l’opération Dynamo qui a consisté à évacuer 330 000 alliés du nord de la France vers les côtes anglaises en mai 1940 après une cinglante défaite contre l'armée du Reich. Le film fait cependant des remous pour ses libertés prises avec l’histoire. L’une des premières remontrances est venue du journaliste du Monde Jacques Mandelbaum qui a dénoncé, une « cinglante impolitesse » envers les 40 000 Français qui ont défendu la ville pour permettre aux Britanniques d’embarquer alors qu'ils n’apparaissent qu’une « dizaine de secondes ».
Des critiques bien plus acides ont été formulées dans la presse outre-Manche. Sunny Singh, une romancière britannique, a rédigé une tribune parue lundi 1er août dans le Guardian pour brocarder le « whitewashing » du film.
Le long-métrage rejoue l’opération Dynamo qui a consisté à évacuer 330 000 alliés du nord de la France vers les côtes anglaises en mai 1940 après une cinglante défaite contre l'armée du Reich. Le film fait cependant des remous pour ses libertés prises avec l’histoire. L’une des premières remontrances est venue du journaliste du Monde Jacques Mandelbaum qui a dénoncé, une « cinglante impolitesse » envers les 40 000 Français qui ont défendu la ville pour permettre aux Britanniques d’embarquer alors qu'ils n’apparaissent qu’une « dizaine de secondes ».
Des critiques bien plus acides ont été formulées dans la presse outre-Manche. Sunny Singh, une romancière britannique, a rédigé une tribune parue lundi 1er août dans le Guardian pour brocarder le « whitewashing » du film.
Selon elle, Dunkerque est une « création brexitienne dans laquelle de courageux Britanniques se sont héroïquement échappés des dangereuses rives de l’Europe ». Elle souligne que cela appuie « l’histoire selon laquelle la Grande-Bretagne était telle qu’elle existe aujourd’hui – sans son empire - et qui se tient seule contre le "péril européen" ». Le réalisateur Christopher Nolan a, pour cela, omis de représenter le rôle des compagnies de la Royal Indian Army Services Corp qui a embarqué, selon des sources, 1 800 personnes pour cette opération. D’après Sunny Singh, son rôle, au-delà des interventions sur la plage, a été décisif pour le transport des provisions sur des terrains inaccessibles pour les forces motorisées.
Les colonies otages d'un conflit lointain
L’historienne Yasmin Khan, qui s'est exprimée mardi 2 août dans les colonnes du New York Times, rappelle pour sa part que « 2,5 millions de soldats originaires de l’empire britannique en Asie du sud ont combattu durant la Seconde Guerre mondiale mais sont absents des nombreuses commémorations britanniques ». Les « soldats indiens à Dunkerque étaient majoritairement des musulmans issus de régions de l’Inde britannique qui formeront plus tard le Pakistan », indique-t-elle.
Par ailleurs, pour l’universitaire d’Oxford, « nombre de personnes vivant dans les colonies ont été prisonniers d’un conflit vicieux et hors de contrôle ». Elle étaye son argumentation en rappelant que la Seconde Guerre mondiale a causé des « famines de masse » : « Au moins trois millions de Bengalis sont morts lors de la famine catastrophique de 1943 (…), une famine qui est le sous-produit de la guerre ». D’après Yasmin Khan, l’Etat britannique a en effet largement accaparé des provisions alimentaires de son empire durant cette période pour ses besoins dans la métropole.
Par ailleurs, pour l’universitaire d’Oxford, « nombre de personnes vivant dans les colonies ont été prisonniers d’un conflit vicieux et hors de contrôle ». Elle étaye son argumentation en rappelant que la Seconde Guerre mondiale a causé des « famines de masse » : « Au moins trois millions de Bengalis sont morts lors de la famine catastrophique de 1943 (…), une famine qui est le sous-produit de la guerre ». D’après Yasmin Khan, l’Etat britannique a en effet largement accaparé des provisions alimentaires de son empire durant cette période pour ses besoins dans la métropole.
Et si les braves hommes qui combattaient à Dunkerque portaient des turbans au lieu de casques ?
Pour Sunny Singh, les omissions d'une production aussi grosses que celle de Dunkerque ne peuvent résulter d’un simple « accident » mais de « plusieurs centaines de petites et grosses décisions ».
L’auteure fait ainsi un parallèle entre le film de Christopher Nolan et l’attitude des Alliés qui ont mis en scène, par divers films, des épisodes de la Seconde Guerre mondiale comme la libération de Paris en 1944 par des militaires blancs, écartant de fait les les milliers de soldats de l’Armée libre française originaires d’Afrique. « Nolan marche sur les pas des directeurs de films et de politiciens qui ont choisi de blanchir le passé », affirme Sunny Singh.
« Mais est-il si important pour Nolan et tant d’autres que le film soit expurgé de toute présence non-blanche sur la plage et les bateaux ? Pourquoi est-il nécessaire, d’un point de vue psychologique, que les héroïques troupes britanniques soient uniquement secourues par des marins blancs ? Qu’est-ce qui aurait changé si les braves hommes combattant à Dunkerque portaient des turbans au lieu de casques ? Qu'est-ce que ça change si les soldats priaient sur le sable une dernière fois avant de s’élever face à l’avancée de l’ennemi ? », s’interroge la romancière. Elle signale également que « les troupes non-blanches étaient à l’arrière de l’évacuation et ont plus facilement été capturées et tuées par les soldats nazis que leurs congénères blancs qui pouvaient se fondre dans la population ».
Sunny Singh conclut son propos en mettant en évidence le rôle des « storytellers » tels que les écrivains, poètes, journalistes et réalisateurs qui ont le pouvoir de « déshumaniser, diaboliser et effacer » l'Autre. Elle rappelle que les histoires peuvent aussi servir à « humaniser, susciter de la pitié, de la compassion, de la sympathie et même de l’amour pour ceux qui nous sont étrangers ».
L’auteure fait ainsi un parallèle entre le film de Christopher Nolan et l’attitude des Alliés qui ont mis en scène, par divers films, des épisodes de la Seconde Guerre mondiale comme la libération de Paris en 1944 par des militaires blancs, écartant de fait les les milliers de soldats de l’Armée libre française originaires d’Afrique. « Nolan marche sur les pas des directeurs de films et de politiciens qui ont choisi de blanchir le passé », affirme Sunny Singh.
« Mais est-il si important pour Nolan et tant d’autres que le film soit expurgé de toute présence non-blanche sur la plage et les bateaux ? Pourquoi est-il nécessaire, d’un point de vue psychologique, que les héroïques troupes britanniques soient uniquement secourues par des marins blancs ? Qu’est-ce qui aurait changé si les braves hommes combattant à Dunkerque portaient des turbans au lieu de casques ? Qu'est-ce que ça change si les soldats priaient sur le sable une dernière fois avant de s’élever face à l’avancée de l’ennemi ? », s’interroge la romancière. Elle signale également que « les troupes non-blanches étaient à l’arrière de l’évacuation et ont plus facilement été capturées et tuées par les soldats nazis que leurs congénères blancs qui pouvaient se fondre dans la population ».
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