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Points de vue

Gaza : après la trêve, rien ne semble changer pour les Palestiniens, mais le rôle des femmes n'est plus la même

Rédigé par Ziad Medoukh | Samedi 1 Février 2025 à 08:30

           


Gaza : après la trêve, rien ne semble changer pour les Palestiniens, mais le rôle des femmes n'est plus la même
A Gaza, dix jours après l’entrée en vigueur du cessez-le feu, quelles différences voit-on dans la vie de tous les jours pour les habitants ? Quelles modifications sociétales peut-on aujourd’hui observer chez les Palestiniennes et Palestiniens de Gaza ?

Le cessez-le feu est entré en vigueur le 19 janvier et rien n’a changé pour les Palestiniens de Gaza. Les drones sillonnent le ciel de Gaza nuit et jour, on ne sort pas dans la rue après 19h, il fait froid la nuit dans les maisons éventrées.

La situation humanitaire et sanitaire reste dramatique. Il n’y a rien. Ni hôpitaux, ni centres médicaux, ni médecins, ni médicaments. Si les citoyens ne meurent plus sous les bombardements, ils continuent de mourir par manque de soin et d’eau potable. L’aide humanitaire internationale ne peut faire face à la demande.

Le retour massif des 500 000 Palestiniens déplacés pose de graves problèmes logistiques. Les camions d’aide n’entrent toujours qu’au compte-gouttes dans le nord de la bande de Gaza. C’est toujours la pénurie pour beaucoup de produits alimentaires comme la viande, les légumes et les fruits.

Les personnes déplacées qui reviennent et cherchent leurs maisons n’ont souvent plus rien et sont sous le choc de ce qu’elles voient, choc qui sera très long à guérir. Les services municipaux essaient de réparer les routes mais c’est très difficile parce que les réseaux d’eau, d’électricité, les canalisations, tout est détruit, sans oublier le manque de moyens. Les voitures ne peuvent pas rouler sur les routes défoncées, il y a des tonnes de gravats à déblayer.

Face à l'indicible, les femmes ont dû prendre de nouvelles responsabilités

Si la vie quotidienne des Palestiniens de l’enclave détruite n’a pas beaucoup changé depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, on note cependant un important bouleversement sociétal. Le rôle des femmes n’est plus le même. J’ai interrogé quelques femmes palestiniennes de Gaza à propos de leur ressenti après 15 mois d’horreur absolue.

Randa est avocate. Elle travaille avec moi dans la société civile et n’a jamais vécu une agression pareille. Elle a insisté sur la place des femmes palestiniennes qui, malheureusement, n’est pas encore vraiment reconnue ni rendue visible, notamment dans les médias internationaux.

Aujourd’hui, souligne Randa, les femmes jouent un rôle beaucoup plus important dans la société. Chaque femme ici est la mère de quelqu’un qui a été assassiné, arrêté, blessé ou qui a disparu. Elle supporte l’insupportable et force l’admiration par son courage et sa volonté.

En l’absence de mari ou d’homme à la maison, mort, arrêté, blessé ou déplacé , les femmes ont dû prendre de nouvelles responsabilités. Aujourd’hui, elles jouent un rôle social, psychologique et également économique dans la société palestinienne.

Si, avant la guerre, de nombreuses femmes restaient à la maison pour s’occuper des enfants et des tâches domestiques, elles sont maintenant nombreuses dans les rues. Elles vont au marché, remplaçant leur mari décédé. Elles travaillent pour certaines comme vendeuses, d’autres vont chercher de l’eau potable, du bois, du pain, elles vont charger les portables dans des magasins qui sont pourvus de panneaux solaires... Si elles prennent des responsabilités nouvelles au sein de la famille, les femmes sont également très actives à l’extérieur, dans les centres éducatifs réouverts au mois d’octobre 2024 . Rappelons que 90 % des enseignants sont des femmes. De même, elles s’organisent et font par exemple le tour des maisons pour apporter leur soutien aux familles au travers de réunions et de conférences.

Une nouvelle reconnaissance du rôle de la femme par les jeunes

Lina, 23 ans, est ingénieure diplômée. Elle relève que de nombreuses femmes travaillent comme elle, en tant que bénévoles dans les hôpitaux, les centres médicaux, les cliniques, les organisations internationales et les associations locales. Leur rôle est très important.

Aujourd’hui, les femmes ont le respect et l’admiration des hommes, notamment des jeunes. Pendant les déplacements, les hommes prennent soin d’elles et de la famille, portent les bagages et les meubles. On assiste à un partage des responsabilités différent et ça, c’est nouveau. Le courage et la détermination dont font preuve les femmes est extraordinaire.

Shadia, 67 ans est mère et grand-mère. Elle m’a parlé de ses petits-enfants qui viennent chez elle chercher tendresse et réconfort après chaque attaque sanglante, chaque bombardement. Elle aussi observe une nouvelle reconnaissance du rôle de la femme par les jeunes.

Auparavant, les jeunes filles sortaient de chez elles pour aller au lycée ou à l’université puis rentraient à la maison s’occuper du ménage et aider leur mère. Ce n’est plus possible maintenant, les bâtiments scolaires ayant été en grande partie détruits. Ainsi, pour ne pas rester coincées à la maison toute la journée, elles sortent et prennent des rôles qui n’étaient pas les leurs auparavant.

Lire aussi : Ode à la mère palestinienne

Que cette reconnaissance nouvelle du rôle de la femme dans la société palestinienne persiste dans le futur

Aujourd’hui, les pères font confiance à leurs filles. Elles peuvent aller au marché, à la boulangerie, dans les associations pour obtenir des colis alimentaires, au puits pour chercher de l’eau ou encore pour charger les portables dans les magasins où on trouve des panneaux solaires. On leur témoigne du respect en les laissant passer devant, dans une queue séparée, devant la boulangerie par exemple. Shadia elle-même encourage ses petites-filles à sortir. Ainsi, on voit beaucoup de jeunes filles dans les rues. On reconnait leur implication et c’est un élément nouveau et très important.

Shadia relève un autre changement important dans la vie quotidienne palestinienne. Aujourd’hui, l’homme aide beaucoup plus sa femme dans le ménage. Malgré la trêve, il est très dangereux de sortir des maisons après une certaine heure. L’homme passe donc plus de temps dans la maison avec sa famille. Il s’acquitte, même spontanément, de tâches ménagères autrefois dévolues aux femmes uniquement  : allumer le feu pour la cuisine, faire le ménage, préparer le café, le thé ou les repas pour toute la maison, la famille, les déplacés.

Les femmes ont montré, une fois de plus, leur courage et leur détermination. Au cours de cette agression horrible, on peut dire que les hommes ont appris des femmes la patience et la détermination. Ils ont également réalisé que les femmes peuvent vivre sous pression sans se plaindre. J’espère que cette reconnaissance nouvelle du rôle de la femme dans la société palestinienne persistera dans le futur.

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Ziad Medoukh est professeur et directeur du département de français de l’université Al-Aqsa de Gaza.

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