Vendredi 7 Juin 2019, un ami, prêtre catholique français exemplaire du diocèse de Nanterre, a été rappelé à Dieu. Michel Jondot, fervent artisan du dialogue islamo-chrétien durant plus d’un demi-siècle, a défendu la fraternité, le vivre ensemble et la justice, notamment auprès des démunis et des opprimés. Grand disciple de Jésus, il était un fervent homme de paix : « Que la paix soit sur moi (Jésus), le jour où je naquis, le jour où je mourrai et le jour où je serai ressuscité. » (Coran 19, 33)
Michel Jondot fait partie de ces prêtres que Dieu honore dans le Coran, parmi les plus proches d’entre nous, les musulmans, ses amis sincères, liés par une parenté spirituelle : « Tu constateras que les hommes les plus proches des croyants par l'amitié sont ceux qui disent : - Oui, nous sommes Chrétiens ! - parce qu'on trouve parmi eux des prêtres et des moines qui ne s'enflent pas d'orgueil. » (Coran 5, 82)
Michel Jondot fait partie de ces prêtres que Dieu honore dans le Coran, parmi les plus proches d’entre nous, les musulmans, ses amis sincères, liés par une parenté spirituelle : « Tu constateras que les hommes les plus proches des croyants par l'amitié sont ceux qui disent : - Oui, nous sommes Chrétiens ! - parce qu'on trouve parmi eux des prêtres et des moines qui ne s'enflent pas d'orgueil. » (Coran 5, 82)
Ce qui unit est plus important que ce qui divise
Sa pensée et son œuvre resteront vivantes, par la poursuite de son travail engagé dans La Maison islamo-chrétienne avec l’édition de la Revue qui en est le reflet. Par-delà les vicissitudes politiques anciennes ou actuelles, ce qui unit est plus important que ce qui divise. L'amitié-islamo-chrétienne est une réalité. A travers le pays, des associations et prêtres pratiquent le dialogue islamo-chrétien pour contribuer au vivre ensemble en paix. A la suite de grands maîtres comme Louis Massignon et Louis Gardet, depuis les années 1970 des figures ont marqué cette voie de la fraternité entre croyants abrahamiques sur le terrain, comme Michel Jondot et Michel Lelong.
Dans L'Église se fait conversation (Association Maintenant. 2011), Michel Jondot nous raconte que, assez tôt, il rencontre Michel Lelong : « Je fréquentais les responsables de l’Église de France engagés dans le dialogue avec l’islam. Je connaissais le Père Lelong : je l’avais fait venir à Sainte Bathilde pour parler de l’islam. Il avait été chargé, quelques années plus tôt, d’ouvrir le Secrétariat, épiscopal, des relations avec l’islam. »
Michel Jondot a tenu à ce qu’un numéro spécial de sa Revue consacre en 2017 un hommage à notre ami commun Michel Lelong, avec qui nous avions fondé le Groupe d’amitié islamo-chrétienne en 1993. Tout comme, il a rendu un hommage à l’éminent islamologue Ali Merad, autre artisan du dialogue.
Lire aussi : Ali Merad (1930-2017) : de l’école coranique de Laghouat aux universités de Lyon et de Paris
Dans L'Église se fait conversation (Association Maintenant. 2011), Michel Jondot nous raconte que, assez tôt, il rencontre Michel Lelong : « Je fréquentais les responsables de l’Église de France engagés dans le dialogue avec l’islam. Je connaissais le Père Lelong : je l’avais fait venir à Sainte Bathilde pour parler de l’islam. Il avait été chargé, quelques années plus tôt, d’ouvrir le Secrétariat, épiscopal, des relations avec l’islam. »
Michel Jondot a tenu à ce qu’un numéro spécial de sa Revue consacre en 2017 un hommage à notre ami commun Michel Lelong, avec qui nous avions fondé le Groupe d’amitié islamo-chrétienne en 1993. Tout comme, il a rendu un hommage à l’éminent islamologue Ali Merad, autre artisan du dialogue.
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Vivre une authentique fraternité entre musulmans et chrétiens
Michel Jondot était un rassembleur. « Je cherchais à rejoindre les chrétiens et à les préparer à intégrer, dans le champ où ils avaient à vivre leur foi, la relation avec ces hommes et ces femmes qu’on ne rencontrait pas mais que l’on confondait avec les images assez peu flatteuses qu’en donnaient les médias. », disait-il.
Il a consacré une grande partie de sa vie en relation avec les musulmans, notamment dans les quartiers défavorisés. Il fut ordonné prêtre en 1961, à la veille du Concile Vatican II qui l’a marqué, vu le nouveau cycle d’ouverture sur les autres religions. Il est entré au séminaire jeune et a eu comme professeur de grands noms de la théologie, qui l’auront aidé à comprendre la dimension mystique du dialogue. Ses contacts avec les musulmans ont donné à sa vie le goût de la fraternité et de l’action pour les causes justes, comme la cause palestinienne, sachant qu’il n’y a pas de paix sans justice.
Il a été aumônier de la Jeunesse ouvrière chrétienne et, en tant que prêtre humaniste et progressiste, solidaire de la lutte du peuple algérien pour son indépendance. Il m’a raconté qu’il fut choqué suite à la nuit du 17 au 18 octobre 1961, lorsque furent réprimés et jeté dans la Seine des centaines d’Algériens manifestant dignement et pacifiquement dans les rues de Paris.
L’expérience de Michel Jondot témoigne que, par-delà les différences qui les séparent, musulmans et chrétiens, sont proches et peuvent vivre une authentique fraternité. Il témoigne que la religion musulmane prenait corps dans le pays et qu’il était aux premières loges pour la voir naître : « Je suis parti à la découverte des salles de prière dans le département (les Hauts-de-Seine). On les appelait pompeusement des mosquées. L’accueil était étrange ; manifestement ma démarche déconcertait mais peu à peu j’étais admis dans cet univers musulman à la fois proche et lointain. »*
Il a consacré une grande partie de sa vie en relation avec les musulmans, notamment dans les quartiers défavorisés. Il fut ordonné prêtre en 1961, à la veille du Concile Vatican II qui l’a marqué, vu le nouveau cycle d’ouverture sur les autres religions. Il est entré au séminaire jeune et a eu comme professeur de grands noms de la théologie, qui l’auront aidé à comprendre la dimension mystique du dialogue. Ses contacts avec les musulmans ont donné à sa vie le goût de la fraternité et de l’action pour les causes justes, comme la cause palestinienne, sachant qu’il n’y a pas de paix sans justice.
Il a été aumônier de la Jeunesse ouvrière chrétienne et, en tant que prêtre humaniste et progressiste, solidaire de la lutte du peuple algérien pour son indépendance. Il m’a raconté qu’il fut choqué suite à la nuit du 17 au 18 octobre 1961, lorsque furent réprimés et jeté dans la Seine des centaines d’Algériens manifestant dignement et pacifiquement dans les rues de Paris.
L’expérience de Michel Jondot témoigne que, par-delà les différences qui les séparent, musulmans et chrétiens, sont proches et peuvent vivre une authentique fraternité. Il témoigne que la religion musulmane prenait corps dans le pays et qu’il était aux premières loges pour la voir naître : « Je suis parti à la découverte des salles de prière dans le département (les Hauts-de-Seine). On les appelait pompeusement des mosquées. L’accueil était étrange ; manifestement ma démarche déconcertait mais peu à peu j’étais admis dans cet univers musulman à la fois proche et lointain. »*
Il noua des amitiés décisives avec des personnalités musulmanes : « Je découvrais aussi des personnalités qui avaient une expérience ancienne de dialogue. Il faudra reparler de Saad Abssi : il avait été hébergé, pendant la guerre d’Algérie, alors qu’il était militant FLN, par la paroisse de Gennevilliers et ses engagements associatifs ou syndicaux lui avaient permis de côtoyer fraternellement des militants chrétiens. »*
Saad Abssi figure digne et attachante, un doyen, exprima un jour à Michel et à l’évêque de Nanterre son sentiment profond : « Nous sommes dans une société où les laissés-pour-compte attendaient que les croyants se retroussent les manches ; en nous référant à nos messages respectifs, nous nous devions de joindre nos efforts pour faire reculer l’injustice et rendre la société plus humaine. » Ces paroles sincères, raconte Michel, l’ont touché profondément, elles ouvraient un chemin. En 2015, initié par Michel Jondot, un livre collectif d’hommage à Saad Abssi fut édité.
Saad Abssi figure digne et attachante, un doyen, exprima un jour à Michel et à l’évêque de Nanterre son sentiment profond : « Nous sommes dans une société où les laissés-pour-compte attendaient que les croyants se retroussent les manches ; en nous référant à nos messages respectifs, nous nous devions de joindre nos efforts pour faire reculer l’injustice et rendre la société plus humaine. » Ces paroles sincères, raconte Michel, l’ont touché profondément, elles ouvraient un chemin. En 2015, initié par Michel Jondot, un livre collectif d’hommage à Saad Abssi fut édité.
Entrer en dialogue, une aventure spirituelle
Ensemble, Michel et Saad, et avec d’autres personnes musulmanes, comme Mohammed Benali, et chrétiennes, comme Christine Fontaine, créent une association en 1993 pour favoriser la solidarité et le dialogue : Approches islamo-chrétiennes dans les Hauts-de-Seine. Elle évoluera, notamment en coopération avec l’association Ennour de l’accueillante mosquée de Gennevilliers. Michel expliquait que la rencontre des religions était une belle manifestation de laïcité puisqu’elle protégeait les musulmans comme les chrétiens de se replier sur une identité confessionnelle.
Entrer en dialogue suppose, affirmait-il, un déplacement, une ouverture d’esprit. Il y voyait une aventure et une aventure spirituelle. Chaque famille religieuse, disait Michel, ressemble à un alpiniste qui monte une pente. Il ne voit pas que d’autres personnes escaladent le même pic en gravissant le versant opposé. Heureusement, tous se retrouvent au sommet – le terme de l’Histoire - et le sommet pour le chrétien est Dieu, le chemin est Jésus et, pour les musulmans, le sommet c’est Dieu l’Unique et sa voie est le Coran et la Sunna de son Prophète Muhammad.
Michel Jondot interrogeait l’Encyclique Ecclesiam suam, du Concile Vatian II, texte intitulé justement « L’Église se fait conversation ». Il faisait l’expérience du dialogue interreligieux, mais pour en découvrir les enjeux et les limites. « Les chrétiens y sont invités à reconnaître la part de vérité contenue dans chaque religion », disait-il. Avec une profonde sincérité, il se demandait : « Peut-on parler avec respect à ceux dont nous prétendons être supérieurs ? Autre chose me gênait dans cette approche interreligieuse. Elle nie l’altérité de l’interlocuteur dans la mesure où ce qui motive la rencontre est ce par quoi il me ressemble : n’est-ce pas faire fi de la différence ? »* Il partageait avec moi l’idée que l’islam est méconnu. Combien d’intellectuels européens connaissent la langue arabe et la culture musulmane qui ont pourtant contribué à l’émergence de la modernité ?
Entrer en dialogue suppose, affirmait-il, un déplacement, une ouverture d’esprit. Il y voyait une aventure et une aventure spirituelle. Chaque famille religieuse, disait Michel, ressemble à un alpiniste qui monte une pente. Il ne voit pas que d’autres personnes escaladent le même pic en gravissant le versant opposé. Heureusement, tous se retrouvent au sommet – le terme de l’Histoire - et le sommet pour le chrétien est Dieu, le chemin est Jésus et, pour les musulmans, le sommet c’est Dieu l’Unique et sa voie est le Coran et la Sunna de son Prophète Muhammad.
Michel Jondot interrogeait l’Encyclique Ecclesiam suam, du Concile Vatian II, texte intitulé justement « L’Église se fait conversation ». Il faisait l’expérience du dialogue interreligieux, mais pour en découvrir les enjeux et les limites. « Les chrétiens y sont invités à reconnaître la part de vérité contenue dans chaque religion », disait-il. Avec une profonde sincérité, il se demandait : « Peut-on parler avec respect à ceux dont nous prétendons être supérieurs ? Autre chose me gênait dans cette approche interreligieuse. Elle nie l’altérité de l’interlocuteur dans la mesure où ce qui motive la rencontre est ce par quoi il me ressemble : n’est-ce pas faire fi de la différence ? »* Il partageait avec moi l’idée que l’islam est méconnu. Combien d’intellectuels européens connaissent la langue arabe et la culture musulmane qui ont pourtant contribué à l’émergence de la modernité ?
Du bonheur d’avoir bénéficié de son estime
Pour lui, « Esprit » et « Vérité » sont des mots-clés du dialogue interreligieux : « Rejoindre autrui par-delà les frontières qui définissent, trouver la parole où l’on advient comme sujet pour s’adresser à autrui sans le réduire au même, tel est, me semble-t-il, la façon la plus humaine de vivre le dialogue interreligieux.
Unanimement d’accord pour reconnaître qu’ensemble, nous pouvions travailler au service d’une société plus juste. Nous pouvions puiser, les uns et les autres, dans nos messages respectifs, les motivations spirituelles de nos engagements. Nous continuerions, bien sûr, à être les uns face aux autres, témoins de nos convictions religieuses. »* Juifs, chrétiens, musulmans, tous frères, et au-delà attachés à la fraternité humaine. Reste à pratiquer l’interconnaissance.
Il s’agit non de s’enfermer dans un idéalisme, mais de sortir du dialogue de sourds, de bâtir des ponts et de donner à penser pour vivre ensemble en paix. Sa dernière demande qu’il a eu l’amitié de m’adresser est d’écrire un article sur le « Mystère de Dieu ». Il paraîtra dans le prochain numéro de la Maison islamo-chrétienne. Il me répondit qu’il se sentait très proche de ce que j’ai écris. Son destin de prêtre l’a placé sur le chemin islamo-chrétien. Comme avec d’autres amis chrétiens et musulmans, j’ai eu le bonheur de dialoguer avec lui et de bénéficier de son estime. Adieu l’ami.
*Michel et ses amis, L'Église se fait conversation, Association Maintenant, 2011.
*****
Mustapha Cherif est philosophe et islamologue, professeur des universités, lauréat du prix Unesco du dialogue des cultures. Il est auteur de quinze ouvrages, dont Sortir des extrêmes (Point sur les i, 2015) et « L’Émir Abdelkader apôtre de la fraternité » (Odile Jacob, 2016).
Lire aussi :
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Mustapha Cherif : « En ces temps de crise, continuer à éduquer et à dialoguer »
Mustapha Cherif : « De la relation islamo-chrétienne, dépend l’avenir du monde »
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*Michel et ses amis, L'Église se fait conversation, Association Maintenant, 2011.
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