Une cérémonie officielle a été organisée le 18 mars avec le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, pour célébrer les dix ans de l’aumônerie musulmane aux armées.
Messieurs les représentants des autorités religieuses,
Mesdames et Messieurs les officiers généraux,
Messieurs les aumôniers en chef,
Mesdames et Messieurs les aumôniers,
Mesdames et Messieurs,
C’est un honneur et un plaisir de vous accueillir à l’Hôtel de Brienne, pour célébrer les dix ans d’existence de l’aumônerie musulmane aux armées.
Certains anniversaires ont une importance particulière, au-delà même de l’événement qu’ils viennent célébrer. Celui qui nous rassemble aujourd’hui trouve ainsi ses racines dans l’engagement, depuis plus de deux siècles, de soldats de confession ou de culture musulmane au sein des armées françaises.
Ceux que l’on appelait jadis les Mamelouks de l’armée napoléonienne, ceux qui combattaient naguère comme spahis, tirailleurs, zouaves, turcos ou encore goumiers, et toutes celles et tous ceux qui, aujourd’hui, reconnaissent l’islam comme leur religion, et la France comme leur patrie, qu’ils ont fait le choix de défendre par les armes, tous méritent notre reconnaissance.
C’est l’Histoire qui a scellé cet engagement au cœur de la nation française. Tant de fois, des soldats musulmans ont versé leur sang, ont donné leur vie, pour que la France recouvre sa liberté ou demeure une terre fraternelle.
Au cours des deux guerres mondiales en particulier, ils ont fait la preuve du plus grand courage. Dès 1917, au lendemain de la bataille de Verdun qui devait faire 70 000 morts parmi eux, la France a reconnu le sacrifice de ces soldats qui avaient quitté la terre de leurs pères pour venir défendre la République.
Cette reconnaissance s’est notamment exprimée à travers la construction de la Grande Mosquée de Paris, à l’initiative des maréchaux de France. L’un d’eux, le maréchal Lyautey, avait d’ailleurs déclaré : « Quand s’érigera le minaret que vous allez construire, il ne montera vers le beau ciel bleu de l’Île-de-France qu’une prière de plus, dont les tours catholiques de Notre-Dame ne seront point jalouses. »
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, les troupes d’Afrique du Nord et d’Afrique sub-saharienne ont contribué de manière décisive à l’épopée de la France libre. Elles furent notamment au cœur de la libération de la Corse, en octobre 1943, et ce sont elles encore que nous retrouvons à l’été 1944 dans les combats pour la libération de la Provence.
Tous ces combats, qui ont valu à plusieurs de ces unités de recevoir de nombreuses décorations et d’être faites Compagnons de la libération en 1945, sont entrés dans la légende de nos armées. Elles en conçoivent une légitime fierté.
Aujourd’hui, de nombreux soldats français de confession musulmane servent sous les drapeaux. Si rien ne les distingue de leurs frères et sœurs d’armes dans les combats qu’ils mènent ensemble pour défendre la France, ses intérêts et ses valeurs, il importait de leur garantir, comme aux autres, la libre observation du culte qu’ils ont choisi.
C’était tout l’enjeu de la création de l’aumônerie militaire musulmane en 2005, et c’est plus que jamais le sens de l’action qu’elle porte aujourd’hui.
En conformité avec la loi de 1905 portant séparation des Eglises et de l’Etat, qui garantit la liberté de culte dans les institutions publiques dites « fermées », la création de l’aumônerie militaire musulmane a d’abord répondu à l’objectif de normaliser la gestion du culte musulman dans les armées, et de mieux accompagner nos soldats, en leur apportant un soutien cultuel, dans l’accomplissement de leurs missions.
Dix ans après sa mise en place, force est de constater que l’aumônerie musulmane aux armées s’est montrée à la hauteur des espoirs placés en elle et continue de répondre aujourd’hui aux attentes qui s’expriment à son égard. La légitimité qu’elle a acquise, le dynamisme qu’elle montre, sont d’autant plus remarquables qu’elle demeure encore jeune. Elle est aujourd’hui l’une des plus fortes parmi celles de nos alliés – je pense notamment à l’OTAN.
Le mérite en revient aux 38 aumôniers musulmans, parmi lesquels se trouvent notamment une femme et sept réservistes opérationnels. Trois d’entre eux sont actuellement déployés en opérations extérieures. Le mérite en revient bien sûr aussi, et je veux le saluer particulièrement, à Monsieur Abdelkader Arbi, aumônier en chef du culte musulman. Depuis l’origine, il anime avec passion et talent la vie de l’aumônerie. Je pense à la revue Engagement, qui offre un support de grande qualité au débat toujours bienvenu sur l’engagement militaire et les convictions religieuses. Je pense aussi à l’organisation de pèlerinages à la Mecque, également permis par l’association de soutien à l’aumônerie musulmane des armées. Je pense encore à toutes les actions qu’il a initiées, dans les hôpitaux militaires ou au profit des jeunes des lycées militaires à travers l’organisation d’une pastorale.
Mais l’anniversaire qui nous rassemble aujourd’hui ne marque pas seulement l’aboutissement d’une démarche, déjà importante, au profit de la pratique cultuelle de l’islam dans les armées. Au-delà, il rappelle combien le ministère de la Défense a pris la mesure de ces enjeux, et s’offre aujourd’hui comme un exemple – dont nous pouvons être fiers – dans la gestion du fait religieux.
C’est pourquoi, en ce jour important, j’ai tenu à rassembler les quatre aumôneries militaires de l’armée française – en charge des cultes catholique, protestant, israélite et musulman –, et avec elles les représentants des différentes autorités religieuses.
Les différentes aumôneries militaires ont pour objectif premier de permettre aux soldats de pratiquer leur religion dans le cadre de leur engagement. Ce faisant, elles assurent un soutien moral, cultuel et spirituel au profit des combattants. Ce soutien peut dépasser son champ d‘origine, tout en respectant l’identité religieuse de chacun.
Ainsi, lorsqu’un aumônier est embarqué sur l’un de nos bâtiments, quelle que soit son appartenance cultuelle, il est au service de tous. A bord comme à terre, en opérations comme au sein des unités, l’aumônier est avant tout un homme ou une femme de dialogue, d’écoute, de discrétion aussi. Il témoigne au quotidien de l’ouverture d’esprit des aumôneries militaires, qui œuvrent fréquemment de concert, dans un esprit de fraternité religieuse exemplaire.
En opérations en particulier, nos aumôniers jouent un rôle crucial. Ils peuvent conseiller le commandement, notamment pour faire comprendre l’environnement religieux du théâtre où ils sont déployés. Mais dans ces circonstances où nos soldats se retrouvent souvent, dans une collective solitude, placés devant la vérité de leur engagement, ils sont surtout là pour aider à faire face à l’éloignement, à la blessure ou à la mort.
Ils sont là, encore, cette fois loin des théâtres, pour accompagner les familles sur cet autre versant de l’absence, et soutenir tous ceux qui sont revenus meurtris par les combats qu’ils ont livrés, par la violence du monde dont ils sont les premiers témoins. Chacun le mesure, cette tâche est difficile. Elle est essentielle entre toutes. C’est pourquoi je tiens à saluer chaleureusement celles et ceux qui ont le courage – car il n’en faut pas que pour l’affrontement militaire – d’aller au bout de cette vocation.
Les armées françaises, je l’ai dit, sont à l’image de notre société. Cette belle idée de la nation en armes est à la fois un constat que nous faisons et une ambition que nous devons continuer de porter. Car il ne suffit pas de prendre acte des évolutions sociologiques. Il faut aussi adapter notre Défense, pour qu’elle soit pleinement en phase avec les légitimes aspirations de notre temps.
En l’espace de deux décennies, des changements sensibles sont intervenus. Depuis 1992, grâce à une circulaire du ministre Pierre Joxe, les cantines militaires parviennent à respecter le régime halal ou casher des soldats qui en expriment le souhait. Les fêtes religieuses et les prières sont de la même manière préservées, autant que l’exigence opérationnelle le permet. Et la création de l’aumônerie musulmane a permis d’améliorer encore les conditions d’exercice du culte et le respect des rites alimentaires.
Dans le même temps, nos armées se sont engagées avec force dans la lutte contre les discriminations religieuses. Il faut le dire, chez nous comme ailleurs, la discrimination et le racisme restent une réalité. Face à ces dérives, qui sont inacceptables, c’est toujours la fermeté du commandement et la fraternité d’armes qui constitueront les réponses
adéquates.
Ministre de la Défense, je n’accepterai jamais qu’un soldat français soit montré du doigt parce qu’il est musulman, qu’il soit victime d’amalgames avec ceux qui abîment le message de l’islam et voudraient en faire une doctrine de rejet et de haine.
Pour moi, comme pour l’ensemble des armées, la valeur d’un soldat s’apprécie à la seule aune de son engagement au service de la France. Mais nous devons aussi, et je l’ai rappelé, lui permettre d’observer le culte de son choix. C’est le modèle français. C’est tout le sens de notre laïcité. Cette laïcité à la française, fondée sur la séparation des Eglises – c’est-à-dire des religions – et de l’Etat, permet un vivre-ensemble, qui respecte les convictions de chacun. En laissant le choix de croire ou de ne pas croire, en garantissant la liberté de tous les cultes et en même temps l’universalité de la République, elle offre à la nation française un formidable cadre de cohésion et d’apaisement.
L’armée, institution républicaine qui est garante de la tranquillité de la nation, a inscrit la laïcité en son cœur. Bien sûr, elle l’a adaptée aux impératifs de l’engagement militaire, avec la création d’aumôneries qui prennent toute leur part au dialogue entre le pluralisme des religions et l’universalisme des valeurs portées par nos soldats.
Aujourd’hui, alors que nous célébrons les dix ans d’existence de l’aumônerie militaire musulmane, nos armées s’offrent à nouveau comme un exemple intéressant qui souligne l’intérêt et peut-être la nécessité de former les représentants de l’islam en France.
La radicalisation est aussi un risque dans les armées françaises, toujours à l’image de notre société. Face à ce risque, les aumôniers ont un rôle évident à jouer, mais nous devons plus largement favoriser les conditions d’existence d’un islam français, nourri de cet esprit de bienveillance, de tolérance et d’universalité, et qu’autorise précisément la laïcité d’apaisement qui nous rassemble.
Devant ces défis, l’excellence du recrutement et de la formation de nos aumôniers est une exigence que nous devons continuer d’affirmer. Le parcours de Haïm Korsia, que je suis heureux de saluer parmi nous, aumônier en chef du culte israélite élu le 22 juin dernier Grand Rabbin de France, est un exemple parmi de nombreux autres, tous cultes confondus, qui montrent que nos aumôneries militaires peuvent être des pépinières de personnalités religieuses d’avenir. Elles peuvent abriter des individualités fortes qui servent aujourd’hui nos armées et iront demain, sans perdre le lien avec notre défense, irriguer les composantes confessionnelles de la société tout entière.
Mesdames et Messieurs,
Comme le rappelait le président de la République en décembre 2012, « la laïcité n’est pas un contrat, une doctrine ou un dogme de plus. Elle n’est pas la religion de ceux qui n’ont pas de religion. La laïcité est l’art du vivre-ensemble ». Ce vivre-ensemble est une expérience concrète au sein de nos armées. C’est la fraternité d’armes. C’est la cohésion des hommes et des femmes. Mais c’est aussi la tolérance et le respect qui peuvent les rassembler dans une même cause, celle de la défense de la France.
Aujourd’hui, toutes les aumôneries sont rassemblées, et c’est bien ensemble que nous devons incarner cette laïcité. Car il ne suffit pas d’en parler, il faut la faire vivre au quotidien, et je tenais aussi à profiter de cette occasion, Mesdames et Messieurs les aumôniers des quatre cultes, pour vous dire que vous en êtes la plus remarquable expression. A l’heure où notre société s’interroge sur certaines de ses valeurs constitutives, il y a là un exemple que nous pouvons lui recommander de suivre.
Mesdames et Messieurs les officiers généraux,
Messieurs les aumôniers en chef,
Mesdames et Messieurs les aumôniers,
Mesdames et Messieurs,
C’est un honneur et un plaisir de vous accueillir à l’Hôtel de Brienne, pour célébrer les dix ans d’existence de l’aumônerie musulmane aux armées.
Certains anniversaires ont une importance particulière, au-delà même de l’événement qu’ils viennent célébrer. Celui qui nous rassemble aujourd’hui trouve ainsi ses racines dans l’engagement, depuis plus de deux siècles, de soldats de confession ou de culture musulmane au sein des armées françaises.
Ceux que l’on appelait jadis les Mamelouks de l’armée napoléonienne, ceux qui combattaient naguère comme spahis, tirailleurs, zouaves, turcos ou encore goumiers, et toutes celles et tous ceux qui, aujourd’hui, reconnaissent l’islam comme leur religion, et la France comme leur patrie, qu’ils ont fait le choix de défendre par les armes, tous méritent notre reconnaissance.
C’est l’Histoire qui a scellé cet engagement au cœur de la nation française. Tant de fois, des soldats musulmans ont versé leur sang, ont donné leur vie, pour que la France recouvre sa liberté ou demeure une terre fraternelle.
Au cours des deux guerres mondiales en particulier, ils ont fait la preuve du plus grand courage. Dès 1917, au lendemain de la bataille de Verdun qui devait faire 70 000 morts parmi eux, la France a reconnu le sacrifice de ces soldats qui avaient quitté la terre de leurs pères pour venir défendre la République.
Cette reconnaissance s’est notamment exprimée à travers la construction de la Grande Mosquée de Paris, à l’initiative des maréchaux de France. L’un d’eux, le maréchal Lyautey, avait d’ailleurs déclaré : « Quand s’érigera le minaret que vous allez construire, il ne montera vers le beau ciel bleu de l’Île-de-France qu’une prière de plus, dont les tours catholiques de Notre-Dame ne seront point jalouses. »
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, les troupes d’Afrique du Nord et d’Afrique sub-saharienne ont contribué de manière décisive à l’épopée de la France libre. Elles furent notamment au cœur de la libération de la Corse, en octobre 1943, et ce sont elles encore que nous retrouvons à l’été 1944 dans les combats pour la libération de la Provence.
Tous ces combats, qui ont valu à plusieurs de ces unités de recevoir de nombreuses décorations et d’être faites Compagnons de la libération en 1945, sont entrés dans la légende de nos armées. Elles en conçoivent une légitime fierté.
Aujourd’hui, de nombreux soldats français de confession musulmane servent sous les drapeaux. Si rien ne les distingue de leurs frères et sœurs d’armes dans les combats qu’ils mènent ensemble pour défendre la France, ses intérêts et ses valeurs, il importait de leur garantir, comme aux autres, la libre observation du culte qu’ils ont choisi.
C’était tout l’enjeu de la création de l’aumônerie militaire musulmane en 2005, et c’est plus que jamais le sens de l’action qu’elle porte aujourd’hui.
En conformité avec la loi de 1905 portant séparation des Eglises et de l’Etat, qui garantit la liberté de culte dans les institutions publiques dites « fermées », la création de l’aumônerie militaire musulmane a d’abord répondu à l’objectif de normaliser la gestion du culte musulman dans les armées, et de mieux accompagner nos soldats, en leur apportant un soutien cultuel, dans l’accomplissement de leurs missions.
Dix ans après sa mise en place, force est de constater que l’aumônerie musulmane aux armées s’est montrée à la hauteur des espoirs placés en elle et continue de répondre aujourd’hui aux attentes qui s’expriment à son égard. La légitimité qu’elle a acquise, le dynamisme qu’elle montre, sont d’autant plus remarquables qu’elle demeure encore jeune. Elle est aujourd’hui l’une des plus fortes parmi celles de nos alliés – je pense notamment à l’OTAN.
Le mérite en revient aux 38 aumôniers musulmans, parmi lesquels se trouvent notamment une femme et sept réservistes opérationnels. Trois d’entre eux sont actuellement déployés en opérations extérieures. Le mérite en revient bien sûr aussi, et je veux le saluer particulièrement, à Monsieur Abdelkader Arbi, aumônier en chef du culte musulman. Depuis l’origine, il anime avec passion et talent la vie de l’aumônerie. Je pense à la revue Engagement, qui offre un support de grande qualité au débat toujours bienvenu sur l’engagement militaire et les convictions religieuses. Je pense aussi à l’organisation de pèlerinages à la Mecque, également permis par l’association de soutien à l’aumônerie musulmane des armées. Je pense encore à toutes les actions qu’il a initiées, dans les hôpitaux militaires ou au profit des jeunes des lycées militaires à travers l’organisation d’une pastorale.
Mais l’anniversaire qui nous rassemble aujourd’hui ne marque pas seulement l’aboutissement d’une démarche, déjà importante, au profit de la pratique cultuelle de l’islam dans les armées. Au-delà, il rappelle combien le ministère de la Défense a pris la mesure de ces enjeux, et s’offre aujourd’hui comme un exemple – dont nous pouvons être fiers – dans la gestion du fait religieux.
C’est pourquoi, en ce jour important, j’ai tenu à rassembler les quatre aumôneries militaires de l’armée française – en charge des cultes catholique, protestant, israélite et musulman –, et avec elles les représentants des différentes autorités religieuses.
Les différentes aumôneries militaires ont pour objectif premier de permettre aux soldats de pratiquer leur religion dans le cadre de leur engagement. Ce faisant, elles assurent un soutien moral, cultuel et spirituel au profit des combattants. Ce soutien peut dépasser son champ d‘origine, tout en respectant l’identité religieuse de chacun.
Ainsi, lorsqu’un aumônier est embarqué sur l’un de nos bâtiments, quelle que soit son appartenance cultuelle, il est au service de tous. A bord comme à terre, en opérations comme au sein des unités, l’aumônier est avant tout un homme ou une femme de dialogue, d’écoute, de discrétion aussi. Il témoigne au quotidien de l’ouverture d’esprit des aumôneries militaires, qui œuvrent fréquemment de concert, dans un esprit de fraternité religieuse exemplaire.
En opérations en particulier, nos aumôniers jouent un rôle crucial. Ils peuvent conseiller le commandement, notamment pour faire comprendre l’environnement religieux du théâtre où ils sont déployés. Mais dans ces circonstances où nos soldats se retrouvent souvent, dans une collective solitude, placés devant la vérité de leur engagement, ils sont surtout là pour aider à faire face à l’éloignement, à la blessure ou à la mort.
Ils sont là, encore, cette fois loin des théâtres, pour accompagner les familles sur cet autre versant de l’absence, et soutenir tous ceux qui sont revenus meurtris par les combats qu’ils ont livrés, par la violence du monde dont ils sont les premiers témoins. Chacun le mesure, cette tâche est difficile. Elle est essentielle entre toutes. C’est pourquoi je tiens à saluer chaleureusement celles et ceux qui ont le courage – car il n’en faut pas que pour l’affrontement militaire – d’aller au bout de cette vocation.
Les armées françaises, je l’ai dit, sont à l’image de notre société. Cette belle idée de la nation en armes est à la fois un constat que nous faisons et une ambition que nous devons continuer de porter. Car il ne suffit pas de prendre acte des évolutions sociologiques. Il faut aussi adapter notre Défense, pour qu’elle soit pleinement en phase avec les légitimes aspirations de notre temps.
En l’espace de deux décennies, des changements sensibles sont intervenus. Depuis 1992, grâce à une circulaire du ministre Pierre Joxe, les cantines militaires parviennent à respecter le régime halal ou casher des soldats qui en expriment le souhait. Les fêtes religieuses et les prières sont de la même manière préservées, autant que l’exigence opérationnelle le permet. Et la création de l’aumônerie musulmane a permis d’améliorer encore les conditions d’exercice du culte et le respect des rites alimentaires.
Dans le même temps, nos armées se sont engagées avec force dans la lutte contre les discriminations religieuses. Il faut le dire, chez nous comme ailleurs, la discrimination et le racisme restent une réalité. Face à ces dérives, qui sont inacceptables, c’est toujours la fermeté du commandement et la fraternité d’armes qui constitueront les réponses
adéquates.
Ministre de la Défense, je n’accepterai jamais qu’un soldat français soit montré du doigt parce qu’il est musulman, qu’il soit victime d’amalgames avec ceux qui abîment le message de l’islam et voudraient en faire une doctrine de rejet et de haine.
Pour moi, comme pour l’ensemble des armées, la valeur d’un soldat s’apprécie à la seule aune de son engagement au service de la France. Mais nous devons aussi, et je l’ai rappelé, lui permettre d’observer le culte de son choix. C’est le modèle français. C’est tout le sens de notre laïcité. Cette laïcité à la française, fondée sur la séparation des Eglises – c’est-à-dire des religions – et de l’Etat, permet un vivre-ensemble, qui respecte les convictions de chacun. En laissant le choix de croire ou de ne pas croire, en garantissant la liberté de tous les cultes et en même temps l’universalité de la République, elle offre à la nation française un formidable cadre de cohésion et d’apaisement.
L’armée, institution républicaine qui est garante de la tranquillité de la nation, a inscrit la laïcité en son cœur. Bien sûr, elle l’a adaptée aux impératifs de l’engagement militaire, avec la création d’aumôneries qui prennent toute leur part au dialogue entre le pluralisme des religions et l’universalisme des valeurs portées par nos soldats.
Aujourd’hui, alors que nous célébrons les dix ans d’existence de l’aumônerie militaire musulmane, nos armées s’offrent à nouveau comme un exemple intéressant qui souligne l’intérêt et peut-être la nécessité de former les représentants de l’islam en France.
La radicalisation est aussi un risque dans les armées françaises, toujours à l’image de notre société. Face à ce risque, les aumôniers ont un rôle évident à jouer, mais nous devons plus largement favoriser les conditions d’existence d’un islam français, nourri de cet esprit de bienveillance, de tolérance et d’universalité, et qu’autorise précisément la laïcité d’apaisement qui nous rassemble.
Devant ces défis, l’excellence du recrutement et de la formation de nos aumôniers est une exigence que nous devons continuer d’affirmer. Le parcours de Haïm Korsia, que je suis heureux de saluer parmi nous, aumônier en chef du culte israélite élu le 22 juin dernier Grand Rabbin de France, est un exemple parmi de nombreux autres, tous cultes confondus, qui montrent que nos aumôneries militaires peuvent être des pépinières de personnalités religieuses d’avenir. Elles peuvent abriter des individualités fortes qui servent aujourd’hui nos armées et iront demain, sans perdre le lien avec notre défense, irriguer les composantes confessionnelles de la société tout entière.
Mesdames et Messieurs,
Comme le rappelait le président de la République en décembre 2012, « la laïcité n’est pas un contrat, une doctrine ou un dogme de plus. Elle n’est pas la religion de ceux qui n’ont pas de religion. La laïcité est l’art du vivre-ensemble ». Ce vivre-ensemble est une expérience concrète au sein de nos armées. C’est la fraternité d’armes. C’est la cohésion des hommes et des femmes. Mais c’est aussi la tolérance et le respect qui peuvent les rassembler dans une même cause, celle de la défense de la France.
Aujourd’hui, toutes les aumôneries sont rassemblées, et c’est bien ensemble que nous devons incarner cette laïcité. Car il ne suffit pas d’en parler, il faut la faire vivre au quotidien, et je tenais aussi à profiter de cette occasion, Mesdames et Messieurs les aumôniers des quatre cultes, pour vous dire que vous en êtes la plus remarquable expression. A l’heure où notre société s’interroge sur certaines de ses valeurs constitutives, il y a là un exemple que nous pouvons lui recommander de suivre.
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