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Politique

La lutte contre « les séparatismes », un pluriel bien singulier assumé du gouvernement

Rédigé par | Vendredi 2 Octobre 2020 à 23:15

           

L’ambiguïté est levée : c’est bien la lutte contre « le séparatisme islamiste » qui est au cœur de la stratégie gouvernementale contre « les séparatismes ». La franchise de l'Elysée veut que la marque du pluriel ait disparu aujourd'hui de son discours public mais elle reste pourtant nécessaire.



La lutte contre « les séparatismes », un pluriel bien singulier assumé du gouvernement
C’est dans le contexte de crise sanitaire du Covid-19 que le discours tant attendu du président de la République sur la lutte contre « les séparatismes » a été prononcé vendredi 2 octobre. Un mot préféré par l’Elysée au « communautarisme » et qui avait récemment pris la marque du pluriel pour évoquer un phénomène multiforme à combattre au nom du principe d’indivisibilité de l’Etat.

Tout l’enjeu de l’Elysée est aussi d’éviter tout sentiment de stigmatisation à l’encontre des citoyens de confession musulmane. « Ne nous laissons pas entraîner dans le piège de l'amalgame tendu par les polémistes et par les extrêmes, qui consisterait à stigmatiser tous les musulmans », a lancé Emmanuel Macron.

Un S qui tombe mais pourtant bien nécessaire

Néanmoins, sans « naïveté, ni stigmatisation », c’est bien le séparatisme dit « islamiste », qui est aujourd'hui clairement désigné. La marque du pluriel pour parler des séparatismes, pourtant nécessaire pour rappeler l'étendue d'une réalité complexe, est clairement tombée. Le chef de l’Etat veut ainsi s’épargner tout procès en angélisme dans la lutte contre l’extrémisme dévoyant les principes de l’islam et visant « à créer un ordre parallèle ».

« Force est de constater qu'il y a un islamisme radical qui conduit à nier les lois de la République, à banaliser la violence et qui a conduit certains de nos citoyens, de nos enfants, à choisir le pire ou à considérer que le pire était devenu naturel », a-t-il déclaré. Non pas que d’autres formes de séparatismes n’existent pas mais elles sont « marginales » aux yeux du président. « Depuis des années, nous sommes encombrés par cette réalité » de « l’islamisme radical », a-t-il estimé.

Ce faisant, il prend le parti d'éluder, entre autres phénomènes, le danger que fait réellement courir l'extrême droite en France et qui nourrit elle aussi une forme de séparatisme dangereux avec la multiplication et la banalisation des discours haineux.

Néanmoins, le chef de l'Etat a pris le temps de revenir sur des failles de l'Etat à la source d'une logique séparatiste. « Nous avons-nous-mêmes construit notre propre séparatisme. (...) Nous avons construit une politique de concentration de la misère et des difficultés » notamment « économiques et éducatifs dans certains quartiers », a reconnu le président. A ces mots qui soulignent bien une réalité, des mesures fortes sont désormais attendues pour attaquer les maux à leurs racines. Autrement, le chef de l'Etat aura raté le coche.

Lire aussi : Face au « séparatisme islamiste », Macron pointe ouvertement la responsabilité de l’Etat

La lutte contre le séparatisme indissociable de la lutte contre la haine anti-musulmane

« Bien sûr qu’il ne faut pas se leurrer, les objectifs et les finalités du projet sont essentiellement de lutter contre ceux qui instrumentalisent la religion musulmane à des fins politiques et d’endoctrinement », fait part Mohammed Moussaoui auprès de Saphirnews. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles les rencontres se sont multipliés ces derniers jours entre l’exécutif et le Conseil français du culte musulman (CFCM), par deux fois avec Emmanuel Macron. Mais au final, dit-il, « le texte de loi sera neutre, aucun culte ne sera visé spécifiquement. (…) L’occasion pour le gouvernement de faire en sorte que le projet de loi soit équilibré ».

Le président de l’instance salue, pour sa part, le discours « équilibré » et « franc » du chef de l’Etat, qui a eu « le souci de ne pas stigmatiser les musulmans de France », ceci bien qu'Emmanuel Macron n'ait pas caché son désir de faire pression sur le CFCM pour faire aboutir des dossiers difficiles sur la formation et le statut des imams. Dans le même temps, « si on veut l’adhésion de l’ensemble des musulmans à cette lutte, il faut que le séparatisme qui s’attaque à eux soit aussi une préoccupation des pouvoirs publics », déclare-t-il. Car oui, l’extrémisme religieux se nourrit bel et bien en partie de la prégnance de la haine antimusulmane.

Sur ce point, Emmanuel Macron a évoqué dans son discours des décisions prochaines en matière de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations, sans évoquer spécifiquement l’islamophobie ou le racisme antimusulman. Reste donc à savoir si les mesures sauront être fortes et refléter l'ambition dont la lutte antiraciste, au service de l'égalité entre les citoyens, a besoin en France.

Lire aussi : Face à Jean Castex, le CFCM demande une commission d'enquête parlementaire contre la haine antimusulmane

Le sujet du « séparatisme islamiste » maintenant posé par l'Elysée, faut-il désormais craindre un climat délétère en France ? A cette question posée lors de la conférence de presse, Emmanuel Macron répond avec adresse, avec un message particulier à l’endroit des médias et des forces politiques. « C’est tout à fait possible » mais cela ne sera pas de son fait, estime-t-il. « Nous avons tous une responsabilité », celle « d’essayer de faire avancer les débats de manière républicaine sans créer de climat délétère. » Le risque n'est donc pas prêt de disparaître.



Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur


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