Abdelwahab Meddeb est mort, jeudi 6 novembre, à Paris à l'âge de 68 ans des suites d’un cancer du poumon.
Abdelwahab Meddeb est mort, jeudi 6 novembre, à Paris à l'âge de 68 ans des suites d’un cancer du poumon qui n'a été dépisté qu'en juillet dernier.
La nouvelle de son décès, qui circulait dans les réseaux tunisiens, a été confirmée très tôt par France Culture où l’écrivain, né à Tunis en 1946, y travaillait depuis 1997 en tant que producteur et animateur de l’émission hebdomadaire Cultures d’Islam chaque vendredi. « Entre tradition et modernité, il y décortiquait et interrogeait les enjeux de civilisation de notre temps, en mettant en regard l’Orient et l’Occident, l’islam et l’Europe », présente ainsi la radio de l'émission du philosophe, qui a été directeur éditorial des Editions Sindbad de 1974 à 1987. Durant ces années et bien après, il s’était attaché à promouvoir en France les grands classiques du soufisme tels que Ibn Arabi (1165-1240) ou Rumi (1207-1273).
La nouvelle de son décès, qui circulait dans les réseaux tunisiens, a été confirmée très tôt par France Culture où l’écrivain, né à Tunis en 1946, y travaillait depuis 1997 en tant que producteur et animateur de l’émission hebdomadaire Cultures d’Islam chaque vendredi. « Entre tradition et modernité, il y décortiquait et interrogeait les enjeux de civilisation de notre temps, en mettant en regard l’Orient et l’Occident, l’islam et l’Europe », présente ainsi la radio de l'émission du philosophe, qui a été directeur éditorial des Editions Sindbad de 1974 à 1987. Durant ces années et bien après, il s’était attaché à promouvoir en France les grands classiques du soufisme tels que Ibn Arabi (1165-1240) ou Rumi (1207-1273).
Un passionné de l'écriture
L’un des tout premiers à réagir au décès fut Benjamin Stora, ému par la disparition d’un homme qu’il a accompagné jusqu’à son dernier souffle. Avec Abdelwahad Medded, il a été l’auteur de « Histoire des relations entre juifs et musulmans, des origines à nos jours », paru en octobre 2013 aux éditions Albin Michel. L’historien, qui est depuis août directeur de la Cité nationale de l’histoire et de l’immigration (CNHI), a parcouru la France et tout le pourtour de la Méditerranée avec l’écrivain pendant de longs mois afin de présenter au grand public un encyclopédie unique en son genre, fruit de quatre ans de travail avec une centaine d'universitaires. Un homme d’une « immense érudition », « très courageux » qui a combattu contre la maladie « de manière très admirable jusqu’au bout », déclare Benjamin Stora.
Sa passion pour la littérature française l’amène à venir s'installer en France en 1967, puis à enseigner, depuis 1987, aux universités de Genève, Yale, Florence, Paris-Descartes et, dernièrement, Paris-Nanterre en tant que spécialiste de littérature comparée (Europe et monde islamique), de littérature arabe francophone et d'histoire du soufisme. C’est dans les années 2000 qu’il se fait remarquer, après l’obtention du prix Max Jacob en 2002 pour son recueil de poésies Matière des oiseaux et du prix Benjamin Fondane pour Contre-prêches en 2007. Au total, il signa une trentaine de livres depuis 1979.
Sa passion pour la littérature française l’amène à venir s'installer en France en 1967, puis à enseigner, depuis 1987, aux universités de Genève, Yale, Florence, Paris-Descartes et, dernièrement, Paris-Nanterre en tant que spécialiste de littérature comparée (Europe et monde islamique), de littérature arabe francophone et d'histoire du soufisme. C’est dans les années 2000 qu’il se fait remarquer, après l’obtention du prix Max Jacob en 2002 pour son recueil de poésies Matière des oiseaux et du prix Benjamin Fondane pour Contre-prêches en 2007. Au total, il signa une trentaine de livres depuis 1979.
Un homme mal aimé parmi les musulmans
Son aura médiatique, l'universitaire franco-tunisien la doit surtout à son ouvrage La maladie de l’islam, paru en 2002 au Seuil, un best-seller de l'année pour lequel l'auteur a obtenu le prix François Mauriac, décerné chaque année par l'Académie française. Il y dénonçait l'intégrisme religieux, après les attentats du 11-Septembre.
Si Abdelwahad Medded fait l’unanimité dans le milieu intellectuel français, il n’en est pas de même au sein de la communauté musulmane, dont une partie lui reproche les raccourcis qu'il emprunte dès lors qu'il évoque l'islamisme, assimilé au fascisme. L'homme, qui déclarait ne pas supporter le voile dans les colonnes de Libération en 2009, s’était attiré les foudres d'une communauté en 2007 en défendant à la barre Charlie Hebdo lors du procès des caricatures du Prophète Muhammad. Au procès qui opposait le journal satirique à la Grande Mosquée de Paris et l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), l’écrivain estimait alors « important qu’un musulman dénonce l’islamisme radical », « au nom de la liberté d’expression ».
S'agissant de l'Aïd el-Kébir, il appelait - entre autres - les musulmans à « se débarrasser de ce rite » qui est « un reste du paganisme » lors d'une interview sur France Culture en 2009, en référence à son ouvrage Sortir de la malédiction. L'Islam entre civilisation et barbarie (Seuil, 2008).
Si Abdelwahad Medded fait l’unanimité dans le milieu intellectuel français, il n’en est pas de même au sein de la communauté musulmane, dont une partie lui reproche les raccourcis qu'il emprunte dès lors qu'il évoque l'islamisme, assimilé au fascisme. L'homme, qui déclarait ne pas supporter le voile dans les colonnes de Libération en 2009, s’était attiré les foudres d'une communauté en 2007 en défendant à la barre Charlie Hebdo lors du procès des caricatures du Prophète Muhammad. Au procès qui opposait le journal satirique à la Grande Mosquée de Paris et l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), l’écrivain estimait alors « important qu’un musulman dénonce l’islamisme radical », « au nom de la liberté d’expression ».
S'agissant de l'Aïd el-Kébir, il appelait - entre autres - les musulmans à « se débarrasser de ce rite » qui est « un reste du paganisme » lors d'une interview sur France Culture en 2009, en référence à son ouvrage Sortir de la malédiction. L'Islam entre civilisation et barbarie (Seuil, 2008).
Les islamistes pires que Ben Ali
Parmi les partisans de la révolution tunisienne, les critiques vont bon train. Son mutisme face au régime de Ben Ali, soutenu en Occident tant que la lutte contre le terrorisme et l’intégrisme religieux étaient ses priorités, lui est largement reproché. L'invitation reçue de l'ambassade de Tunis pour une réception en son honneur en 2004 et à laquelle il a participé lui a été souvent rappelé.
Abdelwahab Meddeb, qui assumait parfaitement sa double identité, a démenti, fin 2012, au cours d'un entretien au Courrier de l'Atlas, tout contact avec Ben Ali qui a en partage, avec Nicolas Sarkozy, « la vulgarité et l’ignorance comme le culte de l’argent et l’arrivisme ». Cependant, « ceux qui constituent pour moi l’entrave absolue pour notre retour à la civilisation, ceux-là, les islamistes, dont j’ai déconstruit le système idéologique, sont au pouvoir. Et la dictature qu’ils mettraient en place serait pire que la précédente, on passerait du dernier avatar du despotisme (qui n’abolit pas la liberté des mœurs) au totalitarisme », appuyait-il.
Dans son livre Printemps de Tunis, la métamorphose de l'histoire, paru aux lendemains de la chute de Ben Ali, il écrivait en ces termes : « Nous n’avions pas protesté quand Ben Ali avait procédé à l’éradication des islamistes par la terreur en 1990-1991. Nous en étions même soulagés. » De son silence face à la dictature, se dégage ainsi un autre pan de son engagement : le penseur a résolument milité contre l’islamisme, sa bête noire contre laquelle il livrait combat, sans pour autant y apporter de la nuance selon les contextes.
Abdelwahab Meddeb, qui assumait parfaitement sa double identité, a démenti, fin 2012, au cours d'un entretien au Courrier de l'Atlas, tout contact avec Ben Ali qui a en partage, avec Nicolas Sarkozy, « la vulgarité et l’ignorance comme le culte de l’argent et l’arrivisme ». Cependant, « ceux qui constituent pour moi l’entrave absolue pour notre retour à la civilisation, ceux-là, les islamistes, dont j’ai déconstruit le système idéologique, sont au pouvoir. Et la dictature qu’ils mettraient en place serait pire que la précédente, on passerait du dernier avatar du despotisme (qui n’abolit pas la liberté des mœurs) au totalitarisme », appuyait-il.
Dans son livre Printemps de Tunis, la métamorphose de l'histoire, paru aux lendemains de la chute de Ben Ali, il écrivait en ces termes : « Nous n’avions pas protesté quand Ben Ali avait procédé à l’éradication des islamistes par la terreur en 1990-1991. Nous en étions même soulagés. » De son silence face à la dictature, se dégage ainsi un autre pan de son engagement : le penseur a résolument milité contre l’islamisme, sa bête noire contre laquelle il livrait combat, sans pour autant y apporter de la nuance selon les contextes.
Une diabolisation certaine de l’islamisme
Lors d'un débat en 2008 face à Tariq Ramadan dans l'émission Ce soir (ou jamais !), l'essayiste, qui s'est risqué à parler d'abrogation du jihad en le réduisant au sens promu par les intégristes tant dénoncés, avait clairement signifié son mépris de l'islamisme. Ramenant l'intellectuel suisse à sa généalogie - il est petit-fils du fondateur des Frères musulmans en Egypte, il lançait : « le poison (de l'intégrisme) a été semé par votre grand-père ».
Abdelwahad Meddeb, attentif à l'évolution politique de son pays natal, a fait valoir naturellement son opposition franche à Ennahdha, qui avait remporté les premières élections libres de 2011 au pays du jasmin. Ses derniers mots dans le champ médiatique, il les a en partie réservé pour déclarer publiquement, en octobre 2014, son soutien à Nidaa Tounes et à son dirigeant Béji Caïd Essebsi, tant aux élections législatives que présidentielles tunisiennes.
Ce choix « est un vote de salut public. (…) Nous sommes devant le choix entre d’une part une société ouverte, dynamique, adaptée aux mœurs du notre siècle, n’ayant pas peur de regarder vers l’avenir ; et, d’autre part, une société close, régressive, archaïque, engluée dans la confusion entre religion et politique, ramenant la croyance à l’adhésion à un dogme appauvri, aminci, stérile, assimilé à une vérité indiscutable, dépouillé de sa propre culture fondée sur une théologie du doute, de la pluralité des opinions, de la controverse comme de l’interrogation et du sentiment de perplexité, d’angoisse, que suscite la question religieuse. Nous estimons que la vision globalisante de l’islam s’est transformée en une idéologie totalitaire qui ne peut conduire qu’au fascisme », a-t-il fait savoir au site tunisien Leaders.
Aimé ou détesté, Abdelwahab Meddeb, souvent comparé à un « Voltaire arabe », n'aura pas laissé ses contemporains indifférents à ses positions.
Ce choix « est un vote de salut public. (…) Nous sommes devant le choix entre d’une part une société ouverte, dynamique, adaptée aux mœurs du notre siècle, n’ayant pas peur de regarder vers l’avenir ; et, d’autre part, une société close, régressive, archaïque, engluée dans la confusion entre religion et politique, ramenant la croyance à l’adhésion à un dogme appauvri, aminci, stérile, assimilé à une vérité indiscutable, dépouillé de sa propre culture fondée sur une théologie du doute, de la pluralité des opinions, de la controverse comme de l’interrogation et du sentiment de perplexité, d’angoisse, que suscite la question religieuse. Nous estimons que la vision globalisante de l’islam s’est transformée en une idéologie totalitaire qui ne peut conduire qu’au fascisme », a-t-il fait savoir au site tunisien Leaders.
Aimé ou détesté, Abdelwahab Meddeb, souvent comparé à un « Voltaire arabe », n'aura pas laissé ses contemporains indifférents à ses positions.