Connectez-vous S'inscrire

Points de vue

Le Congrès du Bourget, un pèlerinage d’islam en France

Rédigé par | Lundi 21 Avril 2003 à 00:00

           

L’Islam a élevé la rencontre et le voyage au rang de postulats religieux. Les cinq rendez-vous quotidiens des salat, la réunion hebdomadaire du joumoua et le congrès annuel du hajj sont des pratiques canoniques aux multiples aspects sociaux, politiques, économiques, et spirituels. Avec la rencontre annuelle des musulmans de France au Bourget, l’Union des organisations islamiques en France (UOIF) se tient dans l’esprit de la tradition prophétique. Le succès est incontesté. Depuis une dizaine d’années, le Bourget a pris des allures de « sunna posthume », un passage forcé qui mobilise des familles entières bien au-delà des limites de l’Hexagone.



Le Salon du Bourget a gagné et mérité progressivement ses lettres de noblesse. Ce vendredi 18 avril, le XXe Congrès de l’UOIF s’est ouvert au Parc des Expositions du Bourget. Arrivés pour la plupart la veille, les exposants au nombre d’une centaine environ ont dressé leurs stands. Ils s’apprêtent à accueillir une foule de visiteurs en ce long week end. « Cette année, nous attendons au moins autant de visiteurs que l’an dernier », annonce Lhaj Thami Breze, président de l’UOIF. Ils étaient 75 000 l’an dernier. Au premier congrès tenu en 1983, à la naissance de l’UOIF, ils n’étaient que 200 puis, l’année suivante, 300 congressistes. Il faudra attendre les années 90 pour que l’UOIF acquière une notoriété et une visibilité nationale.

La persévérance et la clarté de sa ligne entretiennent ce succès. Pendant que les organisations islamiques en France se vantent de leurs affiliations à des Etats étrangers, l’UOIF mise sur « la fraternité entre musulmans ». Elle ratisse large et a fini par tisser un réseau de 300 associations englobant un grand nombre de secteurs d’activités.

Cette année, le thème de la rencontre est : « L’Islam, d’une lecture à une pratique ». Tout un programme pour les universitaires de plus en plus nombreux que compte la communauté musulmane en France. Le phénoménal Tariq Ramadan est l’un de leurs maîtres à penser. Mais il a fallu annoncer qu’il ne viendrait pas au Bourget cette année (il était déjà absent l’an dernier). L’UOIF ne s’offusque pas outre mesure. Son président, Lhaj Thami Breze explique : « Le frère Tariq ne vient pas parce que nous ne l’avons pas invité. Nous avons des divergences, mais cela ne nous empêche pas de nous respecter mutuellement. » Avec ou sans Tariq Ramadan, la 20eme édition du Bourget a belle et bien commencé ce matin.

D’un exposant à l’autre, dans l’attente des visiteurs du week-end

Les agents de la société Titan, pantalon noir, t-shirt noir frappé de l’inscription « Sécurité », sont en poste aux différentes entrées du site. Ils vérifient badges et macarons d’accès pour filtrer les accès aux pavillons d’exposition. « Aujourd’hui ça va, il n’y a pas grand monde. Mais il y aura foule, surtout à partir de demain (samedi, ndlr). Mais franchement, il n’y a aucun danger en vue, dit Youssouf. C’est vrai, ici c’est tranquille, renchérit Ahmed. Nous avons vu pire ailleurs. »

Annouar a de beaux grands yeux, la barbe longue et le sourire franc. Il est arrivé de la Nièvre avec une délégation d’étudiants de l’Institut de hautes études de sciences humaines, plus connu sous le nom de Château-Chinon. Arrivé en délégation tôt ce matin, il a aidé à l’installation du stand : « Nous sommes ici pour présenter l’Institut, explique-t-il. Nous avons un projet qui est quinquennal et nous venons au Bourget pour le faire connaître aux visiteurs. Nous exposons aussi le bilan de ce qui a déjà été accompli. »

Hanane se tient dans un stand devant un panneau où s’étale le sigle de La Ligue française des femmes musulmanes (LFFM) : « Nous sommes une fédération dont le but est de coordonner les activités de plusieurs associations. Je suis à ma première participation au Bourget et je suis très impressionnée par la diversité des stands et le nombre d’associations présentes dans le 'forum' (espace d’exposition des associations, ndlr). Je pourrai participer aux conférences et apprendre encore plus sur l’islam. Et je trouve dommage que Tariq Ramadan ne soit pas du nombre des conférenciers ».

Ahmed distribue des tracts devant le stand de l’Institut français des études et sciences islamiques (IFESI). Souriant et ouvert à la discussion, il souligne que « l’IFESI est différent de Château-Chinon. Nous sommes un jeune institut. Nous sommes dans notre deuxième année. Peu de gens nous connaissent. Nous sommes donc ici pour faire connaître l’IFESI. Je suis à ma seconde participation au Bourget. Je trouve qu’il y a des gros progrès en deux ans. Il y a beaucoup de nouveautés surtout au niveau des conférences. Quant à l’invitation de Mr Sarkozy… (éclats de rire), il y en a qui disent qu’il est 'le grand mufti de France'. Personnellement, je suis mal à l’aise devant tant d’ingérence dans les affaires islamiques ».

Derrière un étalage de livres multicolores, Hassan hésite un instant avant de se soumettre à nos questions. « C’est la première fois que je viens au Bourget. Nous ne sommes pas une association. Nous sommes la librairie El Médina, à Lyon. Je suis arrivé seulement cet après-midi mais les autres membres de l’équipe étaient à pied d’œuvre depuis ce matin pour préparer le stand. C’est le premier jour, il n’y a pas encore beaucoup de monde. Mais il paraît que demain il y aura du monde. Nous avons fait des prix spéciaux sur certains produits. Ce lot de cassettes par exemple, coûtait 35 €. Nous le vendons à 20 €. C’est un tarif spécial pour le Bourget. »

La librairie Tawhid est avant tout une maison d’édition. Elle est présente chaque année au salon du Bourget. Parmi les maisons d’édition islamique les plus célèbres en France, Tawhid a la particularité d’avoir un caractère associatif. Son but est de faire connaître l’islam. L’édition n’est qu’un moyen au service de ce but. On n’est donc pas surpris des propos de Ahmed, responsable de la librairie Tawhid de Lyon : « Nous ne sommes pas ici pour faire de l’argent, mais pour faire connaître nos livres. D’ailleurs, nous n’exposons au Bourget que les livres que nous avons édités. Et, sur l’ensemble de ces livres, nous faisons 15 % de réduction sans distinction. Quant à l’allocution prévue de Mr. Sarkozy, je ne suis qu’un libraire. Et, en tant que tel, je n’ai pas d’avis à exprimer sur les choix et décisions politiques des organisateurs du salon. »

Le jeune Abdel Fatah, environ une vingtaine d’années, est à son premier salon au Bourget : « Pour une fois, je vois toute la communauté réunie dans sa diversité. Je ressens l’unité, toutes tendances confondues. Pourtant le contexte politique est difficile. Mais l’unité est là quand même. Quant à Monsieur Sarkozy, je trouve normal qu’il vienne. Il est quand même le ministre de tous les français. Donc aussi le ministre des musulmans. »

Ouvert dès 9H, le salon ferme ses portes à 22h30. Mais, dans la grande salle, jusqu’à minuit des soirées thématiques sont prévues. De quoi rapprocher encore davantage les exposants venus de loin avec leurs sacs de couchage dont certains s’apprêtent à vivre les trois jours du salon sans sortir de l’enceinte du Bourget.


Diplômé d'histoire et anthropologie, Amara Bamba est enseignant de mathématiques. Passionné de... En savoir plus sur cet auteur



SOUTENEZ UNE PRESSE INDÉPENDANTE PAR UN DON DÉFISCALISÉ !