
© Ministère de l’Intérieur
Le Forum de l'islam de France (Forif) continue son petit bonhomme de chemin entamé trois ans plus tôt sous l'impulsion du président de la République, Emmanuel Macron, et de son ministre de l'Intérieur d'alors, Gerald Darmanin. Après la dissolution de l'Assemblée nationale qui a ouvert, en juin 2024, une période politique instable, l'avenir de la plateforme était flou mais ses participants les plus actifs - jamais très nombreux - continuaient à travailler sans présager d'une quelconque fin. Sans se soucier non plus des critiques les présentant comme de simples recrues de l'administration, sans légitimité de terrain.
Dans la continuité des actions engagées par le précédent locataire de la place Beauvau, la plateforme de dialogue a été confirmée dans son rôle ce mois de février 2025 par Bruno Retailleau, aux commandes du ministère de l'Intérieur depuis septembre 2024. Une cinquantaine de responsables et d'acteurs associatifs musulmans se sont réunis, mardi 18 février, pour une nouvelle réunion plénière présentant les actions et réflexions engagées par les six groupes de travail (GT). A la différence des précédentes éditions, la presse n'était pas conviée à la clôture de cette troisième session annuelle.
Dans la continuité des actions engagées par le précédent locataire de la place Beauvau, la plateforme de dialogue a été confirmée dans son rôle ce mois de février 2025 par Bruno Retailleau, aux commandes du ministère de l'Intérieur depuis septembre 2024. Une cinquantaine de responsables et d'acteurs associatifs musulmans se sont réunis, mardi 18 février, pour une nouvelle réunion plénière présentant les actions et réflexions engagées par les six groupes de travail (GT). A la différence des précédentes éditions, la presse n'était pas conviée à la clôture de cette troisième session annuelle.
Le Forif pour tirer les leçons de « l’échec de l’Etat » avec le CFCM
Rassurer les musulmans, une gageure pour un ministre qui suscite une méfiance particulière auprès des musulmans. Ses déclarations récentes appelant à étendre l'interdiction du voile en France - un avis personnel non suivi aujourd'hui par le gouvernement - a suscité de nouvelles crispations. Il en est conscient. « La confiance ne se décrète pas, elle se construit. Je veux aujourd’hui apporter une pierre à cet édifice en redisant le plus clairement possible que je ne confonds pas, et ne confondrai jamais, l’islam et l’islamisme, par essence politique », a-t-il d'emblée déclaré face aux acteurs du Forif. « Si je dénonce avec fermeté et si je combats avec vigueur l’islamisme politique, c’est parce que je considère qu’il est une menace existentielle pour notre pacte républicain et pour la cohésion de notre nation. »
Lire aussi : Islamisme politique et Frères musulmans : « L’Etat doit faire preuve de discernement compte tenu de l'autorité dont il jouit »
« Je veux être clair : la laïcité, ce n’est pas le laïcisme. Combattre les dérives, toujours ! Mais combattre les religions, jamais ! Parce que la neutralité de l’Etat n’a jamais été la neutralisation des religions », a-t-il poursuivi. « La République laïque n’a pas à s’ingérer dans l’organisation des cultes ». mais « ce principe de non-ingérence n’est pas un principe d’indifférence », a signifié le ministre, qui ne s'est pas privé de critiquer de nouveau le Conseil français du culte musulman (CFCM). « Nous devons tirer les leçons d’un échec. C’est l’échec de l’Etat qui, en cédant à sa pente naturelle qu’est le jacobinisme, a voulu organiser par le haut le culte musulman. Non seulement, il n’y est pas parvenu mais cette ingérence étatique a renforcé le poids de l’islam consulaire, lié à des Etats étrangers ou à des intérêts particuliers », a-t-il affirmé.
Alors que la réflexion sur une structuration nationale du Forif se poursuit, Bruno Retailleau se veut clair : « Le Forif n’a pas vocation à être une instance de représentation. C’est un espace de dialogue, un lieu où des hommes et des femmes de bonne volonté, qui veulent consacrer une partie de leur temps et de leur énergie à l’organisation du culte musulman, débattent, échangent et construisent ensemble des propositions concrètes sur des sujets précis. »
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« Je veux être clair : la laïcité, ce n’est pas le laïcisme. Combattre les dérives, toujours ! Mais combattre les religions, jamais ! Parce que la neutralité de l’Etat n’a jamais été la neutralisation des religions », a-t-il poursuivi. « La République laïque n’a pas à s’ingérer dans l’organisation des cultes ». mais « ce principe de non-ingérence n’est pas un principe d’indifférence », a signifié le ministre, qui ne s'est pas privé de critiquer de nouveau le Conseil français du culte musulman (CFCM). « Nous devons tirer les leçons d’un échec. C’est l’échec de l’Etat qui, en cédant à sa pente naturelle qu’est le jacobinisme, a voulu organiser par le haut le culte musulman. Non seulement, il n’y est pas parvenu mais cette ingérence étatique a renforcé le poids de l’islam consulaire, lié à des Etats étrangers ou à des intérêts particuliers », a-t-il affirmé.
Alors que la réflexion sur une structuration nationale du Forif se poursuit, Bruno Retailleau se veut clair : « Le Forif n’a pas vocation à être une instance de représentation. C’est un espace de dialogue, un lieu où des hommes et des femmes de bonne volonté, qui veulent consacrer une partie de leur temps et de leur énergie à l’organisation du culte musulman, débattent, échangent et construisent ensemble des propositions concrètes sur des sujets précis. »
La création d'un centre d'expertise annoncée
Où en est-on donc des travaux du Forif, qui « a fait plus en trois ans que les entités précédentes en vingt ans » selon les mots du ministre ? Les avancées sont inégales selon les GT mais sont perceptibles dans plusieurs groupes. Au départ principalement concentré sur l'application de la loi CRPR dite loi séparatisme ainsi que sur les problèmes de fermeture de comptes bancaires auxquels des associations musulmanes sont confrontées, le GT Droit et gestion a évolué de sorte à voir naître des sous-groupes traitant, d'une part, du problème de couverture assurantielle auquel sont confrontées des mosquées et, d'autre part, de l'insuffisance des carrés confessionnels en France. « D’aucuns y voient un "séparatisme dans la mort". Ils ont tort. Car à titre personnel, je ne vois que des défunts ensevelis dans une seule et même terre, la terre de France », a relevé le ministre de l'Intérieur, qui souhaite lancer une mission parlementaire sur ce point, « dans un esprit constructif et transpartisan ».
Au GT Ressources et financement né lors du Forif 2 et traitant désormais des questions bancaires, un guide sur les bonnes pratiques de gestion financière des mosquées a été finalisé. Surtout, un centre d’expertise dédié à l'accompagnement des associations 1901, 1905 et 1907 sur les sujets bancaires, assurantiels et juridiques a été annoncé au cours de la session plénière. « C’est un projet bienvenu qu’il vous faudra développer et que l’Etat devra accompagner. Car j’ai bien conscience qu’il existe aujourd’hui des blocages qui ne peuvent être levés par votre seul volontarisme, aussi fort soit-il », selon Bruno Retailleau.
Au GT Ressources et financement né lors du Forif 2 et traitant désormais des questions bancaires, un guide sur les bonnes pratiques de gestion financière des mosquées a été finalisé. Surtout, un centre d’expertise dédié à l'accompagnement des associations 1901, 1905 et 1907 sur les sujets bancaires, assurantiels et juridiques a été annoncé au cours de la session plénière. « C’est un projet bienvenu qu’il vous faudra développer et que l’Etat devra accompagner. Car j’ai bien conscience qu’il existe aujourd’hui des blocages qui ne peuvent être levés par votre seul volontarisme, aussi fort soit-il », selon Bruno Retailleau.
Un nouveau référentiel sur France Travail pour le métier d'imam
En parallèle, le travail du groupe dédié au statut des imams s'est principalement concentré, selon des participants interrogés par Saphirnews, sur l'élaboration de fiches de poste pour les ministres du culte musulman et d'un contrat de travail type basé sur 39h et couvrant les missions principales de l'imam (culte, prédication, enseignement, médiation).
« Notre GT a pu sensibiliser la Direction générale du travail dessus pour voir une adaptation concrète des spécificités du métier dans les droits français et européen », nous indique Abd al-Wadoud Gouraud, qui a salué la création récente du code ROME identifiant par France Travail le métier de ministre du culte et dans lequel apparaît désormais celui d'imam. « C'est une avancée vers la professionnalisation et une reconnaissance du métier, vers un statut (...). Le code ROME est une première façon de rendre la chose visible et cela concerne les imams comme les autres ministres du culte. On pourrait même dire que nos réflexions autour du statut des imams ont aussi, peut-être, permis d'apporter une clarification qui bénéficie à tous. »
Pour le ministre aussi, « c’est une avancée significative car c’est la première fois que ce métier est pleinement reconnu, sans passer par des désignations moins flatteuses. Non, un imam n’est pas un simple éducateur, un animateur ou un travailleur social. Non, imam c’est un vrai métier, avec des compétences théologiques, profanes, humaines ». Toutefois, « cette reconnaissance ne saurait être complète sans aborder la question des droits économiques et sociaux des cadres religieux musulmans. Ce point devra figurer à l’agenda de vos futurs travaux », a-t-il indiqué, formulant le vœu que les imams puissent un jour être affiliés à la Caisse d'assurance vieillesse, invalidité et maladie des cultes (Cavimac). « Je souhaite engager ce travail avec la ministre (du Travail, Catherine) Vautrin en 2025 car une protection sociale de qualité, qui offrirait des prestations alignées sur celles du régime général, constitue un élément fort de cet encadrement de l’exercice de l’imamat que je crois nécessaire. »
« Notre GT a pu sensibiliser la Direction générale du travail dessus pour voir une adaptation concrète des spécificités du métier dans les droits français et européen », nous indique Abd al-Wadoud Gouraud, qui a salué la création récente du code ROME identifiant par France Travail le métier de ministre du culte et dans lequel apparaît désormais celui d'imam. « C'est une avancée vers la professionnalisation et une reconnaissance du métier, vers un statut (...). Le code ROME est une première façon de rendre la chose visible et cela concerne les imams comme les autres ministres du culte. On pourrait même dire que nos réflexions autour du statut des imams ont aussi, peut-être, permis d'apporter une clarification qui bénéficie à tous. »
Pour le ministre aussi, « c’est une avancée significative car c’est la première fois que ce métier est pleinement reconnu, sans passer par des désignations moins flatteuses. Non, un imam n’est pas un simple éducateur, un animateur ou un travailleur social. Non, imam c’est un vrai métier, avec des compétences théologiques, profanes, humaines ». Toutefois, « cette reconnaissance ne saurait être complète sans aborder la question des droits économiques et sociaux des cadres religieux musulmans. Ce point devra figurer à l’agenda de vos futurs travaux », a-t-il indiqué, formulant le vœu que les imams puissent un jour être affiliés à la Caisse d'assurance vieillesse, invalidité et maladie des cultes (Cavimac). « Je souhaite engager ce travail avec la ministre (du Travail, Catherine) Vautrin en 2025 car une protection sociale de qualité, qui offrirait des prestations alignées sur celles du régime général, constitue un élément fort de cet encadrement de l’exercice de l’imamat que je crois nécessaire. »
Une plateforme de signalement des actes antimusulmans en vue
Dans le champ de la sécurité, une des préoccupations majeures des citoyens musulmans, le ministère de l'Intérieur a tenu à affirmer sa confiance envers l’Association de défense contre les discriminations et actes antimusulmans (ADDAM). Si la structure n'est pas encore opérationnelle un an après sa création, son président Bassirou Camara et son équipe travaillent activement au lancement prochain d'une plateforme de signalement des actes antimusulmans et au recrutement de référents locaux afin de permettre à la structure de se faire connaître auprès des collectivités comme des musulmans et d'avoir un ancrage territorial fort. En 2023, 173 faits antimusulmans ont été dénombrés. « 173 de trop, sachant qu’il est lui-même sans doute en deçà de la réalité, car toutes les victimes ne portent pas nécessairement plainte », a reconnu Bruno Retailleau, qui salue un travail visant à « accompagner plus dignement encore les victimes » de violences islamophobes.
« Pouvoir vivre sa foi en toute sécurité, c’est aussi pouvoir la vivre en toute quiétude », a plaidé le ministre, qui a officialisé la création d’un Conseil national de l’aumônerie musulmane (CNAM France). Composé de 14 membres nommés pour un mandat de trois ans, il est désormais l'interlocuteur cultuel des pouvoirs publics proposant, en lieu et place du CFCM, les nominations des aumôniers nationaux des hôpitaux, des armées et des prisons et les soutenir en aidant la structuration départementale des aumôneries. « Cette formidable avancée sera complétée, au cours de cette année, par la publication d’un décret entérinant la reconnaissance des aumôniers pénitentiaires comme des collaborateurs occasionnels du service public, leur ouvrant ainsi droit à une protection sociale. C’est une décision importante qui permettra de renforcer l’attractivité de la fonction d’aumônier. Et ce, au bénéfice de l’ensemble des cultes », a-t-il annoncé.
« Pouvoir vivre sa foi en toute sécurité, c’est aussi pouvoir la vivre en toute quiétude », a plaidé le ministre, qui a officialisé la création d’un Conseil national de l’aumônerie musulmane (CNAM France). Composé de 14 membres nommés pour un mandat de trois ans, il est désormais l'interlocuteur cultuel des pouvoirs publics proposant, en lieu et place du CFCM, les nominations des aumôniers nationaux des hôpitaux, des armées et des prisons et les soutenir en aidant la structuration départementale des aumôneries. « Cette formidable avancée sera complétée, au cours de cette année, par la publication d’un décret entérinant la reconnaissance des aumôniers pénitentiaires comme des collaborateurs occasionnels du service public, leur ouvrant ainsi droit à une protection sociale. C’est une décision importante qui permettra de renforcer l’attractivité de la fonction d’aumônier. Et ce, au bénéfice de l’ensemble des cultes », a-t-il annoncé.
« Il est essentiel de rassurer les musulmans de France vu le contexte actuel et de travailler davantage avec les ATIF (Assises territoriales de l'islam de France, ndlr) pour favoriser la décentralisation », insiste auprès de Saphirnews l'imam et aumônier Mohammed El Mahdi Krabch.. Aussi, « on devrait comprendre les interrogations légitimes sur la réalisation et l’avancement des travaux du Forif ». Des avancées sont là, mais les défis restent immenses.
Pendant ce temps, le CFCM ne désarme pas. Si ses présidents, Mohammed Moussaoui et Ibrahim Alci, reconnaissent dans le Forif « un espace de concertation et de dialogue utile », ils revendiquent un rôle dans l'organisation de l'islam de France. « Le CFCM, le Forif et l’ensemble des acteurs concernés doivent travailler ensemble pour construire un dialogue apaisé et efficace » avec l'Etat, estiment-ils. Une collaboration qui n'est pas d'actualité. L'organisation, après le mois du Ramadan en mars, de nouvelles ATIF a été annoncée par le ministère de l'Intérieur.
Mise à jour mercredi 19 février : A l’occasion de la réunion plénière du Forif, Saphirnews a fait le point sur l'état du CFCM avec ses deux co-présidents, Mohammed Moussaoui et Ibrahim Alci, l'interview ici.
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