Si les amis de Oumma sont nombreux, ses ennemis le sont aussi. Au lendemain d’une violente attaque contre ce serveur de forte audience, son rédacteur en chef ne mâche pas ses mots. Membre fondateur du site, M. Saïd Branine expose les raisons véritables de l’hostilité que soulève Oumma.com auprès de certains milieux.
SaphirNet.info : Selon vous, pourquoi avez-vous été attaqués ?
Saïd Branine : J’observe que cette attaque intervient au moment où nous avons donné la parole à Olivia Zemour de la liste Europalestine pour les prochaines élections européennes. Elle a dénoncé le « deux poids deux mesures » dont bénéficient certains individus aux attitudes fascistes et pourtant proches du Bétar, la ligue de défense juive. Il s’agit là de gens qui agressent leurs adversaires à coups de battes de base-ball, qui agressent des inspecteurs de police en service. Nous avons mis en ligne toute une série d’articles qui dénoncent certains esprits malfaisants. En fait, nous rompons la catharsis… Nous avons une forte audience et une totale liberté d’expression.
On vous reproche, surtout dans votre forum, de diffuser des propos antisémites.
Saïd Branine : En cela il y a des coïncidences qui doivent vous interroger. Car, au lendemain de l’attaque de notre site, la Une du mensuel Marianne présente des documents selon lesquels Oumma.com appelait à la haine antijuive. Sans vouloir forcément établir un lien entre ces deux attaques, je ne peux m’empêcher de m’interroger. Est-ce que ces deux attaques ne participent pas de la même volonté de nous réduire au silence ? Nous nous interrogeons sur leur concordance : d’une part on nous torpille sur le plan technique et, dans le même temps, on nous colle la réputation d’antisémitisme.
Qu’avez vous à répondre à ces accusations de Marianne ?
Saïd Branine : Je trouve qu’il y a un amalgame ignoble de la part de ce journal entre les propos tenus par un intervenant sur le forum et la ligne éditoriale du site.
Pour vous classer antisémites, je suppose que des journalistes de Marianne se sont entretenus avec vous.
Saïd Branine : Non, pas du tout.
Marianne ne vous a pas interrogé sur le document diffusé sur votre forum ?
Saïd Branine : Non, aucun contact. Ils ne nous ont pas contacté pour savoir ce que nous pensions de ce document et entendre si nous l’approuvions ou non. Ils ne nous ont même pas alerté pour nous dire qu’un document dangereux traînait sur notre site. Or le document est resté précisément quatre heures sur notre site. Dès que le modérateur s’en est aperçu, il l’a supprimé. Mais, comme par une autre mystérieuse coïncidence, entre 08h50 et 12h50, l’intervalle de temps où le document est resté en ligne, quelqu’un de Marianne (ndr : Martine Gozlan l’auteur de « Le sexe d’Allah ») se trouvait sur le serveur. Il prend ce document pour le mettre en Une de ce journal. Je précise aussi que le document en question a circulé uniquement sur les forums pro-sionistes et pro-israéliens. Il n’a jamais circulé sur les forums musulmans.
Je suppose donc qu’il n’est pas signé de la rédaction de Oumma.com
Saïd Branine : Non, pas du tout. Il avait été mis sur le forum par un internaute. Un geste qui est à la portée de n’importe quel internaute. Seulement Marianne n’a pas su distinguer notre ligne éditoriale des propos tenus dans ce document. Alors que Maurice Szafran (ndr : directeur général chargé de la rédaction à Marianne) dit que le document est resté plusieurs jours en ligne. Ce qui est un pur mensonge.
Le document a été évoqué lors d’une émission sur la chaîne parlementaire…
Saïd Branine : Tout à fait. Sur le plateau de la chaîne parlementaire « public sénat », le lundi dernier (ndr : le 17 mai 2004), il y avait M. Maurice Szafran de Marianne, Nicole Guedj, Barbara Lefèvre, membre de la commission Education de la Licra (Ndr : Ligue contre le racisme et l’antisémitisme). M Szafran a émis deux mensonges. En premier il a dit que notre site était une antenne de l’Uoif ( l’Union de organisations islamiques en France). Ce qui est un mensonge fantaisiste et totalement délirant. Tout observateur, même non averti de la communauté, sait que nous ne sommes pas de l’Uoif. Nous n’avons rien contre cette fédération mais nous n’en sommes pas particulièrement proches. Ensuite, M. Szafran dit que le texte incriminé est resté en ligne plusieurs jours. Pur mensonge. Nous avons les données techniques qui donnent exactement l’heure à laquelle le texte a été envoyé par un internaute et l’heure à laquelle il a été supprimé par notre modérateur. Cela fait exactement quatre heures. Et, comme par hasard, M. Szafran n’a jamais précisé que ce texte a été envoyé sur notre forum. Vous voyez là encore un amalgame pernicieux entre notre ligne éditoriale et les propos d’un visiteur quelconque du site. J’aimerais préciser à M. Szafran que le forum de Marianne, diffuse des propos carrément islamophobes. Nous en avons les preuves. Et ces propos étaient en ligne depuis plusieurs jours, bien avant cette histoire de texte antisémite balancé sur le forum de Oumma.com. Cela n’a pas choqué la « bonne conscience » de M. Maurice Szafran qui prétend nous faire la morale en nous donnant des leçons de lutte contre le racisme et l’antisémitisme.
Cela me fait penser à un texte de Tariq Ramadan sur Oumma. Peu après, il était taxé d’antisémite.
Saïd Branine : Pourtant, comme vous le savez, ce texte de Tariq Ramadan n’était pas antisémite… Dans certains forums officiels pro-isaéliens, il y a des appels au meurtre des Musulmans… C’est connu ! Je ne connais pas de forum où il n’y a pas de dérives car toutes les manipulations sont possibles. Nous avons des modérateurs pour y parer. Mais ces gens se mettent à l’affût et préfèrent se concentrer sur le forum de Oumma.com en procédant à des amalgames honteux et indignes.
Lorsque des oummistes ont vu ce texte, quelles ont été leurs réactions ?
Saïd Branine : L’article de Marianne disait que l’écrasante majorité des internautes musulmans approuvait ce texte. Ce qui est complètement faux. Les brèves discussions auxquelles ce texte a donné lieu disaient qu’il fallait alerter le modérateur. Ce qui a été fait, contrairement aux allégations des responsables de Marianne. Mais là-dessus il y a une chose assez drôle. Car Maurice Szafran dit que ce sont des internautes musulmans qui ont alerté Marianne. Alors je me pose deux questions. Je me demande d’abord qui sont ces Musulmans qui pensent à Marianne comme première institution à contacter dès qu’ils voient un texte antisémite. Ensuite je me demande pourquoi ces Musulmans, s’ils existent, n’ont pas pensé à alerter les modérateurs du site (une fonction spéciale existe à cet effet) ou bien des associations de lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Pourquoi alerter Marianne qui, à ce que je sache, n’est qu’un organe de presse et n’est pas une association spécialisée dans la lutte contre l’antisémitisme ?
En soutenant par exemple la liste EuroPalestine, pour les élections européennes, ne craignez-vous pas de sortir du cadre de la presse pour entrer dans celui de la politique ?
Saïd Branine : Nous estimons que cette liste défend une cause juste. Nous ne soutenons pas une liste communautaire arabo-musulmane. La liste Europalestine est une liste plurielle qui regroupe toute une diversité. On y trouve des Chrétiens, des Juifs, des Musulmans, des athées. Elle reflète la pluralité de la politique et des communautés religieuses de la société française. En aucun cas, on ne peut dire que c’est une liste communautaire. C’est donc l’aspect pluriel et engagé dans le soutien d’une cause juste qui nous motive. C’est, pour nous, la liste qui est la plus respectueuse actuellement, pour ces élections européennes, de la pluralité autant religieuse que politique, que sociale, qu’ethnique de la société française. Vous trouvez le comédien Dieudonné sur cette liste. Et Dieudonné est aussi Africain.
Tout Africain qu’il est, Dieudonné a aussi été accusé d’antisémitisme
Saïd Branine : Dieudonné n’est pas antisémite et il l’a dit à plusieurs reprises. Il a été très engagé dans la lutte contre l’extrême droite en France. Et il était alors soutenu de tout le monde. Mais, lorsqu’il a commencé à dénoncer le comportement de certains milieux extrémistes dont les milieux proches des sionistes, il a été taxé de « négro à qui on va faire la peau». Cela n’a choqué personne. Ceci dit, nous n’en sommes pas à soutenir une personne isolée. Nous soutenons une liste composée de personnes connues pour leurs valeurs humaines et qui sont interpellées par la cause palestinienne. Ce sont tous des humanistes comme on en retrouve dans toutes les franges de la société française.
Comment pouvez-vous résumer brièvement votre ligne éditoriale ?
Saïd Branine : Nous sommes respectueux de la pluralité des expressions autant religieuses que politiques. Notre site est pluriel. Il donne la parole à toute une série d’interlocuteurs Musulmans et non musulmans. Et nous avons naturellement des interlocuteurs Juifs. A titre d’exemple, nous avons été les premiers à dénoncer l’incendie de Gagny (93) où une école juive a été incendiée. Nous avons envoyé un communiqué condamnant avec la plus grande fermeté cet acte d’antisémitisme. Nous n’avons aucune leçon à recevoir sur la lutte contre l’antisémitisme. Même si nous savons que nous, Musulmans, sommes régulièrement victimes d’actes islamophobes qui n’ont jamais été répertoriés.
Avec cette ligne éditoriale, comment expliquez-vous que vous soyez la cible d’organisations capables de mener une opération aussi structurée ?
Saïd Branine : Ces gens nous attaquent parce que nous dérangeons. Nous avons une très forte audience, un gros impact… Nous regroupons des intellectuels ouverts, décomplexés, qui s’inscrivent dans une démarche universelle. Et cet aspect dérange aussi. Ils eussent préféré retrouver en nous des caricatures d’islamistes. Ils apprécieraient que nous nous comportions à la manière des Salafites Jihadistes, et que nous appelions au Jihad… Cela correspondrait mieux à la représentation qu’ils se font du Musulman. Ce qui n’est pas notre cas. Ces gens n’aiment donc pas notre profil de citoyens, Français de confession musulmane, à l’esprit ouvert, décomplexés, inscrits dans une vision universaliste en tant qu' acteurs médiatiques à part entière et non comme des objets médiatiques. Ce profil ne les arrange pas. Ils préfèrent que nous soyons des caricatures de Musulmans ou des « bénis oui-oui », prêts à servir et manipulables à souhait.
Propos recueillis par Amara Bamba