Trois grands facteurs expliquent le vote britannique qui a précipité nos classes politiques dans un état de grand désarroi, que certains trouveront d’ailleurs assez jouissif à observer.
Un vote socio-économique
Comme toutes les données publiées depuis vendredi 24 juin le confirment, il s’agit avant tout d’un vote socioéconomique, celui des laissés-pour-compte de la mondialisation et de la politique ultralibérale de Bruxelles.
Le vote anglais reflète ainsi parfaitement la double fracture entre, d’une part, les régions riches du Sud et le Nord (surtout le Nord-Est) qui a tant souffert de la désindustrialisation et, d’autre part, entre les régions rurales et les grandes villes internationales comme Londres, Oxford ou Cambridge, qui ont largement bénéficié de la mondialisation et considèrent l’immigration, le libéralisme économique et le multiculturalisme (toutes choses d’ailleurs associées) d’une façon positive.
L’examen du vote londonien montre aussi que plus on se rapproche du centre de la City et de Westminster, plus le Remain se renforce. Corollairement, plus on s’en éloigne, plus on vote Brexit (toute la partie est de Londres, celle des banlieues ouvrières, a voté pour la sortie (voir les cartes ici et ici.
Ce sont bien les segments les plus économiquement fragilisés et inquiets pour leur avenir qui se sont exprimés, et les traiter de racistes ou d’islamophobes sous prétexte qu’ils rejettent l’immigration est soit une erreur, soit un mensonge pour mieux délégitimer ce vote. En effet, même Le Figaro (aligné sur l’extrême droite sur ces sujets et qui peut donc difficilement être considéré comme pro-immigration, multiculturaliste et islamophile) reconnait que « les Brexiteurs ne rejettent pas l’immigration, mais ses conséquences sur les bas salaires, les services publics et le logement… Parler de xénophobie, comme certains médias ont pu le faire, est faux et ne concerne qu’une poignée individus » (édition papier du 25-26 juin, interview de Laetitia Strauss-Bonart, p. 7).
Le vote anglais reflète ainsi parfaitement la double fracture entre, d’une part, les régions riches du Sud et le Nord (surtout le Nord-Est) qui a tant souffert de la désindustrialisation et, d’autre part, entre les régions rurales et les grandes villes internationales comme Londres, Oxford ou Cambridge, qui ont largement bénéficié de la mondialisation et considèrent l’immigration, le libéralisme économique et le multiculturalisme (toutes choses d’ailleurs associées) d’une façon positive.
L’examen du vote londonien montre aussi que plus on se rapproche du centre de la City et de Westminster, plus le Remain se renforce. Corollairement, plus on s’en éloigne, plus on vote Brexit (toute la partie est de Londres, celle des banlieues ouvrières, a voté pour la sortie (voir les cartes ici et ici.
Ce sont bien les segments les plus économiquement fragilisés et inquiets pour leur avenir qui se sont exprimés, et les traiter de racistes ou d’islamophobes sous prétexte qu’ils rejettent l’immigration est soit une erreur, soit un mensonge pour mieux délégitimer ce vote. En effet, même Le Figaro (aligné sur l’extrême droite sur ces sujets et qui peut donc difficilement être considéré comme pro-immigration, multiculturaliste et islamophile) reconnait que « les Brexiteurs ne rejettent pas l’immigration, mais ses conséquences sur les bas salaires, les services publics et le logement… Parler de xénophobie, comme certains médias ont pu le faire, est faux et ne concerne qu’une poignée individus » (édition papier du 25-26 juin, interview de Laetitia Strauss-Bonart, p. 7).
Un souverainisme démocratique et éclairé
Politiquement, il s’agit d’un remarquable exercice de réappropriation démocratique à travers un vote souverainiste et nationaliste positif et libérateur, ce qui ne veut pas dire isolationniste, sécessionniste, anti-Européen et encore moins raciste comme on tente de le faire croire.
En effet, aucun Britannique ne souhaite abandonner l’Europe, se couper de ses alliés et amis dans le monde (Etats-Unis, France, etc.) ou se « replier sur soi », comme on l’entend depuis vendredi. Ce n’est pas le sens de ce vote.
Le slogan de Boris Johnson « Let’s Take Back Control » frappe ici en plein dans le mille, car il s’agit bien de reprendre le contrôle de sa nation et de sa destinée, de l’arracher à la machine bruxelloise du triumvirat Juncker-Schulz-Tusk et de leur caste de fonctionnaires infiniment plus attachés à leur bulle bruxelloise et à leur train de vie mirobolant d’ultraprivilégiés plutôt qu’aux besoins des peuples (voir leurs salaires et bénéfices proprement choquants et écouter le témoignage dévastateur d’une jeune assistante parlementaire)
Tout comme une part sans cesse croissante des autres peuples européens qui, eux aussi, votent de plus en plus pour des partis anti-UE opposés à l’ultralibéralisme bruxellois, partis de droite comme le Front national ou de gauche comme Syriza et Podemon, la majorité des Britanniques, à tort ou à raison, considère l’UE au mieux comme une structure administrative technocratique inefficace, inutile mais envahissante, sinon comme un danger économique, sociétal, culturel, politique et démocratique pour leur nation.
Il s’agit bien d’un rejet, au mieux d’une indifférence affichée et assumée, voire d’une authentique révolte populaire contre l’UE, sa caste de dirigeants européanistes au dogmatisme fondamentaliste et son armée de fonctionnaires enfermés dans leur bulle bruxelloise sans aucune idée de comment vivent et pensent les gens qui votent contre eux.
Mais il s’agit aussi d’un vote de punition et de rejet des élites nationales, politiques, économiques, médiatiques et culturelles, comme Cameron en premier lieu ou ces étudiants, têtes parlantes et universitaires arrogants et boboïsés, qui n’ont de cesse de traiter les Brexiteurs d’arriérés incultes, illettrés, racistes et « irrationnels », voire de « fascistes » !
Stigmatisation qui d’ailleurs se retourne contre ceux qui profèrent ces insultes, tout comme en France la diabolisation du FN n’a fait que le renforcer.
En effet, aucun Britannique ne souhaite abandonner l’Europe, se couper de ses alliés et amis dans le monde (Etats-Unis, France, etc.) ou se « replier sur soi », comme on l’entend depuis vendredi. Ce n’est pas le sens de ce vote.
Le slogan de Boris Johnson « Let’s Take Back Control » frappe ici en plein dans le mille, car il s’agit bien de reprendre le contrôle de sa nation et de sa destinée, de l’arracher à la machine bruxelloise du triumvirat Juncker-Schulz-Tusk et de leur caste de fonctionnaires infiniment plus attachés à leur bulle bruxelloise et à leur train de vie mirobolant d’ultraprivilégiés plutôt qu’aux besoins des peuples (voir leurs salaires et bénéfices proprement choquants et écouter le témoignage dévastateur d’une jeune assistante parlementaire)
Tout comme une part sans cesse croissante des autres peuples européens qui, eux aussi, votent de plus en plus pour des partis anti-UE opposés à l’ultralibéralisme bruxellois, partis de droite comme le Front national ou de gauche comme Syriza et Podemon, la majorité des Britanniques, à tort ou à raison, considère l’UE au mieux comme une structure administrative technocratique inefficace, inutile mais envahissante, sinon comme un danger économique, sociétal, culturel, politique et démocratique pour leur nation.
Il s’agit bien d’un rejet, au mieux d’une indifférence affichée et assumée, voire d’une authentique révolte populaire contre l’UE, sa caste de dirigeants européanistes au dogmatisme fondamentaliste et son armée de fonctionnaires enfermés dans leur bulle bruxelloise sans aucune idée de comment vivent et pensent les gens qui votent contre eux.
Mais il s’agit aussi d’un vote de punition et de rejet des élites nationales, politiques, économiques, médiatiques et culturelles, comme Cameron en premier lieu ou ces étudiants, têtes parlantes et universitaires arrogants et boboïsés, qui n’ont de cesse de traiter les Brexiteurs d’arriérés incultes, illettrés, racistes et « irrationnels », voire de « fascistes » !
Stigmatisation qui d’ailleurs se retourne contre ceux qui profèrent ces insultes, tout comme en France la diabolisation du FN n’a fait que le renforcer.
La double dimension historique : redécouvrir son passé, rouvrir le futur
Enfin, ce vote ne devrait pas être une surprise si l’on se souvient que la Grande-Bretagne n’est entrée que tardivement (en 1973) dans l’Union, qu’elle y est entrée à reculons, à contrecœur, essentiellement par pragmatisme, qu’elle s’est toujours méfiée de cette construction supranationale perçue comme au mieux insuffisamment démocratique, abstraite et trop distante, et qu’elle n’avait de toute façon jamais accepté d’en faire pleinement partie.
Préférant rester hors de la zone euro et de l’espace Schengen, elle a toujours eu un pied dedans un pied dehors. On peut prédire en guise de boutade que ce sera désormais le contraire, après la renégociation avec l’UE qui lui donnera sans doute au minimum un accès et un statut de partenaire privilégié.
Ce choix est donc historiquement cohérent pour un royaume qui s’est toujours pensé comme ouvert au monde mais à part (sa dimension d’île au large et en bordure du continent européen).
Mais, surtout, il rouvre le futur pour nous tous, avec les risques et nouvelles opportunités que cela comporte. En effet, avec cette sortie spectaculaire, c’est tout le mythe de l’« irréversibilité » de l’Union, de son inéluctabilité, qui s’est d’un coup effondré.
Préférant rester hors de la zone euro et de l’espace Schengen, elle a toujours eu un pied dedans un pied dehors. On peut prédire en guise de boutade que ce sera désormais le contraire, après la renégociation avec l’UE qui lui donnera sans doute au minimum un accès et un statut de partenaire privilégié.
Ce choix est donc historiquement cohérent pour un royaume qui s’est toujours pensé comme ouvert au monde mais à part (sa dimension d’île au large et en bordure du continent européen).
Mais, surtout, il rouvre le futur pour nous tous, avec les risques et nouvelles opportunités que cela comporte. En effet, avec cette sortie spectaculaire, c’est tout le mythe de l’« irréversibilité » de l’Union, de son inéluctabilité, qui s’est d’un coup effondré.
Le Brexit, acte d’espoir et de confiance
Depuis des décennies, on nous martelait que le « sens de l’Histoire » allait inévitablement vers plus d’Europe, qu’il n’y avait pas d’autre choix, que c’était cela ou le chaos, que l’Europe ne pouvait que s’agrandir, qu’une fois entré personne ne pouvait en sortir.
Ce syndrome « Hotel California », ce mythe de la fin de l’Histoire n’est plus. Il a volé en éclats en une seule journée, et il a suffi d’un seul vote. Magnifique redécouverte de la démocratie, de la souveraineté populaire, de ce que les Américains nomment fièrement We the People, eux qui surent également dire non à une puissance britannique alors bien plus plus vaste et plus puissante qu’eux et qui voulait également les forcer à rester.
Redécouverte de l’Histoire, donc, comme processus risqué, aventureux, incertain, mais toujours ouvert, jamais clôturé, gage de liberté.
Depuis des décennies, nos dirigeants tentaient de nous faire croire que l’UE était notre horizon fini, notre destin inéluctable, inévitable, indépassable. Il n’y avait aucune alternative, aucune bifurcation possible et encore moins de retours en arrière envisageables. Que n’avons-nous entendu ces mensonges comme quoi une fois entré, on ne pouvait plus ressortir, qu’il n’y avait pas de clauses ni de plans prévus pour ce scénario (alors que tous découvrent aujourd’hui l’existence du fameux article 50 !)
En une journée, les Britanniques ont dissipé ces écrans de fumée, pulvérisé intox et propagande, résisté à la politique de la peur et redécouvert que leur pays pouvait exister hors l’UE, quels qu’en soient les risques. Ce faisant, ils ont renoué avec l’Histoire comme processus ineffable et imprévisible.
Que l’on soit ou pas d’accord avec le Brexit (et l’auteur de ces quelques lignes aurait au final voté Remain), il faut être reconnaissant à nos amis britanniques pour ces leçons que nous semblions tous avoir oubliés, car ils nous ont réappris ce que signifient l’indépendance, l’autodétermination et la liberté. C’est cela le sens profond du Brexit.
****
Alain Gabon, professeur des universités aux États-Unis, dirige le programme de français à Virginia Wesleyan College (université affiliée à l’Église méthodiste de John Wesley), où il est maître de conférences. Il est l’auteur de nombreux articles sur la France contemporaine et la culture française.
Ce syndrome « Hotel California », ce mythe de la fin de l’Histoire n’est plus. Il a volé en éclats en une seule journée, et il a suffi d’un seul vote. Magnifique redécouverte de la démocratie, de la souveraineté populaire, de ce que les Américains nomment fièrement We the People, eux qui surent également dire non à une puissance britannique alors bien plus plus vaste et plus puissante qu’eux et qui voulait également les forcer à rester.
Redécouverte de l’Histoire, donc, comme processus risqué, aventureux, incertain, mais toujours ouvert, jamais clôturé, gage de liberté.
Depuis des décennies, nos dirigeants tentaient de nous faire croire que l’UE était notre horizon fini, notre destin inéluctable, inévitable, indépassable. Il n’y avait aucune alternative, aucune bifurcation possible et encore moins de retours en arrière envisageables. Que n’avons-nous entendu ces mensonges comme quoi une fois entré, on ne pouvait plus ressortir, qu’il n’y avait pas de clauses ni de plans prévus pour ce scénario (alors que tous découvrent aujourd’hui l’existence du fameux article 50 !)
En une journée, les Britanniques ont dissipé ces écrans de fumée, pulvérisé intox et propagande, résisté à la politique de la peur et redécouvert que leur pays pouvait exister hors l’UE, quels qu’en soient les risques. Ce faisant, ils ont renoué avec l’Histoire comme processus ineffable et imprévisible.
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Du même auteur :
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