Le 8 mars, Samia Hathroubi, activiste dans l’interreligieux et l’empowerment pour bâtir une société plus inclusive, est intervenue lors du World Women Summit, à Los Angeles, sur le thème « Être femme musulmane ». (Photo © D. R.)
LOS ANGELES. − Être une femme n’a jamais été ni une fierté ni une partie de plaisir. Aussi loin que je puisse remonter je n’ai jamais compris pourquoi je devais me plier au schéma que la société et le regard de l’autre m’imposaient.
Aussi loin que je puisse remonter je n’ai jamais compris pourquoi mes cheveux bouclés posaient problème et pourquoi être coiffée signifiait et signifie toujours pour beaucoup avoir des cheveux lisses.
Aussi loin que je puisse remonter je n’ai jamais supporté qu’être une fille signifie ne pas parler trop fort, rester calme et silencieuse quand les agitations de mes compagnons de fortune masculins étaient davantage tolérées.
Pendant longtemps j’en ai voulu à ma religion et à ma culture maghrébine que je jugeais trop vite rétrogrades. Aller à la découverte d’autres milieux et sphères m’a exposée à l’universalisme de la condition féminine et à mes chimères.
Combien de fois n’ai-je rencontré ou eu affaire à ces hommes puissants, de bonne famille, éloquents et éduqués, de milieux tout à fait différents aux miens pour qui leur femme et épouse devait arborer un sourire affable sans jamais interrompre ni exprimer une quelconque opinion et leur servait davantage de faire valoir que de partenaire de vie ?
Combien de fois n’ai-je assisté ou organisé de rencontres avec des responsables politiques pour qui mon leadership ou mon travail devaient se limiter à la logistique de l’évènement et auraient préféré me voir en retrait ?
Aussi loin que je puisse remonter je n’ai jamais compris pourquoi mes cheveux bouclés posaient problème et pourquoi être coiffée signifiait et signifie toujours pour beaucoup avoir des cheveux lisses.
Aussi loin que je puisse remonter je n’ai jamais supporté qu’être une fille signifie ne pas parler trop fort, rester calme et silencieuse quand les agitations de mes compagnons de fortune masculins étaient davantage tolérées.
Pendant longtemps j’en ai voulu à ma religion et à ma culture maghrébine que je jugeais trop vite rétrogrades. Aller à la découverte d’autres milieux et sphères m’a exposée à l’universalisme de la condition féminine et à mes chimères.
Combien de fois n’ai-je rencontré ou eu affaire à ces hommes puissants, de bonne famille, éloquents et éduqués, de milieux tout à fait différents aux miens pour qui leur femme et épouse devait arborer un sourire affable sans jamais interrompre ni exprimer une quelconque opinion et leur servait davantage de faire valoir que de partenaire de vie ?
Combien de fois n’ai-je assisté ou organisé de rencontres avec des responsables politiques pour qui mon leadership ou mon travail devaient se limiter à la logistique de l’évènement et auraient préféré me voir en retrait ?
Être née femme et le devenir
Très tôt, être une femme a été synonyme d’insécurité.
Insécurité, ce sentiment qui vous traverse depuis l’adolescence et bien plus tard.
Être en insécurité, c’est craindre de se faire insulter sans raison apparente dans les rues de Paris, de Lyon, de Tunis, d’Amman.
Être en insécurité, c’est ce sentiment d’être vulnérable et à la merci de quelques hommes plus forts physiquement que vous. Dans la rue. Dans les transports publics. En réunion.
Être une femme, c’est faire l’expérience d’agressions psychologiques et/ou physiques de la part d’inconnus ou de proches. Une expérience partagée par toutes les femmes. Je répète PARTOUT et PAR TOUTES LES FEMMES. Si universalisme il y a, alors la condition de la moitié de l’humanité en est un exemple fort et tragique à la fois.
Je n’ai jamais vraiment compris la phrase de Simone de Beauvoir que depuis quelques années. Je suis née femme mais ce n’est que depuis quelques années que je le suis devenue. Je suis née femme mais c’est en prenant conscience de toutes ces réalités que j’en suis devenue une en quelque sorte. Cette prise de conscience s’est accompagnée par ma propre expérience d’indépendance et d’émancipation grâce à mes études, à mon métier et aux liens d’amitié et d’amour tissés tout au long de ma vie. Une émancipation tracée et pavée par mes sœurs et inspirée par ma mère, qui n’a pas eu la chance de fréquenter les bancs de l’école.
Insécurité, ce sentiment qui vous traverse depuis l’adolescence et bien plus tard.
Être en insécurité, c’est craindre de se faire insulter sans raison apparente dans les rues de Paris, de Lyon, de Tunis, d’Amman.
Être en insécurité, c’est ce sentiment d’être vulnérable et à la merci de quelques hommes plus forts physiquement que vous. Dans la rue. Dans les transports publics. En réunion.
Être une femme, c’est faire l’expérience d’agressions psychologiques et/ou physiques de la part d’inconnus ou de proches. Une expérience partagée par toutes les femmes. Je répète PARTOUT et PAR TOUTES LES FEMMES. Si universalisme il y a, alors la condition de la moitié de l’humanité en est un exemple fort et tragique à la fois.
Je n’ai jamais vraiment compris la phrase de Simone de Beauvoir que depuis quelques années. Je suis née femme mais ce n’est que depuis quelques années que je le suis devenue. Je suis née femme mais c’est en prenant conscience de toutes ces réalités que j’en suis devenue une en quelque sorte. Cette prise de conscience s’est accompagnée par ma propre expérience d’indépendance et d’émancipation grâce à mes études, à mon métier et aux liens d’amitié et d’amour tissés tout au long de ma vie. Une émancipation tracée et pavée par mes sœurs et inspirée par ma mère, qui n’a pas eu la chance de fréquenter les bancs de l’école.
Les droits de la moitié de l’humanité à faire respecter
Cette année, pour le 8 mars et la Journée internationale des droits des femmes, j’étais invitée à intervenir au World Women Summit, à Los Angeles, un sommet international de femmes actives dans les médias, en politique ou dans la société civile.
Bon, je vous fais l’économie de mes remarques cinglantes sur la Californie, son côté bling-bling, ses disparités de richesses à en pleurer. Je pourrais noircir des pages, mais cela serait l’objet d’une prochaine chronique.
Pour revenir sur le sommet lui-même, nous étions quelques femmes à intervenir lors des panels parmi lesquelles les organisatrices de la Women’s March Tamika Mallory ou Carmen Perez.
L’objectif de cette manifestation qui avait accueilli Meryl Streep ou encore l’auteure d’Americanah (Chimamanda Ngozi Adichie) est de réunir chaque année à New York, à Los Angeles, à Londres ou encore à Calcutta des panels exclusivement féminins afin d’acclamer les femmes dans leur diversité, de paver la voie et d’inspirer toutes les femmes et jeunes filles à s’aimer, à choisir les voies qui leur permettent de s’épanouir et de se battre pour ne pas être réduites à un modèle préétabli.
Pourtant, force est de constater que si les intervenantes étaient variées, le public, lui, était composé de femmes qui arboraient tous les signes de richesses, de stéréotypes dignes de papier glacé.
Alors, entendons-nous bien, nul n’est à l’abri de contradictions. De plus, le féminisme ne signifie pas devenir une caricature de soi-même et rejeter que nous sommes aussi des êtres de chair. Toutefois, ce spectacle me laissait avec un air de perplexité.
Cette même perplexité qui m’habite chaque 8 mars, journée pendant laquelle bons sentiments et grandiloquence inondant les plateaux de télévision, les réseaux sociaux et autres entreprises.
Je sais cette journée nécessaire pour rappeler l’exigence de morale de chacune et de chacun dans la lutte quotidienne pour obtenir les droits de la moitié de l’humanité et les faire respecter.
Si je ne me suis que rarement définie comme féministe, je sais et reconnais que mon émancipation et ma liberté ne valent pas grand-chose sans celle de mes sœurs et filles d’adoption.
C’est pourquoi, depuis quelques années, j’ai adopté spirituellement des jeunes filles, étudiantes qui font désormais partie de mon quotidien et que je suis dans leur parcours de femmes, d’étudiantes à Sciences Po ou encore à Harvard. C’est grâce à leur réussite personnelle et professionnelle et nos liens de sororité que je célèbre le 8 mars. Tous les jours du reste de l’année.
*****
Samia Hathroubi est déléguée Europe de la Foundation for Ethnic Understanding.
Bon, je vous fais l’économie de mes remarques cinglantes sur la Californie, son côté bling-bling, ses disparités de richesses à en pleurer. Je pourrais noircir des pages, mais cela serait l’objet d’une prochaine chronique.
Pour revenir sur le sommet lui-même, nous étions quelques femmes à intervenir lors des panels parmi lesquelles les organisatrices de la Women’s March Tamika Mallory ou Carmen Perez.
L’objectif de cette manifestation qui avait accueilli Meryl Streep ou encore l’auteure d’Americanah (Chimamanda Ngozi Adichie) est de réunir chaque année à New York, à Los Angeles, à Londres ou encore à Calcutta des panels exclusivement féminins afin d’acclamer les femmes dans leur diversité, de paver la voie et d’inspirer toutes les femmes et jeunes filles à s’aimer, à choisir les voies qui leur permettent de s’épanouir et de se battre pour ne pas être réduites à un modèle préétabli.
Pourtant, force est de constater que si les intervenantes étaient variées, le public, lui, était composé de femmes qui arboraient tous les signes de richesses, de stéréotypes dignes de papier glacé.
Alors, entendons-nous bien, nul n’est à l’abri de contradictions. De plus, le féminisme ne signifie pas devenir une caricature de soi-même et rejeter que nous sommes aussi des êtres de chair. Toutefois, ce spectacle me laissait avec un air de perplexité.
Cette même perplexité qui m’habite chaque 8 mars, journée pendant laquelle bons sentiments et grandiloquence inondant les plateaux de télévision, les réseaux sociaux et autres entreprises.
Je sais cette journée nécessaire pour rappeler l’exigence de morale de chacune et de chacun dans la lutte quotidienne pour obtenir les droits de la moitié de l’humanité et les faire respecter.
Si je ne me suis que rarement définie comme féministe, je sais et reconnais que mon émancipation et ma liberté ne valent pas grand-chose sans celle de mes sœurs et filles d’adoption.
C’est pourquoi, depuis quelques années, j’ai adopté spirituellement des jeunes filles, étudiantes qui font désormais partie de mon quotidien et que je suis dans leur parcours de femmes, d’étudiantes à Sciences Po ou encore à Harvard. C’est grâce à leur réussite personnelle et professionnelle et nos liens de sororité que je célèbre le 8 mars. Tous les jours du reste de l’année.
*****
Samia Hathroubi est déléguée Europe de la Foundation for Ethnic Understanding.
Lire aussi :
Ne nous libérez pas, on s’en charge !
Femmes : que ce soit en France ou en Inde, le voile est polysémique
Myriam Marzouki : « Exiger ou interdire le voile, c’est contrôler le corps des femmes »
Linda Sarsour, activiste musulmane et pilier de la Women's March
Entre racisme et sexisme, les femmes musulmanes paient le prix fort de l'islamophobie en Europe
Les Françaises musulmanes : les grandes oubliées des luttes féministes occidentales ?
Ne nous libérez pas, on s’en charge !
Femmes : que ce soit en France ou en Inde, le voile est polysémique
Myriam Marzouki : « Exiger ou interdire le voile, c’est contrôler le corps des femmes »
Linda Sarsour, activiste musulmane et pilier de la Women's March
Entre racisme et sexisme, les femmes musulmanes paient le prix fort de l'islamophobie en Europe
Les Françaises musulmanes : les grandes oubliées des luttes féministes occidentales ?