« Opération César », un témoignage accablant contre les exactions de Bachar Al-Assad commises contre son peuple. Cette photo a été prise lors d'une opération d'Avaaz devant le Conseil de sécurité de l'ONU en 2012 pour dénoncer les crimes du régime syrien et le soutien russe. Les comédiens avaient alors été recouverts de faux sang.
Son nom de code est « César ». Aujourd’hui réfugié quelque part en Europe du Nord, il était photographe au sein de la police militaire avant la guerre. « J’étais chargé de photographier les scènes de crime et d’accidents qui impliquaient des militaires », raconte-t-il dans un témoignage unique livré à la journaliste française Garance Le Caisne dans son livre « Opération César, au cœur de la machine de mort syrienne » paru le 7 octobre chez Stock.
Sa vie bascule en mars 2011. A peine la guerre civile commencée, on commence à lui demander de photographier non plus des militaires mais des hommes, femmes et enfants civils tués. Les photos de victimes, numéro scotché sur leur front, doivent être classées dans des registres. « C’est une dictature militaire dans laquelle personne ne fait confiance à personne. On classe ces clichés de façon bien organisée, comme pour prouver que le travail avait été bien fait », explique la journaliste indépendante, qui signe des articles pour le JDD et L'Obs.
César a pris le parti de copier ces photos de cadavres pesant 30 kilos ou n'ayant plus de yeux, durant deux années, au péril de sa vie, pour les envoyer hors de Syrie. Au total, ce sont entre 45 000 et 55 000 photos, authentifiées par de nombreux experts, que César a emporté avec lui. « Quand je regardais les photos, elles me parlaient. Beaucoup de victimes sur les photos savaient qu’elles allaient mourir. Elles avaient le doigt levé comme lorsque l'on va mourir et qu’on dit la "shahada" (profession de foi musulmane, ndlr). Elles avaient la bouche ouverte de douleur et on sentait l’humiliation qu’elles avaient subie », se remémorait-il en avril 2015.
Sa vie bascule en mars 2011. A peine la guerre civile commencée, on commence à lui demander de photographier non plus des militaires mais des hommes, femmes et enfants civils tués. Les photos de victimes, numéro scotché sur leur front, doivent être classées dans des registres. « C’est une dictature militaire dans laquelle personne ne fait confiance à personne. On classe ces clichés de façon bien organisée, comme pour prouver que le travail avait été bien fait », explique la journaliste indépendante, qui signe des articles pour le JDD et L'Obs.
César a pris le parti de copier ces photos de cadavres pesant 30 kilos ou n'ayant plus de yeux, durant deux années, au péril de sa vie, pour les envoyer hors de Syrie. Au total, ce sont entre 45 000 et 55 000 photos, authentifiées par de nombreux experts, que César a emporté avec lui. « Quand je regardais les photos, elles me parlaient. Beaucoup de victimes sur les photos savaient qu’elles allaient mourir. Elles avaient le doigt levé comme lorsque l'on va mourir et qu’on dit la "shahada" (profession de foi musulmane, ndlr). Elles avaient la bouche ouverte de douleur et on sentait l’humiliation qu’elles avaient subie », se remémorait-il en avril 2015.
Une « shahada » par la force pour Bachar
Le courage de César n’est pas celui de l’activiste ou du militant. L'ex-militaire, d'obédience sunnite, a fait ce qu’il croyait simplement être le « bien ». C’est Sami, son ami d’enfance et seul confident, qui est beaucoup plus impliqué dans la révolution. Cet homme, qui l’a aidé et soutenu dans les moments difficiles, est proche d’un groupe politique sunnite qui se définit comme « islamiste modéré ».
Car, en Syrie, le régime a réussi à créer des divisions confessionnelles, « qui n'existaient pas avant », rappelle Garance Le Caisne. La haine, alimentée par les pires atrocités, s'est installée entre alaouites et sunnites. Sami raconte que, en se cachant dans le faux plafond d'une maison de sunnites pillée par des soldats du régime, il a vu des soldats forcer des civils à prononcer la shahada avant des les exécuter. Sauf qu'il fallait remplacer le Prophète Muhammad par Bachar al-Assad... Une scène ultraviolente qui confirme ainsi de nombreuses rumeurs qui circulaient sur le Net au début de la révolution.
Car, en Syrie, le régime a réussi à créer des divisions confessionnelles, « qui n'existaient pas avant », rappelle Garance Le Caisne. La haine, alimentée par les pires atrocités, s'est installée entre alaouites et sunnites. Sami raconte que, en se cachant dans le faux plafond d'une maison de sunnites pillée par des soldats du régime, il a vu des soldats forcer des civils à prononcer la shahada avant des les exécuter. Sauf qu'il fallait remplacer le Prophète Muhammad par Bachar al-Assad... Une scène ultraviolente qui confirme ainsi de nombreuses rumeurs qui circulaient sur le Net au début de la révolution.
Garance Le Caisne, auteure de « Opération César ».
Des rescapés broyés mais debout
Certains Syriens sortiront vivants de prisons ou d’hôpitaux transformés en salles de torture. Leurs récits prennent aux tripes. Ce qu’ils ont vécu révèle que tout a été fait pour les déshumaniser. Obligation de rester dévêtus, interdiction de donner son nom, lequel est remplacé par un numéro, mais aussi des conditions déplorables d’hygiène et de sous-alimentation. Des atrocités pourtant racontées dans le livre avec courage, avec un seul objectif : témoigner pour dénoncer la cruauté des violences dont des dizaines de milliers de personnes ont été victimes.
C’est également le style tout en pudeur de la journaliste qui ébranle. Elle reprend le plus naturellement du monde la parole de ces personnes broyées par la machine de mort al-Assad. « C’est mon style, je ne l’ai pas travaillé… Je voulais simplement être la plus proche des témoignages sans en rajouter. » La journaliste, qui avoue avoir parfois « craqué » à l’écoute de certains récits, a été accompagnée tout au long de l’enquête par une psychologue du centre Primo Levi, un centre de soins à Paris destiné aux personnes victimes de torture et de violence politique dans leur pays d’origine et aujourd’hui réfugiées en France. « Il fallait qu’on m’aide à avoir la meilleure posture pour faire ce genre d’interview très difficile », explique-t-elle.
La journaliste a d’ailleurs mis un point d’honneur à documenter une carte pour situer les lieux de torture dont les témoins parlent. « Pour moi, c’est capital. On voit que les centres de tortures sont partout, au cœur de Damas notamment », dit-elle. Dans ce document, on situe des centres de torture à deux pas de l'hôtel Sheraton, bien connu des touristes, mais également du lycée français, au cœur de la capitale, où s’étaient rendus des députés français fin février dernier.
C’est également le style tout en pudeur de la journaliste qui ébranle. Elle reprend le plus naturellement du monde la parole de ces personnes broyées par la machine de mort al-Assad. « C’est mon style, je ne l’ai pas travaillé… Je voulais simplement être la plus proche des témoignages sans en rajouter. » La journaliste, qui avoue avoir parfois « craqué » à l’écoute de certains récits, a été accompagnée tout au long de l’enquête par une psychologue du centre Primo Levi, un centre de soins à Paris destiné aux personnes victimes de torture et de violence politique dans leur pays d’origine et aujourd’hui réfugiées en France. « Il fallait qu’on m’aide à avoir la meilleure posture pour faire ce genre d’interview très difficile », explique-t-elle.
La journaliste a d’ailleurs mis un point d’honneur à documenter une carte pour situer les lieux de torture dont les témoins parlent. « Pour moi, c’est capital. On voit que les centres de tortures sont partout, au cœur de Damas notamment », dit-elle. Dans ce document, on situe des centres de torture à deux pas de l'hôtel Sheraton, bien connu des touristes, mais également du lycée français, au cœur de la capitale, où s’étaient rendus des députés français fin février dernier.
Un travail de fourmi admirable
Le travail de fourmi de Garance Le Caisne a été animé par une passion pour les peuples arabes et les Syriens en particulier. « Depuis que j’ai découvert la Syrie dans les années 2000, j’ai compris ce que l’expression "fouler une terre" voulait dire. J’ai besoin de prendre la terre syrienne entre mes mains, je souffre beaucoup de ne pas y retourner », poursuit celle qui a couvert la guerre civile. « Les Syriens ont beaucoup à nous apprendre. Ils ont une maturité politique incroyable. Avec toujours une longueur d’avance sur nous. Très vite, dès les premiers crimes de guerre, ils ont commencé à collecter des preuves. La justice transitionnelle, ils en parlaient déjà en 2012. »
De la situation en Syrie, le livre Opération César apporte des clés primordiales, grâce à l'existence de photos exceptionnelles. « Jamais des preuves aussi accablantes de crimes contre l’humanité n’avaient été divulguées alors qu’un conflit se poursuit », rappelle-t-on dans la quatrième de couverture. Un témoignage unique qui a grandement appuyé l'ouverture d'une enquête par le parquet de Paris, le 30 septembre, pour crimes contre l'humanité à l'encontre du régime syrien. Pourtant, le sort du dictateur syrien continue de diviser les grandes puissance. Une conférence internationale sur l'avenir de la Syrie, lors de laquelle a été discuté le sort d'al-Assad, a été organisée le 30 octobre, à Vienne (Autriche). Une réunion sans issue tant les divergences restent profonds sur la question.
« Opération César » est un document unique dont les bonnes feuilles ont fait la Une des plus grands journaux européens. Des traductions en quatre langues différentes sont déjà programmées pour sensibiliser le plus grand nombre aux exactions du régime, qui surpassent, selon des statistiques, celles de Daesh. Ces dernières n'en restent pas moins graves.
De la situation en Syrie, le livre Opération César apporte des clés primordiales, grâce à l'existence de photos exceptionnelles. « Jamais des preuves aussi accablantes de crimes contre l’humanité n’avaient été divulguées alors qu’un conflit se poursuit », rappelle-t-on dans la quatrième de couverture. Un témoignage unique qui a grandement appuyé l'ouverture d'une enquête par le parquet de Paris, le 30 septembre, pour crimes contre l'humanité à l'encontre du régime syrien. Pourtant, le sort du dictateur syrien continue de diviser les grandes puissance. Une conférence internationale sur l'avenir de la Syrie, lors de laquelle a été discuté le sort d'al-Assad, a été organisée le 30 octobre, à Vienne (Autriche). Une réunion sans issue tant les divergences restent profonds sur la question.
« Opération César » est un document unique dont les bonnes feuilles ont fait la Une des plus grands journaux européens. Des traductions en quatre langues différentes sont déjà programmées pour sensibiliser le plus grand nombre aux exactions du régime, qui surpassent, selon des statistiques, celles de Daesh. Ces dernières n'en restent pas moins graves.
Garance Le Caisne, Opération César, Stock, coll. « Essais et documents », octobre 2015, 224 p., 18 €.
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