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Polémique politicienne sur le « génocide arménien »

Rédigé par Ammar B. | Lundi 25 Avril 2005 à 00:00

           

L’Arménie tout entière a commémoré, hier dimanche 24 avril 2005, le 90e anniversaire des massacres perpétrés par l’armée ottomane en 1915. Ces sont 1,5 millions de manifestants qui ont défilé devant le monument aux victimes des ces tueries qui commencent le 24 avril 1915 par l’arrestation de 200 leaders de la communauté arménienne par les autorités ottomanes. A Erevan, l’on parle de « génocide ». Un terme contesté par les autorités turques. Le Premier ministre turc, Recep tayyip Erdogan a proposé mercredi 20, au président arménien, Robert Kocharian, qu’une commission mixte d’historiens soit composée pour tirer au clair ce qu’il nomme les « évènements » de 1915. De quoi nous interroger sur le sens de la « vérité historique ».



L’Arménie tout entière a commémoré, hier dimanche 24 avril 2005, le 90e anniversaire des massacres perpétrés par l’armée ottomane en 1915. Ces sont 1,5 millions de manifestants qui ont défilé devant le monument aux victimes des ces tueries qui commencent le 24 avril 1915 par l’arrestation de 200 leaders de la communauté arménienne par les autorités ottomanes. A Erevan, l’on parle de « génocide ». Un terme contesté par les autorités turques. Le Premier ministre turc, Recep tayyip Erdogan a proposé mercredi 20, au président arménien, Robert Kocharian, qu’une commission mixte d’historiens soit composée pour tirer au clair ce qu’il nomme les « évènements » de 1915. De quoi nous interroger sur le sens de la « vérité historique ».

 

De la déportation au génocide

 

Pour les Arméniens, ce qui s’est passé en 1915 n’est rien de plus qu’un génocide. Le Président arménien qui a déposé une gerbe de fleurs samedi soir devant le monument érigé à Erevan à la mémoire des victimes, exclut néanmoins toute demande de compensation matérielle de la part de son voisin turc. Mais il demande avec insistance que ces faits soient reconnus par la Turquie comme une intention d’éliminer un groupe en raison de son appartenance à une nationalité, à savoir un génocide.

 

En Turquie comme en Arménie, chacun reconnaît qu’en 1915, il y a effectivement eu une déportation de populations arméniennes ordonnée par des autorités ottomanes, notamment par Talat Pacha (ministre de l’Intérieur et membre du triumvirat jeune-turc avec Enver et Djemal Pacha). Chacun reconnaît aussi qu’il y a eu des massacres de populations arméniennes. Les points d’accord ne vont pas plus loin. Les conditions des massacres, la nature des ordres, le nombre de victimes et même les régions précisément visées portent à polémiques entre les historiens. D’un côté comme de l’autre, les hommes politiques n’entendent pas rester hors de la partie.

 

Le cœur de la polémique

 

Le ministre de l’Intérieur de l’époque, Talat Pacha, est généralement désigné comme « le cerveau » des exactions à l’encontre des Arméniens de l’Empire. C’est lui, membre du parti nationaliste « Union et progrès », qui aurait réussi à convaincre Enver et Djemal Pacha (ministre de la marine) à passer à l’action. Ce choix donne lieu à un décret de déportation. Suivent des ordres d’application dont les termes sont explicites : « rassemblez immédiatement tous les Arméniens de votre zone… Vous les enverrez en convois vers le Sud-Est anatolien et, de là, vers certaines villes de Syrie et d’Irak, où ils seront installés ». Des ordres qui font l’affaire des services spéciaux ottomans, Teshkilat i mahsusa, très nationalistes.

 

A ces accusations, les historiens de l'autre camp répondent que la décision de déportation a été prise par le gouvernement ottoman pour « assurer sa survie dans le cadre de son droit à la légitime défense ». En effet dans le contexte de guerre de l'époque, dès 1912, la ville d'Istanbul est menacée par les armées ennemies. Enver Pacha qui est le ministre de la Guerre envisage de déplacer son ministère en Anatolie. Or, la fidélité des Arméniens au pouvoir ottoman n’était pas chose acquise. Il apparaît donc dans la logique du pouvoir ottoman de « nettoyer l’Anatolie d’éléments susceptibles de trahir l’Etat ottoman », entendons les Arméniens.

En Turquie, on explique que l’Etat ottoman a donné des consignes pour protéger les déportés. Le fait est que cette protection n’a pas empêché les massacres de milliers d'Arméniens. Ceux-là chiffrent les victimes à un million et demi. Pure propagande, affirme-t-on côté turc où l’on précise que ce nombre ne dissocie pas les victimes de la déportation des victimes de la guerre en Anatolie.

Pour Ankara, il s’agit donc d’une répression en situation de guerre et les victimes sont évaluées entre 300 000 et 500 000 morts auquel il oppose le nombre de 517 955 morts turcs commis par des Arméniens entre 1914 et 1921. Ce dernier nombre émane de la Direction générale des archives turques qui publie un ouvrage officiel en 1998 sur « les massacres arméniens en Anatolie et dans le Caucase selon les documents d’archives ».

Il est en effet avéré que le Dashnak Soutyoun et le Hintchak, deux organisations nationalistes arméniennes se sont associées à la Russie tsariste pour mener des actions contre la Turquie. Mais ce nombre officiel de plus d’un demi-million de victimes turques est vivement contesté par les Arméniens.

 

Pour les Turcs, « la déportation décidée par le gouvernement ne visait pas tous les Arméniens ». Selon le diplomate turc, Sürkrü Elekdag, député du CHP ( parti de la gauche kémaliste), « les Arméniens catholiques et protestants, les malades et ceux employés par dans l’armée ottomane n’étaient pas concernés par la déportation. Idem pour une partie des fonctionnaires […] Les commerçants et les députés arméniens, ainsi que leurs familles, ont été laissés là où ils étaient. » Mais ces nuances sont battues en brèches par le camp arménien qui affirme que, vue le nationalisme de l’époque, « au-delà des injonctions officielles, il y avait d’autres ordres secrets émis par une partie de l’appareil d’Etat. » Il est connu que la branche dure des unionistes (jeunes-turcs) s’était dotée d’une organisation paramilitaire qui opérait de connivence avec les services secrets du pouvoir ottoman.

 

Place aux politiques

 

Dans ce débat où se mêlent données historiques et idéologies nationalistes, les enjeux dépassent le cadre de la vérité scientifique. En Turquie, pouvoir et opposition profitent de la demande arménienne pour réactiver la fibre nationaliste. Même schéma en Arménie où le devoir de mémoire est en bonne place dans le discours politique comme facteur de cohésion nationale mais aussi comme argument de diplomatie à un moment où la Turquie n’a pas envie de se contenter d’un strapontin à la porte de l’Union européenne. Plusieurs pays européens ont déjà fait le choix du terme génocide pour qualifier les massacres de 1915. Le Parlement allemand a mis le sujet en débat. François Bayrou, président de l’UDF, envisage de déposer une résolution devant le Parlement de Bruxelles pour faire reconnaître l’expression « génocide arménien ».

On l’aura compris, la question du « génocide arménien » n’est plus une question d’historiens.






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