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Politique

Présidentielle 2022 : face au danger de l'extrême droite, le vrai visage de Marine Le Pen exposé

Rédigé par Lionel Lemonier | Vendredi 22 Avril 2022 à 18:30

           

Pendant cette campagne présidentielle, des voix s’élèvent pour expliquer que Marine Le Pen aurait changé. Elle défendrait le peuple et pourrait être une alternative crédible. De nombreuses autres voix, par exaspération que suscite le président sortant, minimisent la venue de la candidate d’extrême droite au pouvoir. Panorama des fondements idéologiques du Rassemblement National que la stratégie de dédiabolisation entamée ces dernières années par le parti cache mal.



Présidentielle 2022 : face au danger de l'extrême droite, le vrai visage de Marine Le Pen exposé
Certes, ce n’est pas la première fois que l’extrême droite se retrouve au second tour de l’élection présidentielle en France. Mais les deux fois précédentes, atteindre ce stade constituait un exploit et les instituts de sondage ne donnaient pas une chance à son ou à sa représentant.e de l’emporter. Cette année, c’est différent. Jamais le risque n’a été aussi grand de voir Marine Le Pen être élue à la présidence de la République.

Entre sa politique axée à droite au cours de son mandat ou encore ses petites phrases sur « le travail disponible de l’autre côté de la rue », le « pognon de dingue » consacré à l’aide sociale ou les non-vaccinés qu'il « emmerde », le président sortant a suscité le rejet d’une partie des électeurs. Sa surdité à l’égard des problèmes concrets rencontrés par les plus modestes, le comportement de la police envers les Gilets jaunes, les réflexions de son ministre de l’Intérieur trouvant Marine Le Pen « plus molle que le gouvernement » ou encore l'évolution de la fiscalité en faveur des plus riches et des « premiers de cordée », tous ces faits accumulés pendant cinq ans ont construit un mur de colère, voire de haine, entre lui et une partie des Français. Au point d'en arriver à entendre dire que « Macron = Le Pen », y compris parmi des musulmans affectés notamment par les conséquences de la loi séparatisme. Un discours dangereux qui, au fond, contribue à dédiaboliser encore davantage l'extrême droite.

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Le « front républicain » est lézardé. Cette expression, qui résume le réflexe de rejet d’une grande majorité des électeurs vis-à-vis de l’extrême droite, signifiait par le passé que les électeurs de droite et de gauche se retrouvaient pour faire barrage au FN, devenu RN, au profit du candidat républicain. Ce réflexe semble être largement émoussé aujourd’hui.

Pourtant, Marine Le Pen (MLP) n’est pas la mère à chats sympathique qu’elle tente de faire croire. Elue depuis des années, la chef du Rassemblement national (RN) peut être évaluée à l’aune de ses positionnements politiques, mais aussi du profil de ses amis et collaborateurs politiques, sans oublier les éléments significatifs de son programme. Le tout en gardant en mémoire que le RN est l'héritier du Front National, parti créé par son père Jean-Marie Le Pen.

Qui sont les amis de Marine Le Pen ?

Au Parlement européen, MLP a toujours rêvé de rassembler les droites radicales « souverainistes » en vue de transformer progressivement l'Union européenne en une « alliance des nations européennes ». Ses amis sont Matteo Salvini, le leader de la Ligue du Nord, un parti politique italien souverainiste et identitaire. En tant que ministre de l’Intérieur, il a notamment fait voter le décret-loi « immigration et sécurité » qui restreint le droit d’asile et facilite les expulsions de clandestins. En juin 2018, il a refusé l’entrée dans les ports italiens de l’Aquarius, navire humanitaire qui venait en aide aux migrants en mer Méditerranée.

Autre ami européen, Viktor Orbàn, le Premier ministre hongrois qui s’oppose à l’embargo sur le gaz russe et muselle la presse et les libertés dans son pays. Il affirme les racines chrétiennes de l’Europe et s’oppose à l’immigration, en particulier quand elle est extra-européenne.

Enfin, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki, membre du parti ultraconservateur PiS, qui a essayé de faire passer une loi minimisant les responsabilités de la Pologne dans la Shoah. En 2021, il suscitait une crise avec l’Union européenne en proposant une loi qui permet au gouvernement de contrôler la nomination des juges à la Cour suprême, organe de régulation de la Constitution du pays…

En France, Marine Le Pen s’appuie aussi sur l’activité politique et les entreprises d’anciens militants du GUD, comme le précise Le Canard Enchainé dans son édition du 20 avril. Le Groupe Union Défense était une organisation étudiante d’extrême droite réputée pour ses actions violentes, très active dans les années 1970 et 1980. Parmi eux, Frédéric Chatillon et Axel Loustau, que Le Monde a retrouvés dernièrement, sont devenus créateurs d’une foultitude d’entreprises, dont e-Politic.

Cette agence de communication dirigée par Paul-Alexandre Martin, un ancien cadre des Jeunesses frontistes lié aux milieux néofascistes italiens et à l’ultradroite identitaire, œuvre pour la campagne numérique de MLP. On y retrouve des anciens « gudards » et d’autres lepenistes - dont certains ne nient pas leur fascination pour l’idéologie nazie. Nombre d'entre eux sont impliqués dans les nombreuses affaires judiciaires que le RN collectionne ces dernières années, à commencer par le détournement d'argent public en France ou à Bruxelles, en lien avec les députés RN au Parlement européen.

Quelle société idéale pour MLP ?

En matière de libertés, Marine Le Pen s’inspire grandement de ses amis. Dans son programme, la « préférence nationale », chère au FN, s’est changée en « priorité nationale » mais elle garde ses caractéristiques xénophobes : elle propose entre autres de modifier notre Constitution pour « y intégrer des dispositions portant sur le statut des étrangers et la nationalité » et « faire prévaloir le droit national sur le droit international ». Des mesures auxquelles s’ajoutent la fin des peines alternatives à la prison et la « présomption de légitime défense » pour les policiers et gendarmes dans l'objectif de « restaurer l’autorité des forces de l’ordre et les réarmer moralement »… On imagine le résultat alors que la France connaît déjà depuis des années de trop nombreuses affaires de violences policières sans suites judiciaires.

L’Etat de droit prendrait assurément un coup avec le RN, les libertés, déjà en recul en France selon Amnesty International, aussi. Au cours d'une rencontre avec la presse organisée mardi 12 avril dans le cadre de sa campagne, MLP a expliqué qu’elle se donnait le droit de refuser l’accréditation à certains journalistes. Ce qui prouve « que derrière son vernis de respectabilité, elle et son mouvement restent un danger pour la démocratie », explique Libération.

Pour bien comprendre ce danger, il est nécessaire de revenir sur l'histoire du Front national, ancêtre du Rassemblement national d'aujourd'hui. A sa naissance en 1972, ce parti qui rassemble les micro-organisations de l'extrême droite française compte dans ses rangs des anciens Waffen SS français, des anciens résistants, des anciens collaborateurs, des négationnistes de la Shoah, rappelle le site d'information libre sur le Front National. Drôle de mélange…

MLP en a-t-elle fini avec le racisme ?

Avec un tel rassemblement de militants, la communication du FN a toujours été émaillée de propos racistes. On se souvient notamment du calembour de Jean-Marie Le Pen, « Monsieur Durafour crématoire, merci de cet aveu », lancé en 1988 au cours d’une université d’été du FN au Cap d’Agde. L’expression visait le ministre de la Fonction publique d’alors, Michel Durafour, qui s’inquiétait de l’influence grandissante du parti d'extrême droite auprès des Français. Car c’est d’abord l’antisémitisme qui s’exprime pendant le règne de Jean-Marie Le Pen, comme le rappelle Thomas Guénolé, politologue et Maitre de conférences à Sciences Po, dans Marianne en février 2015.

Certes, à son arrivée à la tête du FN, Marine Le Pen se détache de son père et précise qu’elle ne partage pas sa vision concernant la Shoah. A partir de 2009, on ne trouve plus de trace de propos antisémites ou négationnistes à la direction du mouvement. Mais les racistes sont encore très présents dans ses rangs. A titre d’exemple, la communication sur la page Facebook (supprimée depuis) de Marie d’Herbais, candidate FN aux municipales de 2014 à Savigné-l’Évêquer, évoquée par Thomas Guénolé : « L’islam est l’instrument de la juiverie internationale. » De tels propos n’ont jamais été sanctionnés par la direction du FN. Comment oublier que, depuis quelques années, « l’islamisme » a remplacé « le complot juif international » dans la dialectique interne de certains militants du RN, digne héritier du FN ?

Quelle attitude de MLP vis-à-vis des Français musulmans ?

En cas d’élection à la magistrature suprême, Marine Le Pen prévoit d’interdire l'abattage rituel des animaux sans étourdissement préalable, comme le précise Jordan Bardella sur RTL. Autrement dit, la fin de la viande halal et casher en France.

Avec sa vision étriquée de la laïcité, elle assume de vouloir interdire le port du voile dans l’espace public qu'elle assimile à « l’uniforme d’une idéologie et pas d’une religion ». Cette mesure, qui ne concerne pas la kippa à ce jour, figure même dans la synthèse de 22 propositions majeures que la candidate du RN a présenté sur son site Internet. Elle peut se retrouver sur le titre « Éradiquer les idéologies islamistes et l’ensemble de leurs réseaux du territoire national ».

MLP a d’ailleurs déjà à son actif, une proposition de loi « visant à combattre les idéologies islamistes », enregistrée le 9 février 2021 à la présidence de l’Assemblée nationale. Dans son article 10, l’interdiction des « tenues islamistes » était déjà évoquée. Comme si le choix de s’habiller comme bon lui semble, indiquait clairement qu’une musulmane est tentée par l’action politique ou terroriste… Bien que l’interdiction du voile dans l’espace public pourrait se révéler juridiquement difficile à adopter et à appliquer car contraire à plusieurs principes constitutionnels, rappelle Le Monde, elle continue à brandir haut cette mesure qui instaure clairement une différence entre les cultes.

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En quoi le programme de MLP est-il xénophobe ?

Avec Marine Le Pen, les résidents étrangers en France verraient leurs conditions de vie se détériorer rapidement, comme le décrit France Info. D’abord parce que le RN proposerait un référendum sur un projet de loi sur l’immigration afin de mettre fin au versement des allocations familiales aux étrangers et de les obliger à avoir travaillé – officiellement, donc pas « au black » - cinq ans pour toucher les prestations de solidarité. Il supprimerait le droit du sol et l’autorisation de séjour pour ceux n’ayant pas travaillé depuis un an. Et il encadrerait le regroupement familial par une loi interdisant ou limitant cette procédure qui permet à un étranger en situation régulière d’être rejoint par son conjoint et ses enfants.

En 2012 déjà, Marine Le Pen n'analysait la présence d'étrangers sur notre sol que du point de vue des charges. Sans penser un instant qu'ils paient la TVA et les mêmes impôts que les nationaux, comme le montre une étude sur les comptes de la protection sociale réalisée pour la MIRE, le Centre de recherches du ministère de la Santé, des Affaires sociales et du Travail. Lors des auditions menées en 2010 par des parlementaires, Lionel Ragot, l’un des auteurs, économiste au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepeii), en a résumé la teneur : « Globalement, leur contribution au budget des administrations publiques est positive et de l'ordre de 12 milliards d'euros. »

Ses mesures convoquant « la préférence nationale » en matière d'accès au logement social et à l'emploi ne feront pas que toucher les étrangers. La loi sur l’immigration voulue par MLP prévoit aussi que les binationaux puissent être privés d'emplois « dans l’administration, des entreprises publiques, et des personnes morales chargées d’une mission de service public ». A moins qu'ils ne renoncent à la nationalité non française.

De même, l’Aide médicale d’État (AME) serait « réformée ». Une violence sans précédent, indique la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et le Réseau Éducation sans frontière de Seine-Saint-Denis, département traditionnellement terre d’accueil de nombre d’étrangers. D’autant plus que « les étrangers en attente de régularisation et ceux qui vivent en France de manière régulière se retrouveraient pénalisés par la préférence nationale, alors qu’ils soutiennent l’économie par leur travail, souvent dans des secteurs essentiels, et par leurs impôts », explique un porte-parole au Parisien.

Enfin, les demandes de droit d’asile seraient exclusivement traitées à l’étranger car Marine Le Pen considère que c’est l’une « des voies principales de l’immigration illégale ». Avec autant d'éléments à charge, reste aux électeurs à savoir s’ils souhaitent vraiment emmener ce personnage au sommet de l’État.

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