Ce dimanche, la Tunisie a de nouveau élu M. Ben Ali pour un quatrième mandat consécutif, à la tête de l’Etat. Avant le mois de mai 2002, ce mandat était contraire à la constitution. Mais au milieu de son dernier mandat, il a fallu changer la constitution tunisienne afin que M. Ben Ali puisse briguer un mandat supplémentaire. La manœuvre n’a pas échappé à l’opposition politique qui s’est néanmoins divisée sur la résistance à opposer au pouvoir de M. Ben Ali aux allures pourtant très populaires.
Une démocratie à parti unique
C’est au mois de novembre 1987 que M. Ben Ali remplace Habib Bourguiba à la tête de l’Etat tunisien. Certificat médical à l’appui, M. Bourguiba sera déclaré inapte à ses responsabilités de Président de la République. Il est simplement remplacé par M. Zine el Abidine Ben Ali. Depuis ce coup d’Etat médical de 1987, M. Ben Ali n’a cessé d’inscrire son empreinte tant sur les consciences individuelles que sur les institutions du pays.
En tunisie, la présence continuelle de forces militaires dans les espaces publics crée un état psychologique de guerre dont l’adversaire n’est pas désigné. L’omniprésence d’agents de renseignements, réels ou supposés, la surveillance à la fois passive et agressive des moyens de communication, ont instauré, dans tout le pays, un climat de méfiance et de suspicion en raison du risque de délation entre voisins. Dans l’atmosphère de peur ainsi créée, le débat politique a fini par déserter l’espace du discours populaire. On ne parle plus de politique ouvertement et normalement en Tunisie. On évite soigneusement de parler de questions nationales qui fâchent. Non par manque d’intérêt mais par peur. Une peur épidémique qui n’épargne aucune couche sociale sauf, éventuellement, certains syndicats historiquement rompus à la lutte de résistance. Dans ce contexte de frayeur diffuse et généralisée, le parti politique quasi-unique devient la donnée stable par excellence. Son leader apparaît comme la personne capable de protéger les citoyens contre les menaces internes et externes. Un atout qui lui permet de justifier toutes ses actions y compris celles qui s’opposent à la liberté préalable à toute démocratie. Ainsi, près de 600 prisonniers politiques sont enfermés dans les prisons tunisiennes dans l’indifférence générale.
En 1987, M. Ben Ali avait annoncé une plus grande liberté avec le multipartisme en Tunisie. Aujourd’hui, le spectre de l’Algérie voisin où l’ex-Front Islamique du Salut avait fini par se hisser au pouvoir, est brandi pour justifier toutes les restrictions de liberté d’expression du peuple tunisien.
Une opposition émiettée, exilée
Face au monopole du RCD (Rassemblement Constitutionnel Démocratique), le parti de M Ben Ali, l’opposition fait piètre figure. La situation devient simplement folklorique lorsque M. Mohamed Bouchiha, leader du PUP (Parti de l'Unité Populaire) et candidat aux présidentielles, appelle à voter pour un autre candidat : M. Ben Ali !
Incapables de prendre la parole librement sans risquer leur liberté, ou celle de leurs proches, les opposants au régime tunisien ont souvent choisi l’exile. Le 16 octobre, à Paris, le Comité pour le respect des libertés et des droits de l’Homme en Tunisie a rassemblé toute l’opposition tunisienne sans marginaliser les mouvements musulmans. Ce qui dénote d’une réelle volonté d’harmonisation de l’action. Mais le choix de Paris démontre aussi la volonté d’internationaliser la résistance à Tunis. Une disposition à laquelle M. Ben Ali s'est montré très sensible par le passé. Assez régulièrement en France, les partisans du régime tunisiens, ont tenté d’empêcher la tenue de réunions d’opposants considérées nuisibles à l’image de leur pays.
Dans son ensemble, l’opposition à Ben Ali considère que les élections de dimanche, sont 'un simulacre d'élections'. Elle a tenté sans succès de trouver un mode d’action coordonné à cette occasion. Certains ont opté pour le boycott des urnes. D’autres ont encouragé une participation citoyenne à l’image de M. Mohamed Ali Halouani, candidat de l’Initiative Démocratique considéré comme le seul vrai opposant à M. Ben Ali. MM. Mounir Beji et Mohamed Bouchiha étant considérés comme des ' opposants ' créés par le pouvoir pour entretenir l’apparence d’une vraie démocratie.
Selon les chiffres officiels, le taux de participation fut de 86,31 % sur les 13 000 bureaux ouverts dans les 26 circonscriptions électorales. Le RCD au pouvoir a raflé 152 sièges de députés sur les 189 du Parlement. Pourtant, aussi inhabituel que cela paraisse, avec 94,48% de voix, le président Ben Ali perd malgré tout 4,96 % de ses voix. En 1999, il avait en effet obtenu 99,44%.