Nihad Awad : « La meilleure et la plus efficace des réponses face aux campagnes sectaires est une plus grande communication vers des personnes de confessions et croyances différentes, afin de construire des passerelles de compréhension et de respect.
Washington − Je serai le premier à défendre la liberté d'expression dont chacun dispose, peu importe les attaques que l'on pourra me lancer. Notre pays a prospéré parce que les Américains sont attachés à la diversité et la respectent. Toutefois, la liberté d'expression ne donne pas le droit d'offenser ou de manquer de respect aux croyances religieuses de l'autre ou aux figures vénérées par celui-ci.
En réponse à la récente controverse sur la représentation de Muhammad, Prophète de l'islam, dans un épisode de la série d'animation télévisée South Park sur la chaîne de télévision Comedy Central, une dessinatrice basée à Seattle, Molly Norris, a créé un poster humoristique représentant des portraits supposés ressembler au Prophète.
Depuis, elle s'est tenue à l'écart de l'événement, déclarant qu'elle n'avait jamais eu l'intention de lancer « la journée où tout le monde dessine Muhammad (Mahomet) ». Et elle a posté une déclaration sur son site Internet où l'on peut lire, en partie, ces mots : « Je N'AI PAS proclamé que le 20 mai devait être ''le jour où tout le monde dessine Muhammad". Le poster humoristique avec un faux ''groupe'' derrière lui est devenu viral et a été pris au sérieux... La virulence que cette ''journée'' a fait ressortir chez des personnes qui ne cherchent qu'à faire des dessins obscènes constitue une insulte pour les musulmans qui n'ont rien fait au départ pour mettre en péril notre liberté d'expression... Je présente mes excuses à la foi musulmane et je demande que ce "jour" soit arrêté. »
Jon Wellington, le créateur d'une page Facebook dédiée à ladite journée, a également condamné les « courriers provocateurs » qu'elle a inspirés. « Je suis effaré que tant de personnes postent des dessins profondément injurieux représentant le Prophète. »
Malgré les tentatives apparemment sincères de Molly Norris et de Jon Wellington pour se distancier de l'événement, les ennemis des musulmans et les islamophobes ont fait en sorte que la demande de « dessins de Muhammad » se propage sur Internet. La plupart des musulmans estiment que les représentations visuelles de prophètes sont inconvenantes, risquant de détourner les hommes du culte de Dieu et même de les conduire à l'idolâtrie, qui est interdite dans l'islam.
Comment donc les musulmans et autres Américains devraient-ils réagir face à cette dernière tentative menée par les semeurs de haine, qui consiste à exploiter ce précieux droit qu'est la liberté d'expression et de faire du 20 mai une fête de l'avilissement et de la xénophobie ?
Avant que je ne réponde à cette question, il faut, avant tout, bien faire comprendre que les Américains musulmans tiennent à la liberté d'expression et ne souhaitent, en aucun cas, réprimer l'instinct créatif des dessinateurs, comédiens ou autre personne.
La communauté américano-musulmane traditionnelle, y compris ma propre organisation, le Conseil des relations américano-islamiques (CAIR), a aussi fermement désavoué les quelques membres d'une frange fanatique associée au site web RevolutionMuslim.com qui, au début, est apparue pour menacer les créateurs de South Park. Ce groupe, dont les origines et la composition ont été contestées par de nombreux musulmans, n'a absolument aucune crédibilité au sein de la communauté américano-musulmane.
Tout comme de nombreux musulmans, j'ai été étonné de voir les médias diffuser l'opinion de quelques individus marginaux et parallèlement ignorer les centaines de mosquées et d'institutions musulmanes dont les représentants auraient pu offrir une perspective traditionnelle.
Il faudrait ensuite s'interroger sur la façon dont le Prophète Muhammad lui-même aurait réagi face à des attaques personnelles.
Les traditions islamiques montrent un certain nombre de cas dans lesquels le Prophète aurait eu l'occasion de répondre à ceux qui l'avaient injurié; il s'est abstenu de le faire. Il a déclaré : « Vous ne faites pas de mal à ceux qui vous en font mais vous les traitez avec pardon et bonté. » Un verset du Coran dit au Prophète de « pardonner (Ô Muhammad ) et d'enjoindre la bonté et de se détourner de l'ignorance » (s. 7, v. 199).
Ce sont ces conseils que les musulmans devraient suivre lorsqu'ils se montrent inquiets face à la représentation offensante du Prophète Muhammad ou de tout autre prophète de Dieu.
Au lieu de réagir négativement à l'appel sectaire qui vise à soutenir « le jour où tout le monde dessine Muhammad (Mahomet) », les Américains musulmans (et les musulmans du monde entier) devraient faire du 20 mai, et de tous les autres jours de l'année, une occasion pour aller vers des personnes de confessions et croyances différentes, afin de construire des passerelles de compréhension et de respect.
La meilleure et la plus efficace des réponses face aux campagnes sectaires comme « la journée où tout le monde dessine Muhammad (Mahomet) » est une plus grande communication, et non le contraire − et non en limitant la libre circulation d'idées avec des mesures comme l'interdiction de Facebook.
Une étude, dont un sondage Gallup réalisé en 2010 destiné à évaluer l'attitude des Américains envers les musulmans, a montré que les préjugés anti-islamiques peuvent diminuer lorsque les gens interagissent avec des musulmans ordinaires et lorsqu'ils ont une meilleure connaissance de l'islam.
Ainsi, la meilleure réponse à ceux qui se moqueraient du Prophète Muhammad (ou de chefs et symboles religieux d'autres confessions) pourrait bien être d'organiser une journée portes ouvertes à la mosquée pour la communauté locale, une activité de service communautaire organisée par des musulmans et impliquant des personnes d'autres confessions ou un commentaire journalistique décrivant la vie, l'héritage et la personnalité du Prophète, à l'opposé de la calomnie que certains formulent à son encontre.
Nous sortirons tous gagnants si chacun d'entre nous − musulmans, juifs, chrétiens, bouddhistes ou hindous − fait montre d'une simple décence humaine requise par nos fois respectives.
* Nihad Awad est directeur exécutif du Conseil des relations américano-islamiques (CAIR), groupe politique et de défense des droits civils américano-musulman. Première parution en anglais, le 19 mai 2010, à lire dans son intégralité sur www.cair.com
En réponse à la récente controverse sur la représentation de Muhammad, Prophète de l'islam, dans un épisode de la série d'animation télévisée South Park sur la chaîne de télévision Comedy Central, une dessinatrice basée à Seattle, Molly Norris, a créé un poster humoristique représentant des portraits supposés ressembler au Prophète.
Depuis, elle s'est tenue à l'écart de l'événement, déclarant qu'elle n'avait jamais eu l'intention de lancer « la journée où tout le monde dessine Muhammad (Mahomet) ». Et elle a posté une déclaration sur son site Internet où l'on peut lire, en partie, ces mots : « Je N'AI PAS proclamé que le 20 mai devait être ''le jour où tout le monde dessine Muhammad". Le poster humoristique avec un faux ''groupe'' derrière lui est devenu viral et a été pris au sérieux... La virulence que cette ''journée'' a fait ressortir chez des personnes qui ne cherchent qu'à faire des dessins obscènes constitue une insulte pour les musulmans qui n'ont rien fait au départ pour mettre en péril notre liberté d'expression... Je présente mes excuses à la foi musulmane et je demande que ce "jour" soit arrêté. »
Jon Wellington, le créateur d'une page Facebook dédiée à ladite journée, a également condamné les « courriers provocateurs » qu'elle a inspirés. « Je suis effaré que tant de personnes postent des dessins profondément injurieux représentant le Prophète. »
Malgré les tentatives apparemment sincères de Molly Norris et de Jon Wellington pour se distancier de l'événement, les ennemis des musulmans et les islamophobes ont fait en sorte que la demande de « dessins de Muhammad » se propage sur Internet. La plupart des musulmans estiment que les représentations visuelles de prophètes sont inconvenantes, risquant de détourner les hommes du culte de Dieu et même de les conduire à l'idolâtrie, qui est interdite dans l'islam.
Comment donc les musulmans et autres Américains devraient-ils réagir face à cette dernière tentative menée par les semeurs de haine, qui consiste à exploiter ce précieux droit qu'est la liberté d'expression et de faire du 20 mai une fête de l'avilissement et de la xénophobie ?
Avant que je ne réponde à cette question, il faut, avant tout, bien faire comprendre que les Américains musulmans tiennent à la liberté d'expression et ne souhaitent, en aucun cas, réprimer l'instinct créatif des dessinateurs, comédiens ou autre personne.
La communauté américano-musulmane traditionnelle, y compris ma propre organisation, le Conseil des relations américano-islamiques (CAIR), a aussi fermement désavoué les quelques membres d'une frange fanatique associée au site web RevolutionMuslim.com qui, au début, est apparue pour menacer les créateurs de South Park. Ce groupe, dont les origines et la composition ont été contestées par de nombreux musulmans, n'a absolument aucune crédibilité au sein de la communauté américano-musulmane.
Tout comme de nombreux musulmans, j'ai été étonné de voir les médias diffuser l'opinion de quelques individus marginaux et parallèlement ignorer les centaines de mosquées et d'institutions musulmanes dont les représentants auraient pu offrir une perspective traditionnelle.
Il faudrait ensuite s'interroger sur la façon dont le Prophète Muhammad lui-même aurait réagi face à des attaques personnelles.
Les traditions islamiques montrent un certain nombre de cas dans lesquels le Prophète aurait eu l'occasion de répondre à ceux qui l'avaient injurié; il s'est abstenu de le faire. Il a déclaré : « Vous ne faites pas de mal à ceux qui vous en font mais vous les traitez avec pardon et bonté. » Un verset du Coran dit au Prophète de « pardonner (Ô Muhammad ) et d'enjoindre la bonté et de se détourner de l'ignorance » (s. 7, v. 199).
Ce sont ces conseils que les musulmans devraient suivre lorsqu'ils se montrent inquiets face à la représentation offensante du Prophète Muhammad ou de tout autre prophète de Dieu.
Au lieu de réagir négativement à l'appel sectaire qui vise à soutenir « le jour où tout le monde dessine Muhammad (Mahomet) », les Américains musulmans (et les musulmans du monde entier) devraient faire du 20 mai, et de tous les autres jours de l'année, une occasion pour aller vers des personnes de confessions et croyances différentes, afin de construire des passerelles de compréhension et de respect.
La meilleure et la plus efficace des réponses face aux campagnes sectaires comme « la journée où tout le monde dessine Muhammad (Mahomet) » est une plus grande communication, et non le contraire − et non en limitant la libre circulation d'idées avec des mesures comme l'interdiction de Facebook.
Une étude, dont un sondage Gallup réalisé en 2010 destiné à évaluer l'attitude des Américains envers les musulmans, a montré que les préjugés anti-islamiques peuvent diminuer lorsque les gens interagissent avec des musulmans ordinaires et lorsqu'ils ont une meilleure connaissance de l'islam.
Ainsi, la meilleure réponse à ceux qui se moqueraient du Prophète Muhammad (ou de chefs et symboles religieux d'autres confessions) pourrait bien être d'organiser une journée portes ouvertes à la mosquée pour la communauté locale, une activité de service communautaire organisée par des musulmans et impliquant des personnes d'autres confessions ou un commentaire journalistique décrivant la vie, l'héritage et la personnalité du Prophète, à l'opposé de la calomnie que certains formulent à son encontre.
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