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Copé, Morano, Royal : têtes à claque de l'année 2012

 Pierre Dupuis
Vendredi 28 Décembre 2012

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Le conflit Copé / Fillon
« Dans les temps de tromperie universelle, dire la vérité devient un acte révolutionnaire »
Georges ORWELL

Le lamentable et dérisoire spectacle qu’ont donné pendant un bon mois Copé et Fillon a pris une telle envergure médiatique qu’il ne concerne plus seulement les protagonistes, mais l’ensemble de la société française, et exige qu’un responsable socialiste sorte de sa réserve pour analyser une situation qui relève de la pathologie politique. Aucun des deux ne semble mesurer à quel point les coups échangés, sur le ton de l’invective et de l’insulte, laisseront des traces durables dans l’opinion, en disqualifiant d’abord les deux champions qui apparaissent manifestement dévorés par la seule ambition personnelle, et par là dénués de tout sens de l’intérêt général. Faut-il encore rappeler qu’ils prétendent diriger la France ?...

S’il s’agissait seulement du sort de l’UMP, je pourrais laisser couler le Titanic, sabordé par les deux capitaines, sans trop de regrets… Mais il y a plus grave : dans cette atmosphère crépusculaire, pour la droite, c’est une tragédie qui se joue : pas seulement entre deux hommes ou deux clans, tétanisés par les enjeux personnels, et aveuglés par la haine, mais pour la démocratie elle-même. Ce spectacle est scandaleux. Il met à mal les représentations mêmes de l’idéal démocratique : la possibilité, par la parole, avec sincérité et loyauté, de s’accorder en ménageant la possibilité à l’autre d’avoir au moins partiellement raison, et en visant un compromis.

Ici, le verbe est brutal, tranchant, définitif. Il a le son rauque de l’invective, de l’insulte. « Casse-toi, pauvre con ! » semblent-ils se dire, en écho aveugle au maître qui les a initiés en la matière. Mais le vrai maître en l’occurrence, hélas, se tient en marge de la sinistre pièce qui se joue, et il jubile, avec Marine.

On aurait donc tort de croire que cela n’est qu’un symptôme d’une fièvre passagère, opposant deux caractères, deux stratégies, deux égoïsmes. Dans ce climat délétère, pour la droite, c’est une autre ombre qui se donne à voir : celle d’une droite « décomplexée », assumée certes plus par Copé que Fillon, et qui constitue l’héritage sarkozyste de ce Brutus qui tente de passer pour le gendre idéal… Pour qui n’est pas aveuglé par les sunlights de la société du spectacle, et rendu sourd par les commentaires en boucle de nombre de médias (« psy-cho-dra-me », vous dis-je…), cette ombre est celle de la haine, de la violence, du refus de tout compromis : c’est celle de l’extrême-droite. Le conflit, qui oppose deux egos, manifeste donc aussi une véritable fracture politique : celle d’une droite classique, globalement attachée aux valeurs de la République, menée par Fillon, le petit père-tranquille de la droite néo-gaulliste, et celle d’une droite « décomplexée », qui lorgne sans retenue vers les voix – donc les thèmes – du Front national, et prépare clairement en sous-main des formes d’alliance, demain, avec le parti xénophobe.

Qu’est-ce que la droite « décomplexée » ? Celle qui, en effet, n’a plus aucune, ou presque, inhibition, retenue, et lorgne - petit pain au chocolat oblige - vers les troupes, donc les thèmes, de Le Pen. Une droite agressive, sans tabous en effet, pour qui la parole est d’abord arme de destruction massive de l’autre, qui triche, manipule, ment, sans vergogne, avec la tranquille assurance de celui « qui ne fait plus de complexes ». Cette pantalonnade a duré un mois. Et les enjeux dépassent de très loin les deux chefaillons qui se volent dans les plumes, à insultes et mensonges rabattus.

En s’engageant derrière Copé, ceux des militants et des élus UMP qui le font devront, devant tous les français, assumer la responsabilité d’un tel choix : entraîner la droite elle-même dans un pacte avec le diable, dont l’histoire nous a hélas montré qu’elle menait toujours au pire. Mû par l’ambition personnelle, Copé est en train de découvrir son vrai visage : celui d’un dangereux aventurier. Il est temps, pour les français, que les masques tombent, en effet.

Pierre Dupuis
Professeur de philosophie
Secrétaire du Parti Socialiste, Meaux
Membre du Conseil fédéral de Seine-et-Marne