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Un homme du monde, ou une icône mondaine?
Nous avons une fois de plus la démonstration de l'inconséquence avec laquelle les médias imposent à l'opinion publique une vision illusoire de l'Histoire autour de héros populaires rendus plus séduisants encore qu'ils ne le sont en réalité. Pourtant, tout le monde peut aujourd'hui accéder par Internet à des centaines de documents officiels sur la genèse de la Déclaration universelle des droits de l'homme, sur son comité de rédaction, sur ses débats et les conditions de son adoption. Aucun document de l'époque ne mentionne le nom de Stéphane Hessel. Et pour cause : il est alors le modeste chef de cabinet de l'un des huit secrétaires généraux adjoints de l'ONU, le Français Henri Laugier, chargé des affaires économiques et sociales, qui ne faisait pas partie du comité chargé de rédiger la Déclaration. Faute de Laugier, d'innombrables articles de presse évoquent le rôle de Stéphane Hessel " au côté" de René Cassin qui fut réellement, lui, l'un des principaux auteurs de la Déclaration. D'autres le placent carrément "à la droite" d'Eleanor Roosevelt, l'épouse du président des Etats-Unis, qui présidait le comité de rédaction. Ces deux proximités sont aussi dénuées de fondement l'une que l'autre : Stéphane Hessel n'a jamais siégé aux côtés ni de l'un ni de l'autre aux réunions du comité. Comment et quand est née la légende de la participation personnelle de Stéphane Hessel à la Déclaration ? Y a-t-il lui-même contribué ? Il est encore difficile de le déterminer avec précision. TÉMOIN MAIS PAS ACTEUR Ce qui est sûr, c'est que soixante ans après son adoption, il a prudemment et habilement circonscrit son véritable rôle. Interviewé le 10 décembre 2008 sur un site de l'ONU, il a déclaré : " J'étais en contact permanent avec l'équipe qui a rédigé la Déclaration. J'assistais aux séances et j'écoutais ce qu'on disait, mais je n'ai pas rédigé la Déclaration... J'ai été témoin de cette période exceptionnelle." Autrement dit, témoin mais pas acteur. Il l'a confirmé deux ans plus tard, le 3 janvier 2011, dans un entretien avec Politis. " C'est l'occasion pour moi de revenir sur deux idées fausses. La première est que j'aurais fait partie du Comité national de la Résistance. (...) L'autre erreur est de m'accorder le rôle de corédacteur de la Déclaration universelle des droits de l'homme. (...) J'ai assisté à sa rédaction de très près et de bout en bout. Mais de là à prétendre que j'en aurais été le corédacteur !" Ces deux textes sont accessibles sur Internet, tout comme un entretien avec Simon Boquet publié en 2012 par la revue Texto dans lequel il récuse une fois de plus ce titre de coauteur de la Déclaration pour parler seulement de "ce travail auquel j'ai été très modestement associé". Tout le monde a pu les lire, mais pratiquement personne n'en a tenu compte. Trop compliqué de corriger les erreurs, peut-être ? Pour être tout à fait honnête, il faudrait sans doute évoquer aussi les centaines d'articles évoquant au cours de décennies la Déclaration des droits de l'homme et dans lesquels Stéphane Hessel manie des formules beaucoup plus ambiguës sur son rôle sans contester celui plus flatteur qu'on lui prêtait. Mais la sympathie me porte à penser qu'il est trop tôt pour un tel inventaire. Le Monde consacre une application Mémoire à Stéphane Hessel, disparu le 27 février 2013. Cette application rassemble les meilleurs articles publiés par Le Monde sur Stéphane Hessel.
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