Guinée en état de siège: exactions de militaires, 112 tués depuis janvier
auteur AFP
la Guinée en état de siège a connu mercredi une nouvelle journée de violences alors que l'armée a désormais tous les pouvoirs pour stopper une contestation du président Lansana Conté qui a fait au moins 112 morts depuis début janvier. Les forces de l'ordre ont tué au moins huit personnes, dont 4 dans la nuit de mardi à mercredi, depuis l'instauration lundi soir de l'état de siège par le président Conté au pouvoir depuis 23 ans et qui a expliqué vouloir ainsi éviter une "guerre civile". La dégradation rapide de la situation dans ce pays d'Afrique de l'ouest de 9,4 millions d'habitants, premier exportateur mondial de bauxite, suscitait de vives inquiétudes au sein de la communauté internationale. La France devait envoyer mercredi soir dans le golfe de Guinée un navire transporteur de chalands de débarquement pour renforcer son dispositif maritime "par mesure de précaution".
Une soixantaine de ressortissants américains, bloqués à Conakry ces derniers jours, sont arrivés mardi soir au Sénégal à bord d'un avion américain dépêché sur place, tandis qu'un appareil de l'armée de l'air marocaine a rapatrié mercredi 90 Marocains établis en Guinée qui souhaitaient rentrer dans leur pays à cause des violences.
Mercredi, dans les rues désertées de Conakry, les militaires continuaient de patrouiller et des blindés étaient postés aux endroits stratégiques. Le centre de la capitale, et notamment le camp militaire Samory où réside le président Conté, est toutefois resté calme, comme la province, où aucun incident grave n'avait été signalé mercredi à la mi-journée. Mais dans la banlieue de Conakry, les témoignages se sont multipliés sur les exactions de militaires, avec notamment des vols de téléviseurs, de téléphones portables et d'argent lors de perquisitions aux domiciles de particuliers.
"Nous avons été humiliés ma femme et moi par une dizaine de militaires qui se sont attaqués à nous. Ils m'ont demandé de l'argent", a expliqué encore sous le choc Salifou, un retraité. "Ils m'ont dit que si je ne donnais pas la télévision, ils vont prendre ma fille. J'ai appris qu'une femme avait été violée par des militaires ce matin dans le quartier. J'ai alors offert gratuitement ma télévision", a-t-il ajouté.
Le chef de l'Etat a décrété l'état de siège, avec un couvre-feu très sévère de 18h00 sur 24h00 et la suspension de nombreuses libertés fondamentales, quelques heures après que syndicats et opposition ont repris lundi un mouvement de grève générale illimitée pour exiger son départ immédiat. Le chef d'état-major des armées Kerfalla Camara a précisé mardi soir que "tous les lieux publics" étaient fermés "jusqu'à nouvel ordre" et ajouté l'interdiction des "manifestations de tous genres (...) réunions publiques et privées de quelque nature que ce soit, exception faite des offices religieux dans les lieux de culte".
"En cas de résistance, de menace ou d'attaque, les patrouilles, en légitime défense, peuvent faire usage de leurs armes" mais "toute violence non justifiée sera sanctionnée conformément au règlement militaire", a-t-il ajouté. Lundi, les locaux d'une radio privée, FM Liberté, avaient été saccagés par des membres de la garde présidentielle qui avaient arrêté un journaliste et un technicien.
Les deux hommes ont été remis en liberté mercredi, à la suite d'interventions notamment du président de l'Assemblée nationale, Aboubacar Somparé. Le Programme alimentaire mondial (PAM) a par ailleurs annoncé mercredi un nouveau pillage, mardi, dans un de ses entrepôts en Guinée, évaluant à environ 850.000 dollars US l'aide alimentaire volée depuis le 10 février.
La situation en Guinée a suscité depuis mardi des réactions de réprobation, du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, de la Commission européenne, du Bureau international du travail (BIT), de la Confédération syndicale internationale (CSI) et d'Amnesty international.
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