Pillages et chants à la gloire du Hamas à Gaza
Un drapeau du Hamas flotte sur un QG de sécurité fidèle au Fatah.
Gaza
Sous un ciel azur, le drapeau vert du Hamas flotte sur le toit du désormais ex-complexe de la présidence palestinienne à Gaza alors qu'à l'intérieur et autour du bâtiment, des membres du Hamas s'affairent, emportant voitures et ordinateurs, leur «butin de guerre».
Des combattants, qui se sont emparés vendredi avant l'aube du complexe appelé «Mountada», après avoir rencontré peu de résistance, célèbrent leur victoire. Ils entonnent des chants à la gloire du Hamas et tirent en l'air.
L'un d'entre eux sort de la porte principale, un écran d'ordinateur dans les bras, un autre des documents et des armes. À l'intérieur, les murs portent les traces des combats, le mobilier est renversé.
À l'entrée du site, sur le front de mer, des dizaines de curieux, partisans du Hamas, se sont rassemblés pour saluer la victoire de leurs «héros» face aux partisans du parti Fatah, qualifiés de «collaborateurs des Américains et d'Israël».
«On s'est débarrassé des traîtres, on s'est débarrassé des traîtres», lance Ahed Ramlawi, 45 ans, en brandissant un drapeau vert, couleur de l'islam, au passage des véhicules blindés kaki et des jeeps dont les activistes de la branche armée du Hamas se sont emparés.
Soucieux de ne pas apparaître comme encourageant les pillards après la victoire, le Hamas a posté plusieurs de ces hommes devant la résidence du président Mahmoud Abbas à Gaza pour éviter qu'elle ne soit prise d'assaut.
Celle de Mohammed Dahlane, l'ex-homme fort du Fatah dans la bande de Gaza et la bête noire du Hamas, a connu un tout autre sort. Tôt le matin, la villa cossue a été entièrement pillée par des dizaines de Palestiniens qui s'y sont rués, selon un correspondant de l'AFP sur place.
Les pillards ont emporté des meubles, même des éviers, des robinets et des pots de fleurs. Plusieurs autres villas de responsables du Fatah, en fuite ou arrêtés, ont connu le même sort.
«C'est normal. Ce que les gens prennent dans les lieux contrôlés désormais par les combattants du Hamas sont des butins de guerre. Et de toute façon, tout cet argent sent mauvais», dit Atef Herzallah, 37 ans.
Gesticulant, il ajoute en toute conviction: «Ils torturaient des gens dans ces quartiers généraux. Nous devons les détruire».
Tout près, les pillards se sont aussi attaqués à un petit complexe touristique, composé de bungalows sur le front de mer, où venaient jadis des responsables de l'Autorité palestinienne pour se détendre. Tout a aussi été emporté ici: fenêtres, portes en bois, robinets, meubles et même les ampoules.
Dans le quartier de Tal al-Hawa (colline du vent), rebaptisé Tal al-islam (colline de l'islam) par le Hamas, les habitants recommencent timidement à sortir.
Des combats ont opposé ici jeudi des membres de la Sécurité préventive, les ennemis jurés du Hamas, aux membres du mouvement islamiste. Après des heurts acharnés ayant fait 14 tués et 70 blessés, le Hamas s'est emparé du complexe clé.
Groggy, les yeux rouges de fatigue, Salah Jouda déambule dans les rues pour se rendre compte de la situation. «Ce qui se passe à Gaza est une farce et une honte. Ils n'ont d'autres objectifs que de détruire ce qui appartient au peuple palestinien», lâche-t-il.
D'autres habitants de Gaza, une enclave pauvre de 362 km2 où s'entassent 1,5 million de Palestiniens, craignent que la prise du territoire par les islamistes ne soit qu'une victoire à la Pyrrhus.
«Nous avons détruit la cause palestinienne et le rêve d'un État palestinien», se lamente Abou Saïd, 45 ans, un habitant du miséreux camp de réfugiés de Chatti. «Maintenant, il y a un État à Gaza contrôlé par le Hamas et un État en Cisjordanie contrôlé par le Fatah».