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La liberté de la conscience obligatoire (info # 012904/7) [Analyse]
Par Masri Feki © Metula News Agency
L’Etat égyptien est signataire de multiples chartes et pactes internationaux, mais, force est d’admettre que ses engagements restent souvent lettre morte. Le régime égyptien laisse fréquemment entendre que la liberté de croyance et d’opinion est parfaitement respectée par ses instances, c’est pourtant un tribunal militaire, soumis à l’autorité directe du chef de l’Etat, qui a pris l’initiative de poursuivre l’écrivain Alaa Hamed, en 1993 et de le condamner à huit ans de prison pour blasphème. Ce, en contradiction flagrante avec les provisions du paragraphe sur les libertés de croyance et d’expression de la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations unies de 1948, dont l’Egypte est signataire.
Aujourd’hui encore, des intellectuels de toutes tendances sont réprimés par le pouvoir. Certains sont contraints de s’exiler, d’autres sont arrêtés et déchus de leurs droits civiques. Dans cette dynamique, Al-Azhar (le Caire), première instance représentative de l’islam sunnite dans le monde, proclame ouvertement une guerre sans merci contre ceux qui critiquent la charia (la loi islamique). Cette institution islamique vise à interdire leurs publications, leurs films ou leurs spectacles théâtraux. Il lance des anathèmes contre leurs opposants, notamment contre les laïcs, les qualifiant d’athées et d’apostats, des accusations ayant des conséquences directes sur leurs droits civils.
Par exemple, un athée ou un apostat n’a pas le droit de se marier. Ce fut notamment la sanction qui frappa le professeur Abou-Zeid, contre lequel un groupe d’islamistes avait intenté un procès en apostasie, réclamant du tribunal qu’il le sépare de sa femme, au motif qu’un apostat ne peut prétendre à l’union conjugale. Cette affaire aboutit à la cour de cassation, laquelle donna raison aux islamistes dans une décision du 5 août 1996. Le couple susmentionné a dû se réfugier aux Pays-Bas, de peur d’être assassiné, puisque la loi islamique punit l’apostasie de mort.
C’est en vertu de cette norme, qui ne figure pas dans le code pénal égyptien, que le penseur laïc Farag Fodah a été abattu le 7 juin 1992 par un islamiste. Auparavant, Al-Azhar avait porté plainte contre lui, et le gouvernement l’avait placé en résidence surveillée. Les Frères musulmans rejettent la responsabilité de ces violences sur le gouvernement et les médias, pour avoir laissé « le champ libre à des écrivains laïcs ». L’assassin de Farag Fodah a indiqué, lors de l’enquête, que le cheikh Omar Abdel-Rahman, figure de proue du mouvement islamiste Al-Djihad, réfugié aux Etats-Unis, avait déclaré licite « de faire couler le sang de tous ceux qui s’opposent à la loi islamique ». Le 22 juin 1993, la défense de l’assassin fit appel à deux autorités religieuses pour témoigner devant la Cour suprême égyptienne de la sûreté de l’Etat : le célèbre cheikh Mohamed Al-Ghazali et le professeur Ahmed Mazruah, de l’Université Al-Azhar. Tous deux y ont justifié l’assassinat [1].
En réalité, la liberté de conscience, dont se vante le régime de Hosni Moubarak, est une liberté à sens unique : liberté des non-musulmans d’entrer dans l’islam, tandis que le contraire est considéré comme une « violation de la constitution et de l’ordre général ». Ainsi, « un tribunal administratif égyptien a transformé la conversion à l’islam en véritable piège », affirme le site arabe réformiste Aafaq.org dans un éditorial publié le 26 avril 2007. Ce, après que le tribunal administratif égyptien ait rejeté la demande de citoyens chrétiens, dernièrement convertis à l’islam, de retourner à leur religion d’origine ; certains d’entre les demandeurs ont déclaré avoir été convertis sous les pressions sociales (armée, travail, mariage…). Le tribunal a expliqué son rejet par le fait que l’apostasie, même de convertis qui désirent retourner à leur religion d’origine, constitue « une violation de la constitution et de l’ordre général ».
En Egypte, 45 personnes, nées de confession chrétienne et converties à l’islam à un moment donné de leur vie, se battent aujourd’hui pour que l’Etat leur accorde le droit de revenir au christianisme et d’inscrire leur religion d’origine sur leurs documents officiels. D’autres, nés musulmans, sont sévèrement réprimés par le régime, qui se dit laïc et respectueux des libertés individuelles, pour avoir critiqué la politique religieuse de l’Etat et l’université islamique d’Al-Azhar. C’est le cas du bloggeur Karim Amer - Abdelkarim Nabil de son vrai nom -, qui a été condamné, le jeudi 22 février 2007, au tribunal d’Alexandrie, à trois ans de prison ferme pour avoir accusé Al-Azhar de semer la haine et l’intolérance dans les esprits de ses étudiants. Karim Amer a été condamné à une quatrième année de détention pour diffamation contre le président de la République : sur son blog, Karim avait, en effet, qualifié le président Moubarak de dictateur. Certains ont vu dans cette critique la raison principale de son jugement.
Mais en quoi le fait de changer de religion, ou de revenir sur une conversion, est-il menaçant pour un régime politique ? Tout semble indiquer que le régime, qui craint moins les protestations de la société civile que les bombes islamistes, n’a pas de véritable politique sécuritaire à long terme. Son seul objectif précis est d’écarter les Frères musulmans, dont le caractère contestataire est inacceptable, de la vie politique, au prix d’une islamisation croissante de l’institution républicaine.