Nous ne sommes plus qu’à quelques jours d’un vote qui aura très certainement des conséquences très importantes sur l’Europe, ses citoyens et ses résidents, quel que soit le résultat de ce référendum.
Il est visiblement impossible de dire si le « oui » ou le « non » l’emportera même si le traitement médiatique de ce référendum est très largement en faveur du « oui »…
Les raisons ne manquent pas, souvent bonnes d’ailleurs, pour voter pour l’un ou l’autre des camps. Il y a des raisons tant économiques que culturelles, ethniques, cultuelles et même sociales.
Ce qui nous intéresse présentement a trait à la religion et plus particulièrement à la liberté de culte. Nombreux parmi les croyants pratiquants juifs, chrétiens et musulmans qui pensent que la Constitution européenne qui nous est proposée va assurer une plus grande liberté de culte. Ceux-là pensent même que ce projet de Constitution permettra notamment de revenir sur une conception de la laïcité pour le moins extrême et de plus en plus intolérante vis-à-vis des religions et des croyants qui nous a conduit récemment à cette fameuse loi contre le voile.
D’aucuns doivent même espérer l’établissement d’une situation à la britannique où le principe de la liberté de culte est certes très différent de celui de la France. Même si l’on peut comprendre ces réactions et ces raisonnements, il nous faut les tempérer pour ne pas dire les combattre.
L’attrait que certains ont pour cette Constitution n’est pas sans nous rappeler l’attrait que certains ont pour Nicolas Sarkozy qui s’est tant présenté comme un ami de toutes les religions et qui aurait « tant fait » notamment pour les musulmans de France. Pourtant la réalité est toute autre !
La Constitution européenne contient quelques belles promesses mais ce ne sont malheureusement que des promesses, d’ailleurs peu nombreuses. Pour qui a suivi les débats et s’est penché un minimum sur le texte, il ne fait pas de doute que l’essentiel de cette Constitution est centré sur l’économie de marché et la libre concurrence.
Mais allons dans le sens des partisans du « oui » et admettons que la Constitution européenne permette réellement une véritable liberté de culte, ce qui serait à démontrer. Admettons également que ceux et celles qui sont contre cette Constitution soient majoritairement des extrémistes de gauche et de droite et des laïquars jusqu’au boutiste, ce qui est faux, nous le savons.
Tout d’abord, nous devons être réalistes, il ne va pas y avoir de miracle. Les esprits ne vont pas changer comme par magie même avec l’appui de cette Constitution et « sa rédaction si belle », pour reprendre les propos de Ségolène Royale. Ceux et celles qui détestent les Arabes, les Juifs et qui ont généralement peur des religions et notamment de l’Islam ne vont pas soudainement faire preuve de tolérance et de grandeur d’âme.
Les nostalgiques de la colonisation et les extrémistes laïcs de tous poils ne vont pas changer leur fusil d’épaule du jour au lendemain uniquement parce que la Constitution européenne aurait été adoptée par l’ensemble des Etats membres !
Ceux des médias et les « croisés médiatiques » qui font aujourd’hui la chasse « aux signes ostentatoires », à l’Islam et aux Tariq Ramadan ne vont pas se réveiller soudainement avec un cœur et un esprit empreints de tolérance et d’ouverture !
Voter « oui » ne changera rien de tout cela.
Mais admettons tout de même que la nouvelle Constitution permette d’abroger la loi interdisant le voile et qu’elle empêche le vote de toute nouvelle loi pouvant porter atteinte à la liberté de culte. Ainsi chacun sera-t-il libre de porter un voile, un turban, une kippa, une croix, une étoile de David etc. Admettons encore que cette Constitution laisse chacun libre de vivre sa religion comme il le souhaite dans le respect des lois.
Admettons également que chaque culte puisse s’organiser comme il le souhaite sans intervention extérieure toujours dans le respect des lois.
Mais à quoi bon de telles libertés si nous vivons dans une société qui écrase les faibles. Qui sont les plus défavorisés ? Les plus faibles et les plus pauvres qui appartiennent le plus souvent aux dernières vagues d’immigration. Ce sont ceux également qui n’ont pas la peau blanche ou en tout cas pas suffisamment blanche. Ce sont également ceux qui n’ont pas des noms « bien de chez nous », qui parlent avec un accent, qui ont des coutumes différentes de l’occidental et plus généralement de l’homme blanc.
Ne nous faisons pas d’illusion. Que pouvons-nous attendre d’une Constitution qui accorde une totale indépendance à la Banque Centrale Européenne, situation qui n’existe nulle part ailleurs pas même aux USA ?
Que pouvons-nous réellement attendre d’une Constitution dont les principaux objectifs sont « un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée », « une croissance économique équilibré et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social… » ?
À défaut de pouvoir lire l’intégralité de la Constitution européenne qui nous est proposée, il est tout de même possible de lire les premiers articles ainsi que les différentes analyses faites dans les médias (en se reportant aux articles cités). Et nous constatons l’omniprésence de l’économie dans ce texte.
Par quel miracle les nombreux exemples de licenciement et de délocalisation que nous avons aujourd’hui vont-ils disparaître ? Comment cette Constitution va-t-elle convaincre le MEDEF et les entreprises, qui recherchent aussi « une croissance économique équilibrée », qu’il faut soudainement changer de politique et « tendre au plein emploi et au progrès social » ?
Qu’attendre d’une Constitution où l’on ne fait référence qu’à la déclaration européenne et non universelle des droits de l’Homme et qui de ce fait ne reprend aucun droit collectif ?
Qu’attendre d’une Constitution qui vise à faire disparaître les services publics au profit des « services d’intérêt économique général » ?
Que peut-on attendre d’une Constitution qui ne garantit pas le « droit au travail » mais le « droit de travailler » ?
Alors peut-être que les femmes qui le voudront pourront porter le voile, les hommes pourront porter le turban, la kippa et la croix et chacun pourra organiser son culte à sa manière. Mais tout ça à quel prix ?
Qui souffrira donc le plus de cette Europe que l’on nous promet ? Depuis quelques années nous assistons à un recul incroyable sur des acquis sociaux qui furent si difficiles à obtenir et pour lesquels un grand nombre de personnes ont donné leur vie.
Évidemment cela paraît simpliste de dire que les pauvres son de plus en plus pauvres et les riches de plus en plus riches. Mais que voyons-nous autour de nous et dans la rue ? Les SDF, les mendiants et les chômeurs ne sont pas le fruit de notre imagination !
Le plus important est-il d’avoir une Constitution dont les fondements sont l’économie de marché ou une Constitution qui garantisse des droits et protége les plus faibles d’entre nous ?
Il est également très important de rappeler que quel, que soit le texte en cause, l’important c’est l’interprétation. C’est elle qui fera le texte. La laïcité telle qu’elle nous est présentée ces dernières années n’a rien à voir avec le principe de laïcité tel qu’il a été défini il y a maintenant un siècle.
La loi sur le voile et tous les débordements qui en découlent, que les médias ne relayent pas, ont été voulus non pas parce que la laïcité était en danger mais pour stigmatiser une communauté et une religion que l’on ne connaît pas et qui fait peur.
Certains votent « oui » pour la liberté cultuelle qu’apporterait la Constitution, d’autres votent « oui » parce que la Constitution ne remet pas en cause le principe de laïcité à la française. Alors que voter ?
Les défenseurs de la liberté de culte font une grave erreur en ignorant la ghettoïsation sociale que nous promet la Constitution européenne et qui n’empêchera certainement pas la ghettoïsation religieuse.
On ne peut accepter de défendre une liberté en en sacrifiant d’autres.