Haletant. C’est le mot qui s’applique le plus justement à ce polar aux nombreux rebondissements, alternant tour à tour situations cocasses ou dramatiques. Et le sujet, footballistique, est bel et bien d’actualité. Le Mondial allemand bat son plein et en arrive bientôt à son dénouement, drainant des foules cosmopolites et passionnées. Ces foules ont-elles toutes conscience de ce qui se trame autour des joueurs et des stades ? Les accointances du milieu du football avec celui de l’argent, des médias voire même politique sont nombreuses et bien établies. Autour des joueurs, on trouve aussi les agents, l’encadrement des clubs, mais aussi les familles ou les supporters. Ajouté à cela, la pression, l’obligation de résultat et la volonté de percer.
C’est autour de tout cela que Pierre Cherruau et Claude Leblanc, journalistes à l’hebdomadaire Courrier International et respectivement spécialistes de l’Afrique et de l’Asie, ont choisi de nouer leur intrigue. Les chapitres, courts, se suivent à un rythme saccadé, les personnages sont attachants et l’intrigue est nouée de telle manière que, jusqu’au bout, jusqu’au dénouement final, elle ne laisse rien transparaître de la vérité révélée en épilogue. Bref, un ouvrage réaliste qui donne à réfléchir.
Saphirnews a du reste voulu donner la parole aux auteurs, qui se sont prêtés au jeu des questions-réponses.
Saphirnews a du reste voulu donner la parole aux auteurs, qui se sont prêtés au jeu des questions-réponses.
Saphirnews.com : Pourquoi avez-vous choisi la fiction et en particulier le roman policier pour traiter du foot business ?
Pierre Cherruau : La fiction permet souvent de traiter les sujets plus en profondeur. On peut mettre à nu les mécanismes de fonctionnement de la société. D'autre part, on peut aller très loin dans la description d'un système sans craindre d'être poursuivi pour diffamation. On se sent plus libre.
Claude Leblanc : Il est parfois plus facile d'aborder un sujet délicat à travers la fiction plutôt que de se lancer dans un essai. Je pense quon peut sensibiliser les lecteurs en utilisant des personnages fictifs qui, au travers de leurs aventures, sont en mesure de mettre le doigt sur des problèmes bien réels. La question du foot business a été abordé dans de nombreux ouvrages comme celui dAndrew Jennings, "Carton rouge", paru dernièrement. Même si ces livres sont très intéressants, ils sont souvent rédigés de façon un peu abrupte et sèche, chiffres à l'appui, et s'adressent finalement à un public déjà convaincu ou averti. Avec un roman, on touche un public plus large tout en dénonçant des dérives dangereuses dans le football. Mais avec un roman, ça passe mieux.
Saphirnews.com : A votre avis, comment se fait-il que, malgré l'intrusion massive de l'argent et du business dans le football, ce sport reste autant populaire et attire autant les foules ?
P.C. : Au contraire, je pense que l'intrusion massive de l'argent contribue même à la popularité de ce sport. Elle contribue à la fascination que le footballeur exerce. Dans l'inconscient collectif, il fait rêver car il a toute la gloire, l'argent, les plus belles femmes. Même si les fans se révoltent parfois. Quand le club de Manchester United a été racheté par un milliardaire américaine, une partie des supporters ont déserté. Ils ont fondé un autre club, sur des valeurs de solidarité.
C.L. : Je pense que le public n'est pas dupe. Les magouilles existent et il le sait. Mais le football conserve une part de magie que l'argent ne peut pas complètement contrôler. Les grands rendez-vous, comme la Coupe du monde, réservent toujours quelques surprises qui ravissent le public. Si en plus, vous ajoutez le fait qu'une équipe, votre équipe, remporte une compétition importante alors, dans nos sociétés où l'on a perdu le sens de la communauté et où l'on cultive l'isolement, les victoires de ce type sont désormais les seuls moment où les hommes et les femmes sont en mesure de se retrouver et de partager des émotions. Voilà pourquoi en dépit de l'intrusion de plus en plus évidente de l'argent, le sport, le foot en particulier, conserve cette force d'attraction extraordinaire.
Saphirnews.com : Le foot est devenu un business, un vaste marché qui peut rapporter gros. Mais qu'en est-il de ses rapports à la politique ?
P.C : Le foot a toujours entretenu des relations très étroites avec la politique. De Bordeaux à Marseille, les hommes politiques ont toujours su qu'il fallait avoir des relations étroites avec le monde du foot pour séduire les foules. D'autre part, dans nombre de villes, les notables sont "achetés". Des dirigeants de club les invitent aux matches et à des troisièmes mi-temps très arrosées en compagnie de belles jeunes filles. Après coup, ces "notables" leur sont souvent "redevables à vie".
C.L. : Argent, pouvoir. Un couple diabolique. L'Histoire est pleine d'exemples où la politique, l'argent et le football ont fait bon ménage. Pensez à Berlusconi en Italie, à Tapie en France, à l'importance que les hommes politiques attachent à être présents lorsqu'un match important se joue. Chirac a profité de la victoire de la sélection française en 1998. Merkel en Allemagne a senti le besoin de communier avec son public pour éviter de se sentir isolée. Même au niveau local, le club de foot est souvent un bon moyen de recruter des électeurs. Je vous renvoie vers le film de Jean-Jacques Annaud, "Coup de tête".
Saphirnews.com : A la fin de votre ouvrage, vous faites dire des mots très durs à votre héros, le footballeur Nigérian. En gros et pour résumer ses propos, pour exister dans ce milieu, il faut éliminer les obstacles par tout les moyens, même les plus répréhensibles comme celui de tuer. En est-il réellement ainsi ?
P.C. : Cela nous amusait de montrer que celui que l'on croyait être la victime était en fait le bourreau. Faut-il tuer pour réussir dans la vie ? Il s'agit souvent de meurtres symboliques. De petites trahisons qui font que souvent ce ne sont pas les plus doués qui s'imposent, mais les plus déterminées. Et les plus sans scrupules. C'est une conclusion un peu pessimiste. Mais je crois que ce constat n'est pas propre au football. On le voit dans toutes les sphères d'activité. En France les récentes affaires de Clearstream à EADS montrent que dans les business, comme dans le foot, ou en politique tous les coups sont permis. Et qu'il y a rarement un arbitre pour donner le moindre carton rouge. C'est sans doute cela le capitalisme sauvage.
C.L. : La fiction permet d'aller au-delà de certaines limites. Dans le monde réel, je ne crois pas que l'exécution ait été choisie comme expédient pour éliminer un joueur gênant, à l'exception des nazis qui ont décimé l'équipe du Dynamo Kiev lorsque celle-ci avait réussi à battre une sélection allemande pendant la guerre. Cependant rien ne dit que cela n'arrivera pas un jour prochain, compte tenu des enjeux économiques que recouvrent désormais le ballon rond.
Titre : Ballon noir.
Editeur : L'Ecailler du sud.
Nombre de pages : 244.
Pierre Cherruau : La fiction permet souvent de traiter les sujets plus en profondeur. On peut mettre à nu les mécanismes de fonctionnement de la société. D'autre part, on peut aller très loin dans la description d'un système sans craindre d'être poursuivi pour diffamation. On se sent plus libre.
Claude Leblanc : Il est parfois plus facile d'aborder un sujet délicat à travers la fiction plutôt que de se lancer dans un essai. Je pense quon peut sensibiliser les lecteurs en utilisant des personnages fictifs qui, au travers de leurs aventures, sont en mesure de mettre le doigt sur des problèmes bien réels. La question du foot business a été abordé dans de nombreux ouvrages comme celui dAndrew Jennings, "Carton rouge", paru dernièrement. Même si ces livres sont très intéressants, ils sont souvent rédigés de façon un peu abrupte et sèche, chiffres à l'appui, et s'adressent finalement à un public déjà convaincu ou averti. Avec un roman, on touche un public plus large tout en dénonçant des dérives dangereuses dans le football. Mais avec un roman, ça passe mieux.
Saphirnews.com : A votre avis, comment se fait-il que, malgré l'intrusion massive de l'argent et du business dans le football, ce sport reste autant populaire et attire autant les foules ?
P.C. : Au contraire, je pense que l'intrusion massive de l'argent contribue même à la popularité de ce sport. Elle contribue à la fascination que le footballeur exerce. Dans l'inconscient collectif, il fait rêver car il a toute la gloire, l'argent, les plus belles femmes. Même si les fans se révoltent parfois. Quand le club de Manchester United a été racheté par un milliardaire américaine, une partie des supporters ont déserté. Ils ont fondé un autre club, sur des valeurs de solidarité.
C.L. : Je pense que le public n'est pas dupe. Les magouilles existent et il le sait. Mais le football conserve une part de magie que l'argent ne peut pas complètement contrôler. Les grands rendez-vous, comme la Coupe du monde, réservent toujours quelques surprises qui ravissent le public. Si en plus, vous ajoutez le fait qu'une équipe, votre équipe, remporte une compétition importante alors, dans nos sociétés où l'on a perdu le sens de la communauté et où l'on cultive l'isolement, les victoires de ce type sont désormais les seuls moment où les hommes et les femmes sont en mesure de se retrouver et de partager des émotions. Voilà pourquoi en dépit de l'intrusion de plus en plus évidente de l'argent, le sport, le foot en particulier, conserve cette force d'attraction extraordinaire.
Saphirnews.com : Le foot est devenu un business, un vaste marché qui peut rapporter gros. Mais qu'en est-il de ses rapports à la politique ?
P.C : Le foot a toujours entretenu des relations très étroites avec la politique. De Bordeaux à Marseille, les hommes politiques ont toujours su qu'il fallait avoir des relations étroites avec le monde du foot pour séduire les foules. D'autre part, dans nombre de villes, les notables sont "achetés". Des dirigeants de club les invitent aux matches et à des troisièmes mi-temps très arrosées en compagnie de belles jeunes filles. Après coup, ces "notables" leur sont souvent "redevables à vie".
C.L. : Argent, pouvoir. Un couple diabolique. L'Histoire est pleine d'exemples où la politique, l'argent et le football ont fait bon ménage. Pensez à Berlusconi en Italie, à Tapie en France, à l'importance que les hommes politiques attachent à être présents lorsqu'un match important se joue. Chirac a profité de la victoire de la sélection française en 1998. Merkel en Allemagne a senti le besoin de communier avec son public pour éviter de se sentir isolée. Même au niveau local, le club de foot est souvent un bon moyen de recruter des électeurs. Je vous renvoie vers le film de Jean-Jacques Annaud, "Coup de tête".
Saphirnews.com : A la fin de votre ouvrage, vous faites dire des mots très durs à votre héros, le footballeur Nigérian. En gros et pour résumer ses propos, pour exister dans ce milieu, il faut éliminer les obstacles par tout les moyens, même les plus répréhensibles comme celui de tuer. En est-il réellement ainsi ?
P.C. : Cela nous amusait de montrer que celui que l'on croyait être la victime était en fait le bourreau. Faut-il tuer pour réussir dans la vie ? Il s'agit souvent de meurtres symboliques. De petites trahisons qui font que souvent ce ne sont pas les plus doués qui s'imposent, mais les plus déterminées. Et les plus sans scrupules. C'est une conclusion un peu pessimiste. Mais je crois que ce constat n'est pas propre au football. On le voit dans toutes les sphères d'activité. En France les récentes affaires de Clearstream à EADS montrent que dans les business, comme dans le foot, ou en politique tous les coups sont permis. Et qu'il y a rarement un arbitre pour donner le moindre carton rouge. C'est sans doute cela le capitalisme sauvage.
C.L. : La fiction permet d'aller au-delà de certaines limites. Dans le monde réel, je ne crois pas que l'exécution ait été choisie comme expédient pour éliminer un joueur gênant, à l'exception des nazis qui ont décimé l'équipe du Dynamo Kiev lorsque celle-ci avait réussi à battre une sélection allemande pendant la guerre. Cependant rien ne dit que cela n'arrivera pas un jour prochain, compte tenu des enjeux économiques que recouvrent désormais le ballon rond.
Titre : Ballon noir.
Editeur : L'Ecailler du sud.
Nombre de pages : 244.