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Société

Bochra Manai : La culture porteuse de transformation sociale

Spécial #8Mars

Rédigé par | Jeudi 8 Mars 2018 à 17:30

           

Elles sont originaires du Soudan, de la Tunisie, de la Somalie, de la Russie ou sont nées et vivent en Finlande, au Canada, aux États-Unis, en Allemagne, en Palestine et en Grande-Bretagne… Leurs identités sont multiples. Mais elles ont pour points communs d’être éprises de justice et d’œuvrer, souvent dans l'ombre, pour le bien commun comme pour l’intégration professionnelle, sociale et politique des femmes dans leurs sociétés. Elles sont des héroïnes au quotidien. Direction le Canada à la rencontre de Bochra Manai.



Bochra Manai est une docteure et chercheuse en sciences sociales, membre de l’Institut Silk Road engagé dans la création et la diffusion d’œuvres artistiques au Canada. © Samia Hathroubi
Bochra Manai est une docteure et chercheuse en sciences sociales, membre de l’Institut Silk Road engagé dans la création et la diffusion d’œuvres artistiques au Canada. © Samia Hathroubi
MONTREAL. – C’est l’heure du ftour, un de ces dîners de rupture du jeûne, à Paris et ce soir, nostalgiques des mets tunisiens, nous décidons de nous retrouver dans un restaurant populaire de l’est parisien pour y rencontrer Bochra Manai, une Franco-tunisienne, docteure et chercheuse en sciences sociales qui a fait sa vie au Canada. Aussi longue que peuvent être ces soirées de Ramadan, je sentais que Bochra n’avait pas fini de me surprendre. Je la savais engagée mais n’avais pas encore mesuré l’ampleur du phénomène.

Force est de constater que le projet que porte cette femme humble et intègre a de quoi faire rêver beaucoup de musulmans en Occident.

Comme beaucoup de musulmans vivant en Amérique du Nord et en Europe, Bochra est préoccupée par « les récits de vie et la production de discours sur les musulmans ». Son entrée à l'Institut Route de la Soie (Silk Road Institute) correspond à ce moment où elle décide de « s’impliquer pour changer les discours sur les musulmans ici, au Canada, mais sans que cela soit une réaction constante aux débats stériles et des controverses électorales ».

Du droit et de la liberté de n’être plus défini par le raciste

Reprenant dans un langage académique le concept d'Erving Goffman, sociologue canadien mort en 1982, « le renversement du stigmate », Bochra Manai revendique le droit et la liberté de n’être plus défini par le raciste. « Je voulais trouver et proposer des alternatives, des espaces pour dire ce que je suis sans avoir à me légitimer à chaque fois. Je voulais transmettre à qui s'y intéresserait les productions scientifiques, littéraires, musicales ou philosophiques qui émanent des gens qui peuvent me ressembler », dit-elle.

C’est pour ces raisons que Bochra, dont la thèse porte sur sur la mise en scène de l'ethnicité maghrébine à Montréal, décide de rejoindre par sa qualité de francophone l’Institut Route de la Soie, qui a pour objectif de permettre la création et la diffusion d’œuvres artistiques (dans leur diversité) par des musulmans francophone ou anglophones au Canada. Le projet est porté depuis 2013 par des bénévoles et dont je n’ai jamais rencontré le pareil dans aucun autre pays comparable.

Bochra Manai : La culture porteuse de transformation sociale

« L’art est important parce que c'est notre imaginaire qu'il est capable de transformer »

C’est « un travail de longue haleine », rappelle t-elle, dans un pays où les frontières linguistiques sont souvent les plus difficiles à surmonter. Quand on lui dit que de loin le Canada, malgré l’attentat du 29 janvier 2017 perpétré contre le Centre culturel islamique de Québec (CCIQ) – et qui a été suivi d’une vague de solidarité nationale impressionnante –, apparaît comme un paradis, Bochra Manai déchante. Et de rappeler « les enjeux sur la place des autochtones, l’insertion des nouveaux migrants dans une société plus complexe que l’on a tendance à l’imaginer ».

De la complexité, Bochra aimerait en réinjecter, notamment dans les pièces de théâtre qu’elle juge stéréotypées sur leur façon de représenter l’islam. Elle ne cesse de le marteler : « L’art est important parce que c'est notre imaginaire qu'il est capable de transformer. »

Quand on lui demande ce qui l’inspire, elle cite Spike Lee d’abord pour son oeuvre sur Malcom X et Rachid Djaidani qui, lors d’un passage télévisé, lui a donné envie d’écrire « sa version du social en France ». Bochra continue sans relâche ce travail de longue haleine pour elle, et les petites sœurs et petits frères qu’elle aimerait inspirer de « résister avec éthique ».

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Samia Hathroubi
Ancienne professeure d'Histoire-Géographie dans le 9-3 après des études d'Histoire sur les débuts... En savoir plus sur cet auteur


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