Dernière ligne droite pour les leaders musulmans de France vers la tête du CFCM. Les élections prévues ce dimanche 19 juin agitent les dirigeants des grandes fédérations. Depuis quelque mois, la Fédération nationale des musulmans de France (FNMF) mène une vaste opération de séduction auprès des responsables de mosquée. La Grande mosquée de Paris n’entend pas rester à la traîne. Discrète et diplomate, elle (re)noue les alliances auxquelles elle doit sa troisième place derrière l’Union des organisations islamiques en France (UOIF) qui ne manque pas de pragmatisme. Mais, comme lors des élections de 2003, l’UOIF doit affronter une opposition qui s’élève de son fief de la Seine Saint-Denis.
Ce n’est pas un hasard si l’UOIF a choisi d’implanter son siège social en Seine Saint-Denis. A lui seul, ce département accueille près de 60% des musulmans d’Ile-de-France. L’implantation de l’UOIF est manifeste dans le département avec une diversité de secteurs d’activités. Mais cette suprématie n’est pas absolue. De sérieux concurrents existent dont l’Union des associations musulmanes du 93 (UAM-93). Pour les élections du 19 juin, l’UAM-93 a tenté de s’affirmer au niveau régionale en présentant la liste AMI (Alliance des musulmans indépendants). Une réelle menace pour l’UOIF.
La liste AMI est hors course
La liste AMI a la double singularité de fédérer des adversaires de l’UOIF et des oubliés du culte musulman en France. La Fédération française des associations islamiques d’Afrique, des Comores et des Antilles (FFAIACA) ne fait pas grande figure dans l’islam de France. Considérée à la remorque des grandes fédérations la FFAIACA manque de visibilité. Beaucoup d’imams qui s’y réfèrent officient dans des mosquées situées au cœur de foyers de travailleurs. La gestion de ces lieux de culte s’intègre directement à la vie du foyer. Sur les 44 membres de la FFAIACA présents sur la liste AMI, 25 dirigent des mosquées situées dans des foyers de travailleurs.
Ces lieux sont bel et bien réservés au culte musulman. Les cinq prières rituelles y sont célébrées quotidiennement. Des imams y sont affectés. Les salles sont bondées les vendredis et durant tout le mois de Ramadan. Les enfants y suivent des cours d’instruction religieuse toute l’année. Les adultes y suivent souvent des cours d’alphabétisation en langue française comme en langue arabe dans la soirée. Toute une somme d’activités s’y déroule depuis de longues années. Mais dans la plupart des cas, aucune association n’est officiellement créée pour gérer ces lieux comme l’exige le règlement électoral du CFCM. Le culte musulman se passe donc bien dans les foyers mais d’une manière informelle conforme à la tradition africaine avec des relents d’une gérontocratie parfois modernisée.
La liste de l’Alliance a néanmoins inscrit des délégués issus de ces lieux de culte musulman en argumentant sa démarche devant le bureau du CFCM. Selon M. M’Hammed Henniche, secrétaire général de l’UAM-93, seule l’UOIF s’oppose à la candidature de l’Alliance.
Pour Fouad Alaoui, secrétaire général de l’UOIF, interpellé sur le sujet lors d’un dialogue en ligne sur Saphirnet, « la liste intitulée AMI a été déposée auprès du Comité électoral régional à l'instar des autres listes pour validation; il n'y a pas de raison pour qu'il lui soit accordé un traitement différencié. » L’Alliance des musulmans indépendants de Seine Saint-Denis ne sera pas de la partie ce dimanche.
Des accusations plutôt graves
Une analyse rapide de la liste de l’Alliance montre combien son exclusion arrange les affaires de l’UOIF dans la région. D’une part l’Alliance s’est construite sur le terreau de l’UOIF. Ce qui n’est pas pour déplaire à la FNMF et à la Grande mosquée de Paris. D’autre part, certains ténors de l’AMI sont des proches de Cheikh Dhaou Meskine, intraitable opposant au CFCM. Ces derniers sont tous des hommes de terrain qui, par leurs activités dans le 93, s’opposent à la volonté d’hégémonie que manifeste l’UOIF sur l’ensemble des activités islamiques du département.
Dans un communiqué rendu public hier, M. Fayçal Menia, membre de la liste de l’Alliance, affirme que des responsables de sa liste ont été l’objet de menaces de la part des dirigeants de l’UOIF, sans préciser la nature de ces menaces. Et, dans un autre communiqué, M. Henniche précise : « Une personnalité très influente de cette organisation (ndr, l’UOIF) est allée voir la mosquée d'Ile-Saint-Denis, appartenant à la FFAIACA, pour retirer leurs noms de notre liste. Les 5 délégués ont démissionné. Il a fallu une intervention de responsables de l'UAM et de la FFAIACA pour faire revenir ces 5. »
En réponse à ces graves accusations, M. Alaoui a déclaré que « L'UOIF, n'a pas à s'immiscer dans le fonctionnement des instances électorales du CFCM, et je laisse les accusateurs devant leur conscience. Pour information : le comité électoral régional est formé d'une douzaine de membres dont seulement deux représentent l'UOIF. »