L’association Horizons Cultures et Civilisations (HCC), organisait le dimanche 15 décembre dernier une journée de conférence débat sur le thème « Ces jeunes en question… » Suite à notre reportage de cette journée nous avons voulu en savoir plus sur cette association. Mlle Hayette GHEZZAL présidente en exercice de HCC a bien voulu répondre à nos questions.
Saphirnet.info : La première question qui me vient à l’esprit est peut être banale mais je vous la pose quand même : vous êtes une femme musulmane et vous présidez une association mixte. Cela ne pose pas de problème ?
Hayette Ghezzal : Non, pas du tout !
Vraiment ?
H. Ghezzal : Oui… mais on peut l’expliquer par l’esprit qui prévaut au sein de notre association. Parce que ' Horizons Cultures et Civilisations ' est née il y a un an. Et nos membres proviennent en majorité de l’AEIF ( ndr: Association des Etudiants Islamiques de France). Donc ces questions d’infériorité ou de supériorité de la femme musulmane sont des questions que nous avons dépassées depuis longtemps (rires)… Très longtemps. Je pense même que, si vous posiez votre question aux frères de HCC, ils la trouveraient curieuse. J’ai été élue démocratiquement. Quand les choses se font naturellement, certaines questions ne se posent même pas. C’est, je pense, une question de mentalités.
Ainsi votre association émerge de l’AEIF. Pourquoi ce changement et comment en êtes-vous arrivé là ?
H. Ghezzal : Tout d’abord l’AEIF existe encore, bien qu’elle traverse une phase de réforme profonde devenue nécessaire du fait des mutations de notre société. Le contexte de l’Islam en France a changé depuis la création de l’AEIF qui remonte aux années soixante avec le Pr Hamidullah qui vient de nous quitter (Que Dieu l’accepte dans Sa Miséricorde.) Elle devient une structure de coordination laissant une autonomie aux ex-sections des différentes villes de France (Lille, Strasbourg, Toulouse, Paris…) qui sont devenues des associations indépendantes avec une faculté d’adhésion. Ceci étant, pour répondre à votre question, nous avons simplement adapté les structures de la section parisienne de l’AEIF aux besoins de ses adhérants. La décision s’imposait depuis quelques temps. Elle n’était pas facile à prendre. Le patrimoine de l’AEIF mérite d’être valorisé. Il n’est pas toujours palpable, mais il est bien là...
Comment caractérisez-vous les besoins actuels de vos membres actuels ?
H. Ghezzal : Comparé à ce que j’ai connu une dizaine d’années plus tôt, je peux dire que le besoin d’activités locales est actuellement plus fort. Nous répondons à des demandes qui sont vraiment spécifiques à nos membres de la région parisienne…
Par exemple ?
H. Ghezzal : Par exemple la formation. Nous organisons des ' ateliers pédagogiques ' autour de thèmes comme l’informatique, les questions juridiques et les questions médicales. Il y a aussi les ' rencontres d’Horizon ' qui sont des discussions philosophiques et religieuses avec des non-musulmans et dont les sujets sont choisis à leur demande. Nous avons aussi les ' conférences-débats ' ouvertes à tout public (comme celle du 15 décembre 2002) avec colloques. Et vous noterez que dans notre intitulé, les mots ' cultures ' et ' civilisations ' sont au pluriel ainsi que le mot ' horizons '. Ce n’est pas sans raison. Nous insistons sur la pluralité des cultures. Bien se connaître, se regrouper, s’organiser et aller à la découverte de l’autre et des autres. Aller à la découverte de ce qui se passe ailleurs, dans d’autres communautés, en France ou hors de France ! Nous avons par exemple, cette année, un projet de voyage en Andalousie.
Un voyage touristique alors ?
H. Ghezzal : hummm… Je dirai plutôt un voyage culturel. Il y a un aspect touristique bien sûr. Mais nous menons une réflexion avant de partir sous forme d’un programme d’étude de la culture andalouse. Nous poursuivrons notre réflexion à notre retour, Inchallah. Donc c’est vraiment un voyage culturel que nous préparons. Le but est d’explorer les divers aspects de la culture musulmane.
Dans le sens de l’ouverture dont vous parlez, comment vous situez-vous par rapport aux autres associations islamiques qui sont à l’œuvre en France ?
H. Ghezzal : Nous sommes une jeune association qui n’existe que depuis octobre 2001. Nous sommes, pour le moment, focalisés sur nos projets. Néanmoins nous avons collaboré à l’organisation du ' Forum Citoyen des Cultures Musulmanes ' et aux rencontres de la revue ' La Médina '. Et nous continuons naturellement de travailler avec les autres ex-sections de l’AEIF puisque le travail inter-associatif s’inscrit dans les objectifs de HCC qui ne se limitent d’ailleurs pas qu’aux associations musulmanes.
Cette semaine on parle beaucoup du CFCM, le Conseil Français du Culte Musulman, sensé représenter les musulmans en France. Vous sentez vous concernée par ce conseil ?
H. Ghezzal : Pas vraiment.
Que voulez-vous dire ?
H. Ghezzal : En tant qu'association, nous ne sommes pas concernés. A ma connaissance, le CFCM concerne des associations qui gèrent des lieux de cultes. Le HCC ne gère pas de lieu de culte.
Mais en tant que responsable d’association…
H. Ghezzal : L’idée d’avoir des représentants est une chose louable et nécessaire. Mais la procédure adoptée est discutable. Les difficultés de gestion de l’Islam en France au niveau national ne sont pas nouvelles. Tout reste à faire.
Comment expliquez-vous ces difficultés ? Les musulmans sont-ils incapables de s’organiser comme les autres communautés ?
H. Ghezzal : Bien sûr que les musulmans peuvent s’organiser. En quoi le fait d’être musulman empêcherait des gens conscients de s’organiser ? Les musulmans sont des citoyens. On essaye de nous maintenir dans un misérabilisme dont nous devons sortir. Voyez-vous ? On créer de toute pièce de faux débats autour de l’Islam. D’abord on a positionné l’Islam face à ' l’immigration '. C’était vrai pour nos parents. Mais pas pour nous qui sommes citoyens français. Puis on a déplacé le débat autour de ' l’intégration et la laïcité ', et maintenant c’est au travers des questions de ' sécurité ' et de ' terrorisme ' qu’on aborde la religion musulmane.
En fait ce n’est pas l’Islam qui est mis en cause; ce sont les musulmans ?
H. Ghezzal : Peut-être. Il faut qu’on cesse de nous prendre pour des enfants. De toute façon cette infantilisation ne fonctionne pas avec la jeune génération. Ce n’est pas l’Islam qui est mis en cause mais la manière dont les gens vivent leur pratique qui peut effectivement donner lieu à toute sorte d’amalgame.
Pour conclure, êtes-vous disposée à travailler avec le CFCM?
H. Ghezzal : Que voulez vous dire ?
Seriez vous prête, par exemple, à siéger avec le CFCM s’il vous invitait ?
H. Ghezzal : C’est une situation que je n’envisage pas. Ce n’est pas à l’ordre du jour. Je ne dirige pas un lieu de culte. Nous sommes une association de terrain et nous nous occupons de réalités qui ne sont pas celles des mosquées. Je connais les réalités de la mosquée pour avoir eu l’occasion d’y travailler pendant des années. C’est passionnant et très formateur. Dans une même salle, on peut avoir à s’adresser à trois voire quatre générations en même temps… C’est un lieu de brassage formidable. On y côtoie toute sorte de perception de l’Islam. Mais ceci dit, l’Islam ne se vit pas que dans la mosquée. Il faut le savoir et surtout en tenir compte.
Propos recueillis par Amara BAMBA