Tout aura été dit sur le malaise des musulmans, de leurs crises, de leurs manques, de leur incapacité à faire face aux défis contemporains. L’islam a mauvaise presse aujourd’hui et les musulmans sont attaqués quotidiennement à cause de la violence qui s’exerce en leur nom ou des discriminations vis-à-vis des femmes ou des « non-musulmans » que certains justifient par leurs enseignements.
De l’intérieur, les musulmans sont eux-mêmes les plus grands critiques de leurs défaillances et de leurs manquements : ils se plaignent de leurs savants, de leurs leaders, de leurs divisions, de l’état des sociétés majoritairement musulmanes où l’éducation est une catastrophe, la justice sociale un mirage et les systèmes politiques des antres de corrompus. De l’extérieur comme de l’intérieur, le constat est sans appel : la crise est profonde et les doutes minent les consciences et la confiance. Dans le silence, ou au gré des plaintes, des peurs, des souffrances, des frustrations et des larmes. Existe-t-il un moyen de sortir de la prison des faux-semblants, celle des mises en scène, des complaintes perpétuelles et des critiques stériles : existe-t-il un chemin vers l’autocritique constructive, la confiance et la liberté ? Quels chemins nous mènent-ils vers la paix ?
De l’intérieur, les musulmans sont eux-mêmes les plus grands critiques de leurs défaillances et de leurs manquements : ils se plaignent de leurs savants, de leurs leaders, de leurs divisions, de l’état des sociétés majoritairement musulmanes où l’éducation est une catastrophe, la justice sociale un mirage et les systèmes politiques des antres de corrompus. De l’extérieur comme de l’intérieur, le constat est sans appel : la crise est profonde et les doutes minent les consciences et la confiance. Dans le silence, ou au gré des plaintes, des peurs, des souffrances, des frustrations et des larmes. Existe-t-il un moyen de sortir de la prison des faux-semblants, celle des mises en scène, des complaintes perpétuelles et des critiques stériles : existe-t-il un chemin vers l’autocritique constructive, la confiance et la liberté ? Quels chemins nous mènent-ils vers la paix ?
La force de la foi réside dans la compréhension des objectifs du cheminement
Tout commence par un paradoxe. La source de la liberté de l’être se terre dans le creuset de la maîtrise de soi. Loin des perceptions que les êtres humains peuvent avoir de nous, au-delà de nos plaintes perpétuelles, nous avons un profond besoin de silence, d’introspection : le silence des consciences. Ecouter nos cœurs, reconnaître nos besoins. L’islam nous enseigne, comme toutes les spiritualités, qu’on ne devient pas soi, et qu’on n’accède jamais à la liberté, contre autrui ou en s’affirmant contre les jugements extérieurs, fondés ou infondés.
Etre, c’est revenir à sa conscience, à son intelligence, à son cœur et s’engager personnellement, à la mesure de ses moyens, à se connaître et à s’éduquer. La connaissance de Dieu, nous rappelle le Coran, demeure « entre l’être humain et son cœur » : c’est une invitation à la connaissance de soi, à la conscience, à la responsabilité. C’est surtout un appel à comprendre, à se comprendre, à comprendre notre foi et notre pratique de croyant(e). L’Unique appelle les êtres humains à devenir des êtres de conscience, à se prendre en charge et à devenir, contre vents et marées, des acteurs de bien, de bien-être et de paix.
Cela commence par éviter les obsessions formalistes ou les enseignements qui croient que la force de la foi se mesure à l’imposition contraignante des interdits. La force de la foi réside dans la compréhension des objectifs du cheminement. Croire, c’est comprendre… comprendre même que parfois notre raison ne comprend pas et ne peut tout comprendre. Mais c’est d’abord accéder au sens premier du « Tawhid », l’unicité du divin : reconnaître la présence du Divin en son être, observer Ses signes dans l’univers et apprendre à dire merci pour les êtres aimés, la Nature déployée et la beauté offerte.
La foi commence par remercier, comme le disait le sage Luqman à son fils, et on ne peut remercier sans comprendre la nature des dons reçus. Notre époque nous apprend à nous plaindre vite de ce qui nous manque et nous négligeons trop vite d’être reconnaissants des richesses que l’Un et la vie nous offrent dans le silence des invisibles ressources de l’être. Un autre paradoxe : un cœur qui sait que sa richesse tient au fait de comprendre ses manquements et sa pauvreté. Loin des jugements, loin des discours dogmatiques, les musulmans ont besoin de ce silence, de cette introspection : ce voyage vers leurs richesses de cœur, de conscience et de paix. Le défi de l’heure consiste à mieux comprendre, à mieux s’aimer, et à mieux aimer. La spiritualité est cette lumière de la conscience et du cœur qui comprend le sens et éclaire la route.
Etre, c’est revenir à sa conscience, à son intelligence, à son cœur et s’engager personnellement, à la mesure de ses moyens, à se connaître et à s’éduquer. La connaissance de Dieu, nous rappelle le Coran, demeure « entre l’être humain et son cœur » : c’est une invitation à la connaissance de soi, à la conscience, à la responsabilité. C’est surtout un appel à comprendre, à se comprendre, à comprendre notre foi et notre pratique de croyant(e). L’Unique appelle les êtres humains à devenir des êtres de conscience, à se prendre en charge et à devenir, contre vents et marées, des acteurs de bien, de bien-être et de paix.
Cela commence par éviter les obsessions formalistes ou les enseignements qui croient que la force de la foi se mesure à l’imposition contraignante des interdits. La force de la foi réside dans la compréhension des objectifs du cheminement. Croire, c’est comprendre… comprendre même que parfois notre raison ne comprend pas et ne peut tout comprendre. Mais c’est d’abord accéder au sens premier du « Tawhid », l’unicité du divin : reconnaître la présence du Divin en son être, observer Ses signes dans l’univers et apprendre à dire merci pour les êtres aimés, la Nature déployée et la beauté offerte.
La foi commence par remercier, comme le disait le sage Luqman à son fils, et on ne peut remercier sans comprendre la nature des dons reçus. Notre époque nous apprend à nous plaindre vite de ce qui nous manque et nous négligeons trop vite d’être reconnaissants des richesses que l’Un et la vie nous offrent dans le silence des invisibles ressources de l’être. Un autre paradoxe : un cœur qui sait que sa richesse tient au fait de comprendre ses manquements et sa pauvreté. Loin des jugements, loin des discours dogmatiques, les musulmans ont besoin de ce silence, de cette introspection : ce voyage vers leurs richesses de cœur, de conscience et de paix. Le défi de l’heure consiste à mieux comprendre, à mieux s’aimer, et à mieux aimer. La spiritualité est cette lumière de la conscience et du cœur qui comprend le sens et éclaire la route.
Ne jamais cesser d’étudier autant que de servir
Il est question de liberté. Ce qui emprisonne la conscience musulmane contemporaine est souvent la superstition des masses et l’élitisme de trop de cercles savants (ulama) ou mystiques (sufis).
Quand l’enseignement des principes et du rituel est fixé sur les limites et les interdits, on voit de plus en plus de musulmans ordinaires offrir leur cœur à des « saints » morts ; et les jeunes éduqués s’engager dans des cercles savants ou mystiques fermés, élitistes, persuadés, eux, de « comprendre » alors que « les masses » suivent aveuglément. Ces deux attitudes sont bien les symptômes de la crise contemporaine.
L’islam et les musulmans ont besoin d’enseignements qui respectent tous les êtres, les femmes comme les hommes, les riches comme les pauvres, les Blancs comme les Noirs, les Asiatiques ou autres. Des enseignements qui parce qu’ils respectent chaque conscience, chaque intelligence et chaque cœur tiennent compte des réalités sociales, des histoires, des mémoires et des cultures environnantes. Le respect des peuples consiste à ne pas accepter que ceux-ci sombrent dans la superstition, l’idéalisation de « saints » ou de savants, ou l’engouement émotionnel, aveugle, qui transforment les dynamiques populaires en dangereux populisme (dont le plus dangereux est le populisme religieux). L’humilité des citoyens éduqués et des savants consiste à ne jamais cesser d’étudier autant que de servir : car enfin les défis de ces derniers sont bien l’ego, l’argent et le pouvoir… musulmans ou non.
Il faut cesser de se lamenter, même si la vie ne nous fera pas cesser de souffrir ou de pleurer. Les musulmans ont besoin de se réconcilier avec la force de ce message. Retrouver le Divin dans le dialogue intime et se retrouver soi dans la confiance. Devenir responsables : la première liberté. Ne jamais perdre l’espérance, tel est bien le message ultime de l’islam. Etre, se connaître, remercier et servir avec l’intime conviction que la paix est dans l’intention et le sens du geste et non dans la visibilité des résultats ou le bruit des applaudissements.
Le philosophe relevait que « ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort »… la vie, qui par définition ne nous tue jamais définitivement, doit en effet être le chemin qui nous rend plus fort spirituellement. Il faut du temps, de la confiance, du silence, et prendre soin de soi. L’islam a besoin de musulmanes et de musulmans qui comprennent ses enseignements, qui essaient de les vivre et qui deviennent les témoins, devant les êtres humains et la Nature, de son message lumineux, simple et néanmoins exigeant : si tu crois tu cherches, quand tu cherches tu aimes ; si tu aimes tu sers, quand tu sers tu pries.
La réconciliation avec soi, la force de son autonomie et de sa liberté, passe par la médiation d’autrui, son respect, son service. Comme les signes de l’univers nous renvoient aux signes de notre intimité, comme l’ordre du cosmos fait miroir à la paix du cœur, il faut apprendre, chercher, comprendre, sortir de soi. Aimer, servir, c’est sortir de soi : sortir de soi est une promesse de réconciliation avec soi. Un dernier paradoxe, une si belle vérité.
* Tariq Ramadan est, notamment, professeur d’études islamiques contemporaines à l’université d’Oxford (Royaume-Uni) et senior research fellow à l’université de Doshisha, à Kyoto (Japon). Il est également directeur du Centre de recherche sur la législation et l’éthique Islamiques (CILE), à Doha (Qatar). Il est l'auteur d'une vingtaine d'ouvrages. Dernier ouvrage paru : L’Islam et le Réveil arabe (Presses du Châtelet, 2011).
Première parution de cet article sur www.tariqramadan.com
Quand l’enseignement des principes et du rituel est fixé sur les limites et les interdits, on voit de plus en plus de musulmans ordinaires offrir leur cœur à des « saints » morts ; et les jeunes éduqués s’engager dans des cercles savants ou mystiques fermés, élitistes, persuadés, eux, de « comprendre » alors que « les masses » suivent aveuglément. Ces deux attitudes sont bien les symptômes de la crise contemporaine.
L’islam et les musulmans ont besoin d’enseignements qui respectent tous les êtres, les femmes comme les hommes, les riches comme les pauvres, les Blancs comme les Noirs, les Asiatiques ou autres. Des enseignements qui parce qu’ils respectent chaque conscience, chaque intelligence et chaque cœur tiennent compte des réalités sociales, des histoires, des mémoires et des cultures environnantes. Le respect des peuples consiste à ne pas accepter que ceux-ci sombrent dans la superstition, l’idéalisation de « saints » ou de savants, ou l’engouement émotionnel, aveugle, qui transforment les dynamiques populaires en dangereux populisme (dont le plus dangereux est le populisme religieux). L’humilité des citoyens éduqués et des savants consiste à ne jamais cesser d’étudier autant que de servir : car enfin les défis de ces derniers sont bien l’ego, l’argent et le pouvoir… musulmans ou non.
Il faut cesser de se lamenter, même si la vie ne nous fera pas cesser de souffrir ou de pleurer. Les musulmans ont besoin de se réconcilier avec la force de ce message. Retrouver le Divin dans le dialogue intime et se retrouver soi dans la confiance. Devenir responsables : la première liberté. Ne jamais perdre l’espérance, tel est bien le message ultime de l’islam. Etre, se connaître, remercier et servir avec l’intime conviction que la paix est dans l’intention et le sens du geste et non dans la visibilité des résultats ou le bruit des applaudissements.
Le philosophe relevait que « ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort »… la vie, qui par définition ne nous tue jamais définitivement, doit en effet être le chemin qui nous rend plus fort spirituellement. Il faut du temps, de la confiance, du silence, et prendre soin de soi. L’islam a besoin de musulmanes et de musulmans qui comprennent ses enseignements, qui essaient de les vivre et qui deviennent les témoins, devant les êtres humains et la Nature, de son message lumineux, simple et néanmoins exigeant : si tu crois tu cherches, quand tu cherches tu aimes ; si tu aimes tu sers, quand tu sers tu pries.
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