Un ministère pour quoi faire ?
Migrations Société, l’une des principales revues francophones dans le domaine des migrations, est éditée par le Centre d’information et d’études sur les migrations internationales (CIEMI) — aujourd’hui l’un des premiers centres de documentation en France sur les questions migratoires — affilié à un réseau international reconnu pour sa qualité d’expertise sur les questions migratoires, le réseau “des centres d’études G. B. Scalabrini”.
Le Conseil scientifique de Migrations Société — qui associe des chercheurs, des universitaires et des intellectuels issus d’horizons politiques, philosophiques et religieux divers — entend faire part de son inquiétude face à la création en France du ministère de « l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Codéveloppement ».
L’association dans un même intitulé ministériel des notions d’« immigration » et d’« identité nationale » contribue à entretenir une confusion préjudiciable à la cohésion nationale et au vivre ensemble, car elle accréditerait l’idée d’une “essence” nationale qui s’opposerait à une “essence” immigrée. Alors que l’identité nationale est une construction collective sans cesse recommencée, une telle association suggère un projet politique de promotion nationale du lien civique dont les ambiguïtés risquent d’attiser les haines identitaires. Cela serait d’autant plus dangereux à un moment où la mondialisation et la construction européenne déstabilisent l’identité nationale et entraînent le besoin de son renouvellement, dans le cadre d’une société moderne construite sur le fondement d’un projet politique éloigné de toute conception ethnique.
Aussi conviendrait-il que le nouveau président de la République renonce à un dispositif ministériel qui, loin d’améliorer le règlement des problèmes quotidiens des Français et des étrangers résidant sur notre territoire, contribue à les obscurcir.
Dans un contexte où la question migratoire risque plus que jamais d’être traitée en tant qu’enjeu politico-électoral, ce qui favoriserait la montée de courants nationalistes et xénophobes qui minent les fondements de notre démocratie, nous entendons renforcer nos activités de réflexion et d’information sur l’ensemble des questions migratoires menées depuis deux décennies dans un esprit d’ouverture, de pluralisme et d’interdisciplinarité.
Dans cette perspective, lors de notre réunion du 21 mai, nous avons décidé de mettre en place un groupe d’étude, d’observation et de réflexion chargé du suivi et de l’analyse scientifique des nouvelles décisions, mesures et réformes relatives au traitement de la population étrangère ou issue de l’immigration (accès aux droits sociaux, discrimination, etc.) et aux questions relatives aux mouvements migratoires, au séjour des étrangers et au droit d’asile.
Migrations Société rendra régulièrement compte des travaux de ce groupe.
Paris, le 22 mai 2007
Le Conseil scientifique de Migrations Société