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Points de vue

La rue du 8 mai rebaptisée

Rédigé par Macha | Mercredi 11 Mai 2005 à 00:00

           

La sortie de la ligne 5 du métro, à la station République, nous offre un magnifique soleil de printemps. Cependant, un murmure grondant trouble l’atmosphère d’un après midi ordinaire . En ce jour du 8 mai 05 où, calmement et solennellement, on commémore aux quatre coins de France la libération du territoire par les troupes allemandes, un drôle de rassemblement fait jour.



La sortie de la ligne 5 du métro, à la station République, nous offre un magnifique soleil de printemps. Cependant, un murmure grondant trouble l’atmosphère d’un après midi ordinaire. En ce jour du 8 mai 05 où, calmement et solennellement, on commémore aux quatre coins de France la libération du territoire par les troupes allemandes, un drôle de rassemblement fait jour.

 

De la musique, un tourbillon de banderoles et pleins d’étranges figures souriantes, inquiètes et parfois sublimes peuplent la petite place qui borde la bouche de métro. C’est la marche des indigènes de la République.

 

Je reviens soudain à la réalité après quelques secondes d’égarements. Le jeudi 07 avril 2005 à 20 heures à Sarcelles, l’association VETO ! avait servi de tribune au lancement de cette marche des indigènes. Un petit groupe d’illuminés avait fait le pari de rassembler tout ce que compte Paris et ses alentours d’indigènes pour marcher contre l’Etat avare. Je souris car je pensais ce challenge impossible, j’avais prêté moi-même ma voix à cette entreprise sans trop de conviction, je suis bluffée.

 

Il est 14 heures.  Je retrouve Laurent qui m’avoue en souriant qu’on a évité le ridicule. En effet, en arrivant à vol d’oiseau je chiffrais la rencontre à 300 personnes à peu près. Mais il aura fallu seulement une petite demi-heure pour que nos rangs se gonflent et que l’effectif de la troupe se voit doublé ou triplé.

Le cortèges de ces joyeux fantassins de la liberté et de l’égalité des citoyens se met enfin en route vers 15 heures. On assiste alors à un mouvement de foule mémorable : coups de sifflets, pancartes, tambours, déguisements rien n’est assez bien pour se faire remarquer. Le camion qui conduit le cortège semble lui-même vivant. Il est habité par un petit monsieur de 50 ans, vif et bon enfant qui scande dans son micro de fortune des slogans qui soulèvent les foules. « Résistance c’est la voie de l’existence » ; « Sétif Gelma on n’oublie pas » ; « Madagascar, Cameroun, on n’oublie pas » ; « Oui à l’égalité, non à la coloniale » ; « Oui à la liberté, non à l’indigénat »

La voix du peuple était unie. L’ivresse de l’énergie engendrée par la marche et la chaleur ravivent les pâles figures et encourage la témérité de certains qui vont jusqu’à monter sur les hauteurs pour exciter la foule et l’entraîner à crier encore plus fort.

 

Une vague extraordinaire nous pousse de la place de la République à la gare du Nord en un clin d’œil. A l’approche de la rue du 8 mai 1945, le camion s’arrête.  Le petit bonhomme qui tient le micro efface sa jovialité et devient grave. Il réclame le silence. Il lui faudra insister pour calmer la fougue des rangs. Là, je suis trop loin pour voir mais j’entends. Il passe  le micro à des rescapés des massacres d’Algérie. Une voix tremblante mais pleine de conviction sonne à nos oreilles et l’on entend un témoignage incroyable : « J’ai vécu le massacre de Sétif ! Ce qu’il faut se demander, c’est pourquoi c’est arrivé. On ne reviendra pas en arrière. Vous les jeunes, nos enfants ; vous êtes notre seul espoir pour comprendre et combattre pour le rétablissement de la vérité ». Il tend son micro à un autre. A son tour il évoquera l’horreur et l’espoir.

 

C’est alors, dans l’émotion de cette rencontre de générations, que nous assistons au baptême de cette rue. Un jeune homme en jilaba blanche, un oiseau de bonne augure,  alla scotcher une pancarte où l’on pouvait lire: SETIF GELMA 8 MAI 1945 A LA MEMOIRE DES MASSACRES. La rue du 8 mai, en plein cœur de Paris, venait d’être rebaptisée par les indigènes de la République, en présence des rescapés des horreurs du 8 mai 1945.





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