Sur le stade Bernard-Lama, à Villetaneuse (93), l’entraîneur du C. S. Berbères parle à ses joueurs en tamazight.
« Le football prend le dessus sur les différences. » Mohand Tamazouzt a été vice-président et président du C. S. Villetaneuse (93) pendant quinze ans. Le dirigeant l’assure, il n’a « jamais connu de discrimination liée à l’origine ou à la culture, que le joueur soit juif, arabe, japonais ou marocain… C’est le rôle des éducateurs d’apprendre cela aux enfants dès le début », affirme l’ancien entraîneur, en gardant un œil sur les jeunes, qui s’échauffent sur la pelouse du stade Dian.
Pour Mohand Tamazouzt, du C.S. Villetaneuse, c’est aux éducateurs d’inculquer la tolérance aux jeunes footballeurs.
Cela n’a pas toujours été aussi évident. Depuis plus de vingt ans, le Maccabi Créteil, club créé par la communauté juive du chef-lieu du Val-de-Marne (94) et des villes voisines, a pu constater certaines dérives liées à la religion sur les pelouses du football amateur.
Sur leur terrain, à deux pas du stade Duvauchelle, Éric El Bahar, président depuis douze ans, se remémore les « sales feujs » et autres insultes antisémites lancées pendant des années, sur les terrains de district, à l’encontre de son équipe.
Sur leur terrain, à deux pas du stade Duvauchelle, Éric El Bahar, président depuis douze ans, se remémore les « sales feujs » et autres insultes antisémites lancées pendant des années, sur les terrains de district, à l’encontre de son équipe.
« En football, seul le football compte »
« Depuis quelques années, ces événements sont rares et isolés, assure Greg Ganem, entraîneur de la deuxième équipe. Il y a dix ans, on sentait plus d'animosité. On s'appelle Maccabi, notre écusson est l'étoile de David… Je me rappelle voir un de nos jeunes adversaires pleurer car il avait “perdu contre Israël”. »
Dirigeants et joueurs le certifient, leur club a « toujours été ouvert à tous » et attire des joueurs juifs, ou non, de Paris et d'ailleurs. Pour cette saison 2017-2018, l'association compte 70 licenciés seniors et une centaine de jeunes, qui s'entraînent les mercredis, mais ne peuvent jouer les samedis en raison de chabbat.
Dirigeants et joueurs le certifient, leur club a « toujours été ouvert à tous » et attire des joueurs juifs, ou non, de Paris et d'ailleurs. Pour cette saison 2017-2018, l'association compte 70 licenciés seniors et une centaine de jeunes, qui s'entraînent les mercredis, mais ne peuvent jouer les samedis en raison de chabbat.
Le club de la communauté juive de Créteil affiche fièrement ses couleurs sur les survêtements des joueurs.
« Les joueurs d’autres confessions ne sont plus réticents pour nous rejoindre. » La « tête de gondole » de ce renouveau est bien connue des amateurs de football. Depuis la saison dernière, l’entraîneur de l’équipe première n’est autre que Sammy Traoré, ancien défenseur du PSG, « Franco-Malien et musulman », né à Créteil. « En football, seul le football compte et le respect se gagne sur le terrain, voilà la ligne de conduite que l’on inculque à nos joueurs », conclut Greg Ganem.
Une analyse que valide Sammy Ghozlan, du Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme : « Contrairement à d’autres sports, on ne nous a pas signalé de cas d’antisémitisme dans le football ces dernières années. » Même constat du côté du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) : « Nous n’avons pas eu de vagues de saisies du CCIF. Nul doute que les insultes racistes et islamophobes sont une réalité sur les terrain, et on voit cette tendance se confirmer au plus haut niveau. Nous recevons des signalements à ce sujet, mais de manière sporadique », indique Ibrahim Bechrouri.
Une analyse que valide Sammy Ghozlan, du Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme : « Contrairement à d’autres sports, on ne nous a pas signalé de cas d’antisémitisme dans le football ces dernières années. » Même constat du côté du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) : « Nous n’avons pas eu de vagues de saisies du CCIF. Nul doute que les insultes racistes et islamophobes sont une réalité sur les terrain, et on voit cette tendance se confirmer au plus haut niveau. Nous recevons des signalements à ce sujet, mais de manière sporadique », indique Ibrahim Bechrouri.
« Un esprit d’équipe très fort »
À quelques kilomètres au nord de Créteil, sous la pluie d’un vendredi soir, sur le terrain synthétique du stade Boutroux (Paris 13e), les deux équipes de féminines du F.C. Gobelins ont enfilé les capuches. Parmi elles, Aïssata, 16 ans, et Loubna, 28 ans, deux femmes de confession musulmane, ont gardé leur voile. Leur coach, Lazare Broohm, gère la section féminine et ses 35 filles. Pour lui, travailler avec des filles est un vrai choix : « Il y a un esprit d’équipe très fort, plus de travail, c’est comme une famille. »
Loubna, 28 ans, s’est mise au football cette année. Elle a choisi de jouer en portant le voile islamique.
Un sport dans lequel, lui et les joueuses l’assurent, « la religion ou l’appartenance à une communauté n’a jamais posé de problèmes ». Sur le terrain, la tolérance l’emporte. « Je n’ai jamais subi de remarque liée à mon voile », indique Aïssata. « Nous devons parfois expliquer à certains arbitres que son port est autorisé depuis une décision de la Fifa, en 2014, mais cela s’arrête là », explique Lazare Broohm.
Dans la banlieue nord de Paris, le stade Bernard-Lama, oasis de verdure dans la ville du 9-3 de Villetaneuse. Sur le terrain, Abdenour Ouidir, entraîneur du C. S. Berbères, repositionne ses joueurs. Ici, pour ce match amical de reprise face à l’Île-Saint-Denis, on se parle en tamazight (berbère). Huit nouveaux joueurs sont présents, tous ont en commun leurs origines kabyles. Originaires d’Algérie, certains sont arrivés en France il y a quelques mois. Au C. S. Berbères, ils viennent se replonger dans leurs origines. « C’est rassurant de trouver des membres de notre communauté, même loin de l’Algérie. On partage la même histoire », note Khaled, au club depuis trois ans. Sur leurs maillots jaune et vert, ils arborent fièrement un écusson sur lequel est imprimé un « Z » touareg.
Dans la banlieue nord de Paris, le stade Bernard-Lama, oasis de verdure dans la ville du 9-3 de Villetaneuse. Sur le terrain, Abdenour Ouidir, entraîneur du C. S. Berbères, repositionne ses joueurs. Ici, pour ce match amical de reprise face à l’Île-Saint-Denis, on se parle en tamazight (berbère). Huit nouveaux joueurs sont présents, tous ont en commun leurs origines kabyles. Originaires d’Algérie, certains sont arrivés en France il y a quelques mois. Au C. S. Berbères, ils viennent se replonger dans leurs origines. « C’est rassurant de trouver des membres de notre communauté, même loin de l’Algérie. On partage la même histoire », note Khaled, au club depuis trois ans. Sur leurs maillots jaune et vert, ils arborent fièrement un écusson sur lequel est imprimé un « Z » touareg.
Rivalités territoriales plus que religieuses
Le C. S. Berbères, « c’est avant tout une dénomination, mais notre club n’est pas exclusif. Au contraire, c’est un appel à venir découvrir notre culture et nous avons aussi eu des joueurs non kabyles », avance Abdenour Ouidir.
« Notre souhait est de promouvoir notre culture par le sport, en aucun cas nous ne sommes communautaristes. On est des Kabyles, pas des Arabes et on est fier d’affirmer notre existence. » Un nom qui pose problème ? « Il existe des rivalités, plus géographiques, avec Pierrefitte ou Aulnay, que vraiment liées à nos origines », explique le secrétaire général de Villetaneuse, Aziz Mouhoub. Pour Abdenour Ouidir, pourtant, il existe un racisme anti-Berbères : « On nous traite de “mangeurs de porc” ou de “mécréants”. »
À part quelques cas isolés, le football semble donc à l’abri des dérives religieuses constatées dans certains quartiers. De quoi affirmer que « le foot français a une certaine avance sur le reste de la société », comme l’explique le journaliste Nicolas Vilas, auteur de Dieu football club. « C’est un sport de pauvres qui est devenu riche, conclut Mohand Tamazouzt. Mais il restera toujours, notamment dans les quartiers, un sport populaire qui rassemble : deux tee-shirts, un ballon en papier et les enfants peuvent jouer. »
À part quelques cas isolés, le football semble donc à l’abri des dérives religieuses constatées dans certains quartiers. De quoi affirmer que « le foot français a une certaine avance sur le reste de la société », comme l’explique le journaliste Nicolas Vilas, auteur de Dieu football club. « C’est un sport de pauvres qui est devenu riche, conclut Mohand Tamazouzt. Mais il restera toujours, notamment dans les quartiers, un sport populaire qui rassemble : deux tee-shirts, un ballon en papier et les enfants peuvent jouer. »
Paul Dietschy, professeur d’histoire contemporaine à l’université de Franche-Comté, est l’auteur de « Histoire du football » (éd. Perrin, 2010).
Paul Dietschy, historien du sport : « La passion a tendance à l’emporter sur tout »
Saphirnews : Selon le sociologue Stéphane Beaud, « le football est le miroir de notre société ». Êtes-vous d’accord avec cette affirmation ? Si oui, est-ce toujours le cas ?
Paul Dietschy : Le football est un phénomène de masse qui transcende les strates sociales. Mais c’est un miroir déformant, car il concerne plus les hommes que les femmes, et le football a tendance à tout exagérer. C’est notamment le cas de la réussite sociale que ce sport permet chez les classes populaires.
L’Équipe de France reflète le renouvellement de la société française à travers les vagues migratoires. Le football occupe aujourd’hui une place très importante dans la société, on le voit à travers son rôle auprès des États, des collectivités territoriales et même de la géopolitique comme le montre l'actualité du Paris-Saint-Germain et du Qatar.
En tant qu’historien du sport, trouvez-vous que la religion prend plus de place dans le football amateur qu’auparavant ?
Paul Dietschy : La relation entre la religion et le football est ancienne. En Angleterre, dès sa création à la fin du XIXe siècle, des clubs protestants, comme Aston Villa (Birmingham), ont vu le jour. En France, le football s’est popularisé grâce au patronage catholique, dans le Nord et dans l’Ouest. Moins violent que le rugby, il détournait les jeunes des mauvaises pensées. Ce lien fort dure jusqu’aux années 1950.
En Algérie, les premiers grands clubs sont musulmans, à l’image du Mouloudia club d’Alger, créé en 1921. Les clubs « Maccabi », eux, datent des années 1930 et sont issus du mouvement sioniste, d’abord identitaire avant d’être religieux. L’identité religieuse dans le football est apparue très tôt. Elle s’est estompée dans les années 1960 pour réapparaître dans les années 1980-1990, en raison de la réaffirmation du religieux dans la société.
Le football permet-il de rapprocher des personnes de confessions religieuses différentes ? Ou, au contraire, est-ce que les tensions pouvant exister entre juifs et musulmans prennent le pas sur le sport ?
Paul Dietschy : Les violences dans le football amateur sont davantages liées à des questions territoriales (rivalités entre quartiers) que religieuses ou identitaires. Dans l’Histoire, on constate que, quel que soit le pouvoir religieux ou politique en place, la passion a tendance à l’emporter sur tout. D’ailleurs, les pratiquants traditionalistes ou intégristes méprisent le football : que ce soit Daesh ou les orthodoxes juifs.
On assiste cependant, au niveau professionnel, à une poussée revendicatrice. La religion sort du privé. Par exemple, Paul Pogba va à La Mecque, partage cette information sur les réseaux sociaux et dit que c’est le plus beau jour de sa vie. En amateur, ce qui prime, c’est l’entre-soi. Le football reste un lieu de rencontres, ce qui peut parfois générer quelques tensions, même s’il dépasse l’identité religieuse ou politique.
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Paul Dietschy : La relation entre la religion et le football est ancienne. En Angleterre, dès sa création à la fin du XIXe siècle, des clubs protestants, comme Aston Villa (Birmingham), ont vu le jour. En France, le football s’est popularisé grâce au patronage catholique, dans le Nord et dans l’Ouest. Moins violent que le rugby, il détournait les jeunes des mauvaises pensées. Ce lien fort dure jusqu’aux années 1950.
En Algérie, les premiers grands clubs sont musulmans, à l’image du Mouloudia club d’Alger, créé en 1921. Les clubs « Maccabi », eux, datent des années 1930 et sont issus du mouvement sioniste, d’abord identitaire avant d’être religieux. L’identité religieuse dans le football est apparue très tôt. Elle s’est estompée dans les années 1960 pour réapparaître dans les années 1980-1990, en raison de la réaffirmation du religieux dans la société.
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On assiste cependant, au niveau professionnel, à une poussée revendicatrice. La religion sort du privé. Par exemple, Paul Pogba va à La Mecque, partage cette information sur les réseaux sociaux et dit que c’est le plus beau jour de sa vie. En amateur, ce qui prime, c’est l’entre-soi. Le football reste un lieu de rencontres, ce qui peut parfois générer quelques tensions, même s’il dépasse l’identité religieuse ou politique.
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En partenariat avec le Centre de formation et de perfectionnement des journalistes (CFPJ).
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