Michael Privot, islamologue
Saphirnews : Pouvez-vous vous présenter ?
Michael Privot : Je suis islamologue, membre du Conseil d’administration et porte-parole d’une des plus grandes mosquées reconnues officiellement par l’Etat belge. A ce titre, je suis également directement impliqué dans la problématique de l’institutionnalisation de la représentation des musulmans de Belgique depuis plusieurs années.
Quelle est cette nouvelle crise qui secoue l'Exécutif des musulmans de Belgique ?
Michael Privot : La crise actuelle (qui vient de s’achever – provisoirement ? – lors de la dernière Assemblée générale du vendredi 13 juin) ne constitue qu’un énième avatar des élections du 20 mars 2005. Ces élections avaient été fortement soutenues et encouragées par le ministre de la Justice et des Cultes de l’époque. Elle avaient eu pour résultat notable de conférer une forte représentation aux tenants d’un islam proche des ambassades, tant du côté des populations d’origine turque que marocaine, les deux populations musulmanes majoritaires en Belgique (grosso modo, 60 % de personnes d’origine marocaine, 30 % de personnes d’origine turque et 10 % de personnes de toutes origines, y compris les convertis, composent la « communauté musulmane » de Belgique dont les estimations numériques varient entre 400 et 500 000 individus).
Du fait du boycott des élections de 2005 par une partie importante de la population d’origine marocaine qui s’opposait à la tenue même d’un processus électoral dans les conditions difficiles qui étaient celles de l’époque, et ce pour des raisons multiples qu’il serait trop long d’expliquer ici, les représentants d’origine turque liés à la fédération de la Diyanet (DITIB – l’administration en charge du culte, directement dépendante d’Ankara) sont devenus le groupe le plus important d’une Assemblée générale composée de 68 membres. Assemblée au sein de laquelle sont élues les 17 personnes qui constituent l’Exécutif des Musulmans de Belgique, seul organe reconnu officiellement par l’Etat belge pour la « gestion du temporel du culte musulman ».
Du côté des élus d’origine marocaine, il n’y a pas de fédération de ce genre, mais un réseau d’influence beaucoup plus difficile à circonscrire et passant parfois par les canaux confréristes. Celui-ci est toutefois aussi efficace quand il s’agit de défendre un certain nombre d’intérêts strictement communautaires (au sens ethnoculturel du terme cette fois-ci).
Du fait du boycott des élections de 2005 par une partie importante de la population d’origine marocaine qui s’opposait à la tenue même d’un processus électoral dans les conditions difficiles qui étaient celles de l’époque, et ce pour des raisons multiples qu’il serait trop long d’expliquer ici, les représentants d’origine turque liés à la fédération de la Diyanet (DITIB – l’administration en charge du culte, directement dépendante d’Ankara) sont devenus le groupe le plus important d’une Assemblée générale composée de 68 membres. Assemblée au sein de laquelle sont élues les 17 personnes qui constituent l’Exécutif des Musulmans de Belgique, seul organe reconnu officiellement par l’Etat belge pour la « gestion du temporel du culte musulman ».
Du côté des élus d’origine marocaine, il n’y a pas de fédération de ce genre, mais un réseau d’influence beaucoup plus difficile à circonscrire et passant parfois par les canaux confréristes. Celui-ci est toutefois aussi efficace quand il s’agit de défendre un certain nombre d’intérêts strictement communautaires (au sens ethnoculturel du terme cette fois-ci).
Que s'est-il passé après les élections de 2005 ?
Michael Privot : Dès le départ, ces deux groupes proches de leurs ambassades respectives et désormais majoritaires au sein de l’Assemblée générale se sont alliés pour contrôler toute la structure. Et pour cause, les enjeux étaient – et sont toujours – de taille :
1. Reconnaissance officielle des mosquées par l’Etat belge (par l’intermédiaire des Régions wallonne, flamande et bruxelloises compétentes en matière de lieux de culte), impliquant le subventionnement de leur déficit annuel en matière d’entretien et de frais de fonctionnement,
2. Reconnaissance corollaire de leurs imâms qui deviennent alors ministres du culte et fonctionnaires rémunérés par le ministère de la Justice et des Cultes, comme le sont prêtres et rabbins,
3. Contrôle des désignations des enseignants de religion musulmane dans les écoles publiques et détermination du curriculum,
4. Quelques dossiers annexes comme la désignation des aumôniers de prison et hôpitaux, etc.
A l’heure où la question de la formation d’imams « indigènes » en fonction de curricula répondant aux attentes de nos sociétés sécularisées devient de plus en plus pressante, des fédérations telles que la Diyanet qui importent directement de Turquie leurs imams ne pouvaient prendre le risque de laisser d’éventuelles négociations en dehors de leur contrôle. Pareil pour la question du subventionnement des mosquées. Les autorités marocaines, quant à elles, ne pouvant toujours pas se résoudre à laisser s’autonomiser leurs ressortissants résidant à l’étranger au vu de la rente financière importante qu’ils représentent pour l’économie marocaine dans son ensemble, ont également tout intérêt à contrôler le discours religieux auquel sont soumis leurs ouailles et éviter tout discours qui insisterait sur la création d’un islam ancré en Europe quant à ses références. Celui-ci risquerait peut-être de détourner les fidèles d’une attache affective, mais surtout financière, avec le pays d’origine au fur et à mesure du passage des générations.
Dès lors, entre jeux de pouvoirs continus et absence singulière de bonne gouvernance (népotisme dans les nominations, abus de biens sociaux,…), l’EMB a été contraint de démissionner début 2008 par un vote de défiance de l’Assemblée générale faisant suite à une série d’inculpations de certains de ses membres. Il n’avait que peu d’éléments positifs à son bilan en dehors de la reconnaissance partielle d’une soixantaine de mosquées en Belgique, sur un total de près de 360.
1. Reconnaissance officielle des mosquées par l’Etat belge (par l’intermédiaire des Régions wallonne, flamande et bruxelloises compétentes en matière de lieux de culte), impliquant le subventionnement de leur déficit annuel en matière d’entretien et de frais de fonctionnement,
2. Reconnaissance corollaire de leurs imâms qui deviennent alors ministres du culte et fonctionnaires rémunérés par le ministère de la Justice et des Cultes, comme le sont prêtres et rabbins,
3. Contrôle des désignations des enseignants de religion musulmane dans les écoles publiques et détermination du curriculum,
4. Quelques dossiers annexes comme la désignation des aumôniers de prison et hôpitaux, etc.
A l’heure où la question de la formation d’imams « indigènes » en fonction de curricula répondant aux attentes de nos sociétés sécularisées devient de plus en plus pressante, des fédérations telles que la Diyanet qui importent directement de Turquie leurs imams ne pouvaient prendre le risque de laisser d’éventuelles négociations en dehors de leur contrôle. Pareil pour la question du subventionnement des mosquées. Les autorités marocaines, quant à elles, ne pouvant toujours pas se résoudre à laisser s’autonomiser leurs ressortissants résidant à l’étranger au vu de la rente financière importante qu’ils représentent pour l’économie marocaine dans son ensemble, ont également tout intérêt à contrôler le discours religieux auquel sont soumis leurs ouailles et éviter tout discours qui insisterait sur la création d’un islam ancré en Europe quant à ses références. Celui-ci risquerait peut-être de détourner les fidèles d’une attache affective, mais surtout financière, avec le pays d’origine au fur et à mesure du passage des générations.
Dès lors, entre jeux de pouvoirs continus et absence singulière de bonne gouvernance (népotisme dans les nominations, abus de biens sociaux,…), l’EMB a été contraint de démissionner début 2008 par un vote de défiance de l’Assemblée générale faisant suite à une série d’inculpations de certains de ses membres. Il n’avait que peu d’éléments positifs à son bilan en dehors de la reconnaissance partielle d’une soixantaine de mosquées en Belgique, sur un total de près de 360.
Un nouvel EMB a été ensuite élu...
Michael Privot : Un nouvel EMB, issu de la même Assemblée générale, fut élu le 14 mars. Bien qu’il ait fait place à quelques jeunes réformateurs de toutes origines – dont la Vice-présidente Isabelle Praile, convertie et chiite –, le fait que la Présidence de l’EMB soit toujours occupée par un affilié à la Diyanet et que des proches des réseaux consulaires turcs et marocains en soient toujours membres, a replongé l’EMB dans des enjeux de pouvoir et de représentation, alors que le financement de l’EMB sera définitivement arrêté en mars 2009. La structure actuelle n’a donc plus que quelques mois pour attaquer les trois chantiers prioritaires suivants :
- Avancer substantiellement dans le dossier de la reconnaissance officielle des mosquées et des imams ;
- Lancer une réflexion en profondeur sur la problématique de la représentation des musulmans de Belgique en vue de tirer les enseignements de ces 20 dernières années et proposer des alternatives durables ;
- Assurer son propre financement sur des ressources qui restent encore à définir.
Bref, réaliser en 10 mois ce qu’il a été impossible de mettre sur pied en 10 ans.
Autant dire que rien n’est gagné et que l’existence d’un organe de gestion du temporel du culte musulman (EMB ou autre) est loin d’être acquise au moment où la Diyanet veut jouer en solo la carte des fédérations comme seules interlocutrices crédibles de l’Etat belge (et ce d’autant plus qu’elle est la seule véritable fédération existant en Belgique, à côté du Milli Görüs, deux fois plus petite cependant). Face à ces velléités, le Maroc tente de susciter le développement d'une fédération de mosquées qui lui serait proche, voire son propre conseil de savants.
Coût de l’opération : chaque partie fait fi de la nécessité d’élaborer une réflexion juridique prenant en compte la réalité du terrain belge et de sa diversité en matière d’orthodoxie et d’orthopraxie jurisprudentielles.
- Avancer substantiellement dans le dossier de la reconnaissance officielle des mosquées et des imams ;
- Lancer une réflexion en profondeur sur la problématique de la représentation des musulmans de Belgique en vue de tirer les enseignements de ces 20 dernières années et proposer des alternatives durables ;
- Assurer son propre financement sur des ressources qui restent encore à définir.
Bref, réaliser en 10 mois ce qu’il a été impossible de mettre sur pied en 10 ans.
Autant dire que rien n’est gagné et que l’existence d’un organe de gestion du temporel du culte musulman (EMB ou autre) est loin d’être acquise au moment où la Diyanet veut jouer en solo la carte des fédérations comme seules interlocutrices crédibles de l’Etat belge (et ce d’autant plus qu’elle est la seule véritable fédération existant en Belgique, à côté du Milli Görüs, deux fois plus petite cependant). Face à ces velléités, le Maroc tente de susciter le développement d'une fédération de mosquées qui lui serait proche, voire son propre conseil de savants.
Coût de l’opération : chaque partie fait fi de la nécessité d’élaborer une réflexion juridique prenant en compte la réalité du terrain belge et de sa diversité en matière d’orthodoxie et d’orthopraxie jurisprudentielles.
Pourquoi 23 des 68 membres de l'Assemblée générale de l'EMB ont présenté le 12 juin leur démission ?
Michael Privot : En conséquence des enjeux mentionnés ci-dessus et face, manifestement, à l’impossibilité de faire vraiment avancer l’EMB dans la direction qu’ils souhaitaient, les démissionnaires, presque tous membres de la Diyanet, quittent un navire dont ils ne voient plus l’utilité et qu’ils ont amplement contribué à saborder. Leur objectif : tenter une ultime manœuvre de déstabilisation et de discrédit de l’équipe actuelle et tout miser sur la reconnaissance de leur fédération comme interlocutrice officielle de l’Etat belge. Il n’est point question ici d’esprit de réforme en profondeur de la représentation des musulmans de Belgique comme ils l’annoncent dans leur communiqué de presse, mais de mettre les musulmans de Belgique (ou en tous cas les membres que cette fédération représente) sous la tutelle de l’administration turque des affaires religieuses dont « l’indépendance » à l’égard du pouvoir central est bien connue.
A titre d’anecdote, les mosquées liées à cette fédération continuent par ailleurs, chaque vendredi, à implorer Dieu de bénir et de protéger leur pays… la Turquie, bien sûr ! Et ce, alors que la majeure partie de la communauté musulmane d’origine turque possède désormais la nationalité belge. Un bel exemple d’intégration s’il en est, mais in fine fort peu étonnant quand on apprend que le conseiller aux Affaires religieuses de l’ambassade de Turquie en Belgique irait jusqu’à dire qu’il préfèrera toujours traiter avec un musulman voleur qu’avec un non-musulman.
Un peu d’espoir quand même dans ce triste tableau : cette hégémonie administrative commence peu à peu à être contestée de l’intérieur par les membres de base de cette fédération. Mais combien de temps faudra-t-il pour y faire vraiment le ménage ?
A titre d’anecdote, les mosquées liées à cette fédération continuent par ailleurs, chaque vendredi, à implorer Dieu de bénir et de protéger leur pays… la Turquie, bien sûr ! Et ce, alors que la majeure partie de la communauté musulmane d’origine turque possède désormais la nationalité belge. Un bel exemple d’intégration s’il en est, mais in fine fort peu étonnant quand on apprend que le conseiller aux Affaires religieuses de l’ambassade de Turquie en Belgique irait jusqu’à dire qu’il préfèrera toujours traiter avec un musulman voleur qu’avec un non-musulman.
Un peu d’espoir quand même dans ce triste tableau : cette hégémonie administrative commence peu à peu à être contestée de l’intérieur par les membres de base de cette fédération. Mais combien de temps faudra-t-il pour y faire vraiment le ménage ?
Et pourquoi le ministre de la Justice belge Jo Vandeurzen refuse-t-il de réaccorder des crédits à l'instance ?
Michael Privot : Le financement de l’EMB était, dès l’origine, voué à s’éteindre une fois la reconnaissance des mosquées et des imams achevée. Aucune date n’avait été avancée à l’époque, mais chacun présumait qu’un nombre d’années relativement limité y suffirait. 10 ans ont passé et seuls 15 % des mosquées ont été partiellement reconnues. Face aux situations de blocage répétées que connaît l’institution pour des raisons multiples dont j’ai exposé certaines ci-dessus, l'Etat belge commence à montrer une certaine impatience face à une institution qui tarde à délivrer des progrès concrets. L'avenir proche ne semble pas offrir, en outre, de perspectives outrageusement optimistes en la matière.
En l'occurrence, étant donné que l'Etat ne peut intervenir directement dans les affaires internes du culte pour cause de séparation des pouvoirs, il reste peu de moyens à ce dernier pour tenter de faire avancer les choses à part menacer de couper les ressources financières de l’EMB si la communauté musulmane ne propose pas une institution fonctionnelle, efficace et gérée de manière professionnelle. Et ce d’autant plus que le précédent EMB a quitté ses fonctions en laissant un trou de près de 300 000€ dans sa comptabilité !
Si une telle mesure peut paraître faire sens d’un certain point de vue, on touche pourtant là à l’un des paradoxes, voire une des contradictions les plus dommageables de la gestion du dossier de l'institutionnalisation de la représentation des musulmans de Belgique par l'Etat belge lui-même. D'un côté, il tient un discours encourageant fortement à l'intégration des musulmans de Belgique au sein de la population majoritaire et à leur émancipation des tutelles étrangères, mais ne cesse parallèlement de sous-traiter leur gestion concrète, d'une façon comme d'une autre, à des Etats étrangers au travers de leurs réseaux d'influences plus ou moins formalisés. Cette politique schizophrénique joue évidemment un rôle crucial dans la situation actuelle. Elle entraîne :
- un manque de clarté pour les musulmans vis-à-vis des attentes et des promesses de l'Etat belge ;
- une application de standards différents pour les citoyens belges de confession musulmane par rapport à leurs concitoyens d'autres confessions ou convictions puisque le traitement de leurs affaires reste soumis à des ingérences étrangères plus ou moins fortes s'exerçant en dehors de tout contrôle démocratique ;
- ou encore une application d'obligations discriminantes, à la limite de la légalité, à l’instar du dernier règlement électoral imposé par une commission d'experts désignée par le Ministre des Cultes (i.e. la nécessité de l'auto-désignation des électeurs selon des catégories ethnoculturelles en vue de la création de collèges électoraux artificiels (marocain, turc, converti, autre))...
Loin d'être un interlocuteur neutre, l'Etat belge est une partie prenante active de ce processus d'institutionnalisation et a donc une responsabilité importante, mais non assumée, dans la situation actuelle de l'institution.
En l'occurrence, étant donné que l'Etat ne peut intervenir directement dans les affaires internes du culte pour cause de séparation des pouvoirs, il reste peu de moyens à ce dernier pour tenter de faire avancer les choses à part menacer de couper les ressources financières de l’EMB si la communauté musulmane ne propose pas une institution fonctionnelle, efficace et gérée de manière professionnelle. Et ce d’autant plus que le précédent EMB a quitté ses fonctions en laissant un trou de près de 300 000€ dans sa comptabilité !
Si une telle mesure peut paraître faire sens d’un certain point de vue, on touche pourtant là à l’un des paradoxes, voire une des contradictions les plus dommageables de la gestion du dossier de l'institutionnalisation de la représentation des musulmans de Belgique par l'Etat belge lui-même. D'un côté, il tient un discours encourageant fortement à l'intégration des musulmans de Belgique au sein de la population majoritaire et à leur émancipation des tutelles étrangères, mais ne cesse parallèlement de sous-traiter leur gestion concrète, d'une façon comme d'une autre, à des Etats étrangers au travers de leurs réseaux d'influences plus ou moins formalisés. Cette politique schizophrénique joue évidemment un rôle crucial dans la situation actuelle. Elle entraîne :
- un manque de clarté pour les musulmans vis-à-vis des attentes et des promesses de l'Etat belge ;
- une application de standards différents pour les citoyens belges de confession musulmane par rapport à leurs concitoyens d'autres confessions ou convictions puisque le traitement de leurs affaires reste soumis à des ingérences étrangères plus ou moins fortes s'exerçant en dehors de tout contrôle démocratique ;
- ou encore une application d'obligations discriminantes, à la limite de la légalité, à l’instar du dernier règlement électoral imposé par une commission d'experts désignée par le Ministre des Cultes (i.e. la nécessité de l'auto-désignation des électeurs selon des catégories ethnoculturelles en vue de la création de collèges électoraux artificiels (marocain, turc, converti, autre))...
Loin d'être un interlocuteur neutre, l'Etat belge est une partie prenante active de ce processus d'institutionnalisation et a donc une responsabilité importante, mais non assumée, dans la situation actuelle de l'institution.
Les difficultés auxquelles doit faire face l'EMB peuvent-elles être comparées à celles auxquelles fait face le CFCM en France, à savoir les conflits de nationalités et autres luttes d'influence ?
Michael Privot : Oui, si l'on s'en tient aux conflits de nationalités et autres luttes d'influence. Pour ce qui relève des autres aspects de la problématique française, je ne suis pas assez informé pour pouvoir pousser plus loin la comparaison. Ceci étant, on retrouve chez un certain nombre d'élus la même quête de légitimation, d'accession au capital symbolique, voire politique (on traite avec les ministres ou leurs administrations), les mêmes stratégies de notabilisation intra- voire extracommunautaires, etc. L'accumulation de ces multiples dimensions individuelles ajoute évidemment à la complexité de la compréhension des enjeux institutionnels de cette représentation.
Enfin, comment est perçu l'EMB par les musulmans Belges ?
Michael Privot : Autant dire que sa crédibilité est réduite à néant. Les musulmans avaient investi, peut-être à tort, beaucoup d'espoirs dans ce processus. Nombreux étaient également ceux qui avaient des attentes ne correspondant d'aucune façon au mandat de l'institution (e.g. défendre le port du foulard dans les écoles, prendre des décisions jurisprudentielles en la matière,...), ce qui n'a pas manqué de conduire à de lourdes déceptions.
Mais au-delà de ça, la population est plus choquée par les "affaires" diverses qui ont entaché la gestion de l'EMB et par la démonstration d'une incapacité à s'entendre et à collaborer en faisant fi des intérêts strictement ethno-communautaires pour traiter de l'intérêt général de la communauté musulmane de Belgique. Il est attendu, en effet, de personnes acceptant de prendre de telles responsabilités qu'elles fassent preuve d'une éthique exemplaire à la hauteur des valeurs promues par la communauté de foi qu'elles sont censées représenter. Et du fait de quelques canards boiteux qui n'ont pas pu départager entre les différents intérêts en jeu, c'est l'ensemble de l'institution et des personnes qui s'y sont investies qui sont frappés de discrédit. C'est dommage, mais prévisible.
En conclusion, lors des élections de 1998 et 2005, les musulmans ont démontré avec brio leur maturité démocratique en organisant de véritables élections libres et démocratique, ouverts à tou-te-s, devenant ipso facto la seule communauté convictionnelle de Belgique, voire d’Europe, à élire ses représentants au suffrage universel dans une telle transparence. Ils doivent maintenant tirer les leçons des douloureuses expériences de gestion, de négociation intracommunautaire ainsi qu’avec les autorités gouvernementales qui s’en sont suivies, pour envisager enfin, sereinement, un mode de représentation qui permette de contourner les obstacles apparus jusqu'à présent et ce en vue de faire émerger une véritable communauté musulmane de Belgique par delà la joyeuse diversité du patchwork des multiples communautés d'origine.
Mais au-delà de ça, la population est plus choquée par les "affaires" diverses qui ont entaché la gestion de l'EMB et par la démonstration d'une incapacité à s'entendre et à collaborer en faisant fi des intérêts strictement ethno-communautaires pour traiter de l'intérêt général de la communauté musulmane de Belgique. Il est attendu, en effet, de personnes acceptant de prendre de telles responsabilités qu'elles fassent preuve d'une éthique exemplaire à la hauteur des valeurs promues par la communauté de foi qu'elles sont censées représenter. Et du fait de quelques canards boiteux qui n'ont pas pu départager entre les différents intérêts en jeu, c'est l'ensemble de l'institution et des personnes qui s'y sont investies qui sont frappés de discrédit. C'est dommage, mais prévisible.
En conclusion, lors des élections de 1998 et 2005, les musulmans ont démontré avec brio leur maturité démocratique en organisant de véritables élections libres et démocratique, ouverts à tou-te-s, devenant ipso facto la seule communauté convictionnelle de Belgique, voire d’Europe, à élire ses représentants au suffrage universel dans une telle transparence. Ils doivent maintenant tirer les leçons des douloureuses expériences de gestion, de négociation intracommunautaire ainsi qu’avec les autorités gouvernementales qui s’en sont suivies, pour envisager enfin, sereinement, un mode de représentation qui permette de contourner les obstacles apparus jusqu'à présent et ce en vue de faire émerger une véritable communauté musulmane de Belgique par delà la joyeuse diversité du patchwork des multiples communautés d'origine.