Préfacé par Tariq Ramadan, « Musulmane tout simplement » de Asma Lamrabet fait sans conteste partie des livres de référence pour tout lecteur francophone. De ceux que l’on distribuerait autour de nous sans compter et à toute personne, homme ou femme, musulman(e) ou non. Et à fortiori aux non musulman(e)s. Parce que l’œuvre brise les images préconçues sur l’Islam en général et sur les musulmans en particulier. Elle démonte les idées reçues. Asma Lamrabet y fait en sorte que le rejet et la caricature systématiques du monde musulman fassent place au questionnement, à la recherche et à la remise en cause du flot ininterrompu d’images, de reportages et d’informations véhiculés au sujet de tout ce qui touche à l’Islam.
La couverture est attirante, séduisante. La quatrième de couverture nous pousse à feuilleter le livre. En faire défiler les pages nous captive et nous prend. Bref, vous l’aurez compris, « Musulmane tout simplement » englobe des qualités essentielles. Asma Lamrabet a travaillé assidûment à la rédaction et à la cohésion de son ouvrage et cela se voit d’emblée. L’écriture limpide, les caractères permettant une lecture continue sans fatigue aucune, et la division en chapitres cohérents et nullement rébarbatifs en constituent les points forts. Allons donc plus loin et examinons l’œuvre de plus près.
Ce qui nous frappe dès la lecture des premières pages, c’est cette impression que les mots coulent de source et s’enchaînent naturellement. Sans effort. La fluidité du texte, la simplicité des mots et des phrases ainsi que leur pertinence captivent totalement le lecteur et lui permet de se plonger dans la pensée de l’auteure. Clair et convaincant, « Musulmane tout simplement » se base sur des références solides suivies d’une argumentation valable et bien construite.
Divisé en sept chapitres, eux-mêmes subdivisés en sous-parties, l'ouvrage d'Asma Lamrabet commence par présenter les différents « profils féminins dans la société musulmane d’aujourd’hui ». En effet, la communauté arabe féminine est loin d’être uniforme. Ainsi, « on rencontre la citadine issue d’une famille aisée, [...] elle a fait des études dans les établissements occidentaux, elle est émancipée et moderne. [...] Son identité d’origine va se résumer à quelques aspects sociaux, tels l’habit traditionnel porté lors des fêtes religieuses ou familiales, l’exotisme culturel et le sens de la famille.[...] Pratiquer l’islam consistera pour elle à avoir la foi et uniquement la foi ». Vient ensuite la « traditionaliste qui est généralement arabophone. Elle est tout à fait à l’opposé de sa consoeur occidentalisée. Le plus souvent issue d’une famille modeste, elle a fait des études dans les établissements publics. [...] Elle a vis-à-vis du mode de vie occidental un sentiment assez ambigu, souvent de rejet, mais parfois d’admiration inavouée. [...] Elle sera sur le plan religieux plus pratiquante ». Entre ces deux conceptions, « quelle identité ? » se demande l’auteure. « Comment la femme peut elle se définir et s’affirmer dans une société qui se veut musulmane mais qui déprécie la femme ? » déplore-t-elle.
Et cette question fondamentale est une occasion de revisiter, de dépoussiérer et de remettre au goût du jour les vraies valeurs de l’Islam s’agissant de la femme, de son rôle et de sa place. Attention, « sujet extrêmement sensible », nous prévient malicieusement Asma Lamrabet. Car « parler de la femme et de l’Islam renvoie quasi systématiquement à une seule et unique idée : le Mal islamique a pour principale cible la femme ! ». S’appuyant alors sur des chiffres précis et des documents officiels, l’auteure démonte un à un les stéréotypes et les clichés de « femmes minées par la dureté de la vie et opprimées par les hommes », et dresse un tableau sans concession de la situation de la femme en occident.
Ne cherchant pas à nier « l’existence d’un extrémisme religieux musulman », Asma Lamrabet rejette la thèse occidentale selon laquelle le « réveil de l’Islam » dans les sociétés arabes et musulmanes serait dû à la pauvreté, à la volonté de s’emparer du pouvoir ou encore symbole d' « une réaction identitaire contre un occident hégémonique ». Pour elle, il s’agit « d’un réveil de la conscience musulmane porté par les références islamiques, où l’engagement social est total, où règne un espoir : celui d’un monde plus sain, plus juste, plus libre, plus humain et en même temps plus proche de Dieu ». Ce « réveil » ne devrait donc pas être perçu comme une menace mais plutôt comme la volonté de construire une société équilibrée.
Inévitablement, la question du voile est traitée en fin d’ouvrage dans un chapitre très justement intitulé « le voile de toutes les discordes ». Et sûrement comme une petite pique, une boutade, Asma Lamrabet souligne « que les occidentaux –et beaucoup de musulmans- ne parviennent pas à dépasser une analyse dite rationaliste et voient en toute femme voilée une victime, qu’ils se croient en droit de libérer –de son voile- par un excès soudain d’humanisme, peut être compréhensible parce qu’ils sont eux-mêmes victimes de la pensée unique, matérialiste et laïque qui a façonné leur histoire et leur éducation ». N’ajoutons rien. Tout est dit.
Seule fausse note de l’ouvrage : en parcourant la quatrième de couverture, l’attente, légitime et profondément humaine, est celle de voir et de lire en tout ou partie le parcours et le cheminement de l’auteure. L’introduction nous met l’eau à la bouche et nous donne envie d’en savoir plus concernant Asma Lamrabet. Et même si la suite et le contenu de l’œuvre nous apportent énormément, quelque part on ferme le livre un tant soit peu frustrés, comme s’il manquait ce petit quelque chose, cette part intime qui en ferait un bijou.
Titre : Musulmane tout simplement.
Auteur : Asma Lamrabet.
Nombre de pages : 199.
Editeur : Tawhid.