Dimanche dernier, deux balles ont mortellement blessé un jeune enfant de 11 ans. Sidi Ahmed, bon élève de CM2, a été victime de deux bandes rivales du quartier de la cité des 4000 à la Courneuve, située en Seine Saint Denis. Le garçonnet se rendait à la voiture de son père pour la nettoyer, et ne plus revenir. Il s’écroulera au pied de son immeuble… Le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, s’empresse alors sur les lieux et dérape. Une opération de communication se fait au détriment de l’enquête pour retrouver les meurtriers.
La population est choquée, et un rassemblement de plus de 2000 personnes s’est fait au quartier Balzac, la cité où vivait l’enfant. Une opération policière de grande envergure a été menée auparavant sous ordre du 'premier flic de France'.
Opération nettoyage
« On est Français, on veut que nos enfants vivent comme des Français » lance une mère de famille d’origine maghrébine à l’arrivée de Nicolas Sarkozy . Des mots qui parlent et résume la situation d’une cité ghetto oubliée au cœur de la banlieue parisienne. A cette injonction, le ministre de l’intérieur a répondu : « Les voyous vont disparaître, je mettrai les effectifs qu'il faut, mais on nettoiera la Cité des 4 000 »… Tollé !
Dérapage sémantique volontaire ? Le retour de Sarkozy se fait sur les chapeaux de roues, et ne manque pas de susciter indignation et peur chez la plupart des associations des droits de l’homme. « On nettoie des êtres humains alors qu'il s'agit d'arrêter des délinquants. Ce vocabulaire relève d'un discours populiste et non pas de la représentation de la république », dénonce Jean Pierre Dubois, président de la Ligue des Droits de l’Homme.
Même son de cloche du côté du MRAP (Mouvement Contre le Racisme et pour l’Amitié des Peuple) : « Le ministre de l'Intérieur fait un amalgame révoltant entre des immigrés sans papiers et des tueurs d'enfants. Autant il est naturel que le ministre de l'Intérieur affirme sa solidarité avec les victimes et sa détermination à rechercher les coupables, autant on ne peut accepter la stigmatisation de toute une population qui devrait être soumise à un 'nettoyage au propre comme au figuré'. Si le Mrap pense que la sécurité est un droit pour tous, il ne peut accepter qu'un ministre de l'Intérieur donne un blanc-seing pour une répression indistincte qui risque de mener à une augmentation des bavures policières qui ont déjà considérablement augmenté ces dernières années ».
« Une gesticulation médiatique » qui gâche l’enquête
Outre le dérapage sémantique du ministre de l’intérieur, la solution face à ce problème de cité se résume en « une gesticulation médiatique », terme utilisé par le président de la LDH. « Il s'agissait pour M. Sarkozy de se mettre en valeur personnellement, ce qui paraît déplacé dans un contexte aussi dramatique » continue-t-il. La vaste opération de « nettoyage » semble démontrer les limites de l’opération de communication. Menée mardi, elle n’a rien donné, si ce n’est l’arrestation d’une personne, mais qui n’a rien à voir dans cette affaire ! Une compagnie de CRS et des policiers de la sécurité publique ont investi l'immeuble Balzac, une longue barre de quinze étages de la cité des 4 000, devant lequel Sidi Ahmed a été tué. Ils n’ont rien trouvé.
Pas étonnant si l’on en juge par les déclarations de l’Union Syndicale des Magistrats qui critique « une méconnaissance des nécessités de discrétion d'une enquête judiciaire » dans cette affaire de la part du ministre de l'Intérieur qui a, lors de sa visite, affirmé que l'arrestation des meurtriers était « une affaire d'heures plutôt que de jours. Cette annonce est une quasi-incitation des auteurs ou complices à prendre la fuite et à faire disparaître les preuves »…