Il vint au monde orphelin et il le quitta roi. Oui ! Roi… à la tête d’un empire spirituel. Choisi pour porter Le Message, il traversa la vie avec une prière sur les lèvres. Fondateur d’un culte sans image, bâti autour de la foi en Dieu l’Unique, guide généreux et pieux envoyé à l’humanité, le prophète Muhammad est à jamais Le Louangé dans les cœurs de tous les Musulmans du monde. En 1835, dans « le divan », Goethe écrivait que : « Jusqu’à ce jour, il n’est pas d’homme qui puisse se comparer à Mahomet ». Georges Bernard Shaw, prix Nobel de littérature en 1925, écrira à son tour que « si un homme comme Mohammed gouvernait le monde, il parviendrait à résoudre ses problèmes et à lui assurer paix et bonheur ». Mais il disait qu’il n’était qu’un homme. Lui a survécu sa communauté spirituelle. En ce Mouloud-Nabawi, commémorant sa naissance, c’est avec un parfum de nostalgie que Al Hassan nous évoque l’homme et l’œuvre en s’interrogeant sur l’héritage.
Ô Prophète !
Ô Prophète, qu’est devenue ta communauté ?
Hier si belle, si vertueuse.
Aujourd’hui pâle, morne, anxieuse.
Demain ? Je n’ose y voir, semi-obscurité.
Devant tant de gâchis, comment ne pas pleurer ?
Ô Prophète, qu’est devenue ta communauté ?
D’un homme, Envoyé unique, a surgi une Nation.
Solide, infaillible, flambeau de l’humanité !
Que s’est-il produit ? Nous voilà tous en prison.
Qui êtes-vous ? Juges impitoyables, sinistre assemblée !
Ô Prophète, qu’est devenue ta communauté ?
Oumma, ma oumma, ton cœur est bien malade.
Les germes de la discorde ont dévasté ta splendeur.
Imaginaire ou virtuelle, nous en sommes tous coupable,
Oui, je l’avoue, notre orgueil a dévoyé notre honneur !
Ô Prophète, qu’est devenue ta communauté ?
Du juste milieu, son centre de gravité bascula.
Des grandeurs et des faillites, elle vécu les aléas.
Engagée dans une traversée aussi périlleuse qu’imprudente,
A vouloir se renier, elle s’est mise en danger, l’Insolente !
Ô Prophète, qu’est devenue ta communauté ?
Loin d’Allah, loin des nôtres, nos cœurs se liquéfient,
Les hommes se déchirent, les frères se délient,
La crainte du Très-Haut, de nos êtres, s’est évaporée,
Ne cherchons pas ailleurs la cause de notre adversité.
Ô Prophète, qu’est devenue ta communauté ?
Faible, défiguré, notre Corps s’assoupit,
La langueur s’y développe, elle génère sa léthargie.
Nos membres s’alignent, rangs par rangs, pour la prière,
Mais l’esprit, bien souvent, s’évade de par l’arrière.
Ô Prophète, qu’est devenue ta communauté ?
L’Heure se rapproche, les hommes sont en perdition,
A deux pas de la tombe, ils fredonnent une chanson.
Par les temps qui courent, l’humanité court à sa perte,
Qu’attendez-vous musulmans pour vite sonner l’alerte ?
Ô Prophète, qu’est devenue ta communauté ?
L’amour de cette vie a embelli nos vices
Et, de la douceur de la foi, nous prive du délice.
Avons-nous perdu le sens de la raison ?
L’Enfer est pavé de bonnes intentions.
Ô Prophète, que reste-t-il de ta communauté ?
Si Abou Bakr le véridique, Omar le Prince des croyants,
Tes fidèles disciples, tes scrupuleux lieutenants,
Ne sont plus nos modèles mais des personnages d’Histoire.
Si nos cœurs ont préféré cette vie à l’école de l’espoir !
Alors le temps n’est plus loin qui verra venir Al Dajjal
Celui que l’on nomme l’Imposteur saura vendre son fiel.
Ô Prophète, qu’adviendra-t-il de ta communauté ?
Les siècles se succèdent en une effroyable similitude.
Notre mémoire s’obscurcit, notre terre est une solitude.
Saurons-nous retrouver l’allégresse de l’authentique foi?
Je l’espère, O Prophète, n’as tu pas indiqué la voie ?
Al Hassan (Paris, mars 2004)