(photo D.R.)
A l’heure où le Hamas vient de renoncer à la gestion unilatérale de la bande de Gaza, il est temps de revenir sur les informations alarmistes qui ont circulé tant sur de prétendues persécutions dont auraient été victimes les chrétiens que sur l’adoption de la charia. On s’apercevra qu’en Palestine en général les relations interconfessionnelles sont traditionnellement pacifiques quand aucune majorité ne souhaite une remise en question du statut institutionnel de la religion. La liberté religieuse n’est donc pas une question d’actualité quand celle de la liberté tout court, tant face à l’occupant qu’aux Autorités palestiniennes, en constitue véritablement une.
La diversité confessionnelle
« Terre promise » pour les juifs, « terre sainte » pour les chrétiens et « terre bénie » pour les musulmans, la Palestine a longtemps été caractérisée par sa diversité religieuse dans une coexistence plutôt pacifique. L'intervention du sionisme européen à partir de la fin du XIXe siècle et la création d'Israël en 1948 ont transformé le judaïsme en une nationalité, conduisant au déchirement de la Palestine dans la violence.
Les Israéliens sont aujourd’hui juifs à 75 % environ des quelque 8,6 millions d’habitants, 21 % étant des Palestiniens sunnites (plus de 80 %), chrétiens et druzes (10 % chacun), le reste n’étant pas identifié. Les Palestiniens des territoires (4, 8 millions, soit 2,9 en Cisjordanie et 1,9 à Gaza) sont, quant à eux, musulmans à plus de 98 %. Bien des chrétiens avaient pris dès les années 1940 le chemin de l'exil. Aujourd’hui, dans les territoires (Jérusalem comprise), mis à part les quelque 600 000 colons israéliens, la communauté juive est réduite à quelques centaines de Samaritains groupés autour de leur lieu saint du mont Garizim, près de Naplouse.
L'appartenance confessionnelle n'a jamais constitué le principe explicatif des heurts interpalestiniens de la période moderne, résistance au sionisme mise à part. Cette dernière et la construction d'une identité palestinienne depuis la fin du XIXe siècle ont toujours mobilisé dans un même effort les élites tant musulmanes que chrétiennes. Pour la période récente, certaines des plus importantes organisations membres de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) ont ainsi été fondées par des chrétiens : George Habache du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) comme Nayef Hawatmeh du Front démocratique (FDLP). Globalement, les chrétiens sont jusqu’à aujourd’hui surreprésentés dans les diverses instances palestiniennes de pouvoir avec, par exemple, Riyad al-Malki, ministre des Affaires étrangères de l’Autorité palestinienne intérimaire d’autonomie (AP) de Ramallah, et Hanan Achrawi, membre du Comité exécutif de l’OLP.
Les Israéliens sont aujourd’hui juifs à 75 % environ des quelque 8,6 millions d’habitants, 21 % étant des Palestiniens sunnites (plus de 80 %), chrétiens et druzes (10 % chacun), le reste n’étant pas identifié. Les Palestiniens des territoires (4, 8 millions, soit 2,9 en Cisjordanie et 1,9 à Gaza) sont, quant à eux, musulmans à plus de 98 %. Bien des chrétiens avaient pris dès les années 1940 le chemin de l'exil. Aujourd’hui, dans les territoires (Jérusalem comprise), mis à part les quelque 600 000 colons israéliens, la communauté juive est réduite à quelques centaines de Samaritains groupés autour de leur lieu saint du mont Garizim, près de Naplouse.
L'appartenance confessionnelle n'a jamais constitué le principe explicatif des heurts interpalestiniens de la période moderne, résistance au sionisme mise à part. Cette dernière et la construction d'une identité palestinienne depuis la fin du XIXe siècle ont toujours mobilisé dans un même effort les élites tant musulmanes que chrétiennes. Pour la période récente, certaines des plus importantes organisations membres de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) ont ainsi été fondées par des chrétiens : George Habache du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) comme Nayef Hawatmeh du Front démocratique (FDLP). Globalement, les chrétiens sont jusqu’à aujourd’hui surreprésentés dans les diverses instances palestiniennes de pouvoir avec, par exemple, Riyad al-Malki, ministre des Affaires étrangères de l’Autorité palestinienne intérimaire d’autonomie (AP) de Ramallah, et Hanan Achrawi, membre du Comité exécutif de l’OLP.
Le statut institutionnel de la religion
Si l’OLP, contrairement aux idées reçues, n’a jamais prôné l’établissement d’un État « laïc », ce n’est néanmoins que dans les années 1990 que l’islam a été inséré au cœur du dispositif institutionnel palestinien dans lequel la religion tient une place notable, cela en conformité avec les pratiques observables de la population.
La Loi fondamentale promulguée en 2003 par Yasser Arafat pour régir l’AP (dans des termes quasi identiques avec ceux des projets de Constitution de l’Etat de Palestine élaborés par l’OLP) est surmontée de la basmala, la formule coranique « Au nom de Dieu, le Miséricordieux, celui qui fait miséricorde ». Son article 4 fait de l’islam « la religion officielle en Palestine », tandis que « respect et sanctification vont aux autres religions célestes » (une terminologie islamique qui inclut juifs, chrétiens et musulmans en tant que bénéficiaires d'une révélation divine) sans néanmoins entraîner la nécessité pour le président d'être musulman. Le même article précise que « les principes de la charia islamique constituent une [souligné par moi] source principale de la législation ». Par ailleurs, selon l’article 9, « les Palestiniens sont égaux en droit et devant la justice, sans distinction fondée sur la race, le sexe, la couleur, la religion, les opinions politiques ou le handicap ».
La Loi fondamentale, pourtant, maintient le citoyen dans une appartenance à une communauté religieuse dans le cadre d’un système hérité des régimes antérieurs, ottoman, jordanien et égyptien : selon l’article 101, en effet, « les questions de charia et de statut personnel seront traitées par les cours de charî'a et religieuses conformément à la loi ».
La reconnaissance des communautés religieuses figure également dans le Code électoral qui accorde par la loi une surreprésentation des chrétiens. Lors des élections législatives, certaines circonscriptions bénéficient ainsi d’un nombre minimal d’élus chrétiens (le siège samaritain de 1996 a été supprimé en 2006) quand certaines localités, lors des élections municipales, se voient attribuer un nombre minimum d’élus chrétiens ou même un maire chrétien.
La Loi fondamentale promulguée en 2003 par Yasser Arafat pour régir l’AP (dans des termes quasi identiques avec ceux des projets de Constitution de l’Etat de Palestine élaborés par l’OLP) est surmontée de la basmala, la formule coranique « Au nom de Dieu, le Miséricordieux, celui qui fait miséricorde ». Son article 4 fait de l’islam « la religion officielle en Palestine », tandis que « respect et sanctification vont aux autres religions célestes » (une terminologie islamique qui inclut juifs, chrétiens et musulmans en tant que bénéficiaires d'une révélation divine) sans néanmoins entraîner la nécessité pour le président d'être musulman. Le même article précise que « les principes de la charia islamique constituent une [souligné par moi] source principale de la législation ». Par ailleurs, selon l’article 9, « les Palestiniens sont égaux en droit et devant la justice, sans distinction fondée sur la race, le sexe, la couleur, la religion, les opinions politiques ou le handicap ».
La Loi fondamentale, pourtant, maintient le citoyen dans une appartenance à une communauté religieuse dans le cadre d’un système hérité des régimes antérieurs, ottoman, jordanien et égyptien : selon l’article 101, en effet, « les questions de charia et de statut personnel seront traitées par les cours de charî'a et religieuses conformément à la loi ».
La reconnaissance des communautés religieuses figure également dans le Code électoral qui accorde par la loi une surreprésentation des chrétiens. Lors des élections législatives, certaines circonscriptions bénéficient ainsi d’un nombre minimal d’élus chrétiens (le siège samaritain de 1996 a été supprimé en 2006) quand certaines localités, lors des élections municipales, se voient attribuer un nombre minimum d’élus chrétiens ou même un maire chrétien.
La pratique du religieux
Les relations interconfessionnelles (mis à part la question juive israélienne) ne connaissent pas de problèmes particuliers, ni d’un point de vue institutionnel ni dans la pratique. Les seules tensions observées ces dernières années l’ont été à l’occasion de prosélytisme chrétien avéré ou non (l’assassinat à Gaza en 2007 du directeur de la Holy Bible Society) ou de conversions mises en scène. En ce qui concerne la seule bande de Gaza, l’émigration chrétienne a été beaucoup plus importante dans les dix années qui ont précédé la prise de pouvoir du Hamas (1 688, en 1997 ; 1 375, en 2007, selon les recensements) que durant celui-ci (1 300 en 2014, selon le YMCA). Les lieux de culte, tant musulmans que chrétiens, en revanche, font périodiquement l’objet de vandalisme de la part de groupuscules juifs israéliens extrémistes qui mêlent nationalisme et politique.
Le statut institutionnel de la religion islamique fait l’objet d’un large consensus et n’est contesté que par des franges radicales de la communauté sunnite, tout particulièrement au sein du Parti de la libération islamique (actif tout particulièrement à Hébron) et de groupes salafistes (mais pas tous). A Gaza, les tenants de l’adoption d’un Code pénal fondé sur la charia ont ainsi échoué à obtenir la majorité au sein du Conseil législatif pourtant constitué des seuls élus Hamas.
Il n’y a pas à proprement parler de problème de liberté religieuse dans les territoires palestiniens et on peut considérer que l’article 18 de la Loi fondamentale qui la régit selon lequel « la liberté de croyance, de culte et d’exercice des fonctions religieuses est garantie, sous réserve du respect de l’ordre public et de la moralité publique » est respecté. La liberté religieuse, cependant, butte sur la question de l’occupation : accès aux Lieux saints de Jérusalem, tant musulmans que chrétiens, interdit à moins de l’obtention de permis nominaux distribués au compte-gouttes. Plus globalement, c’est la question de la liberté d’opinion qui connaît de sérieux problèmes tant à Gaza qu’à Ramallah avec la transformation de leurs AP respectives en véritables régimes autoritaires.
Le statut institutionnel de la religion islamique fait l’objet d’un large consensus et n’est contesté que par des franges radicales de la communauté sunnite, tout particulièrement au sein du Parti de la libération islamique (actif tout particulièrement à Hébron) et de groupes salafistes (mais pas tous). A Gaza, les tenants de l’adoption d’un Code pénal fondé sur la charia ont ainsi échoué à obtenir la majorité au sein du Conseil législatif pourtant constitué des seuls élus Hamas.
Il n’y a pas à proprement parler de problème de liberté religieuse dans les territoires palestiniens et on peut considérer que l’article 18 de la Loi fondamentale qui la régit selon lequel « la liberté de croyance, de culte et d’exercice des fonctions religieuses est garantie, sous réserve du respect de l’ordre public et de la moralité publique » est respecté. La liberté religieuse, cependant, butte sur la question de l’occupation : accès aux Lieux saints de Jérusalem, tant musulmans que chrétiens, interdit à moins de l’obtention de permis nominaux distribués au compte-gouttes. Plus globalement, c’est la question de la liberté d’opinion qui connaît de sérieux problèmes tant à Gaza qu’à Ramallah avec la transformation de leurs AP respectives en véritables régimes autoritaires.
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En partenariat avec le Collège des Bernardins.
Jean-François Legrain, intervenant au séminaire « Liberté de religion et de conviction en Méditerranée : les nouveaux défis » du Collège des Bernardins, est chercheur à Aix-Marseille Université/CNRS-IREMAM (Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman). Ses travaux concernent principalement les mobilisations politiques palestiniennes en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza ; il s’intéresse également aux questions de méthodologie de l’historien du très contemporain confronté aux sources numériques.
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En partenariat avec le Collège des Bernardins.
Jean-François Legrain, intervenant au séminaire « Liberté de religion et de conviction en Méditerranée : les nouveaux défis » du Collège des Bernardins, est chercheur à Aix-Marseille Université/CNRS-IREMAM (Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman). Ses travaux concernent principalement les mobilisations politiques palestiniennes en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza ; il s’intéresse également aux questions de méthodologie de l’historien du très contemporain confronté aux sources numériques.
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