Rabah Madjer, l'homme qui a donné son nom à la célèbre talonnade, vient d’être nommé ambassadeur de l’UNESCO. Ici, sur cette photo, Rabah Madjer en 1982. (DR)
Saphirnews : Rabah Madjer, que devenez-vous ?
Rabah Madjer : Je vis au Qatar depuis plusieurs années. Après avoir été entraîneur d’Al-Wakra, je suis devenu consultant pour Al-Jazeera Sport. Je reste donc très au fait de ce qu’il se passe sur la planète en matière de football. Pour la Coupe du monde, je commenterai les matchs pour MBC Arabia (chaîne basée à Dubaï).
À chaque but marqué d’une talonnade, votre nom est associé à ce geste. Que cela vous procure-t-il ?
R. M : Fier d’avoir marqué l’Histoire. Laisser une trace dans l’esprit des gens représente quelque chose d’extraordinaire C’est vrai que j’ai l’impression que mon nom est devenu une marque déposée !
Vingt-quatre ans que l’Algérie ne s’était pas qualifiée à une phase finale du Mondial. Comment expliquez-vous cette absence ?
R. M : Nous n’en pouvions plus d’attendre. Avec le potentiel que l’on a, il était anormal que nous restions en marge. Notre football a connu une véritable anarchie. Des anciens comme Belloumi, Assad, Kourichi, Megharia ne sont pas à la tête des clubs et ça, ce n’est pas normal. Cette qualification en Afrique du Sud est la bienvenue. L’Algérie a besoin de victoires, cela contribue à une forme de réconciliation nationale après la délicate période qu’a connue le pays.
En 1982, vous étiez au Mondial. Quel souvenir en gardez-vous ?
R. M : Nous avons battu l’Allemagne (2-1). Avoir marqué contre Schumacher reste l’un de mes plus beaux souvenirs. Mais l’arrangement entre la RFA et l’Autriche pour nous éliminer reste difficile à digérer, même 27 ans après. Les récentes excuses de Schumacher dans le quotidien algérien Le Buteur ne changent pas le cours de l’Histoire. Mais je suis fier de ces déclarations, il a eu le courage de dire que le match avait été truqué.
À cette époque, la majorité des joueurs de l’équipe d’Algérie étaient issus du championnat local. Aujourd’hui, 19 des 23 sélectionnés sont nés en France et formés en Europe, qu’en pensez-vous ?
R. M : Je ne partage pas du tout ce choix. Mais je le respecte. En Algérie, nous avons des talents. Il faut les mettre en avant et arrêter de les marginaliser. La seule CAN (1990) remportée par l’Algérie l’a été avec des joueurs du cru…
Que pensez-vous des jeunes Franco-Algériens qui optent pour les Bleus ?
R. M : Les Benzema, Nasri ou Zidane sont libres, c’est leur carrière, et leur avenir... mais c’est une perte pour l’Algérie. Si on les avait eus, on aurait été tranquille ! Nous pourrions former des joueurs de ce niveau, car nous avons tout pour réussir.
Quelles sont les chances de l’équipe d’Algérie lors de cette compétition ?
R. M : Cela va être difficile. Mais les chances d’accéder au second tour sont réelles. Le tournant est bien évidemment le premier match contre la Slovénie. Contre l’Angleterre, l’un des grands favoris du Mondial, la tâche paraît très compliquée. Mais le football n’est pas une science exacte, et tout reste possible.
Et la France ?
R. M : Je crois que les Bleus sont capables de faire bonne figure pendant cette compétition. La France a des joueurs de qualité, je ne la vois pas se faire sortir dès le premier tour. S’ils parviennent aux quarts de finale, ils deviendront très dangereux.
La présence de Zinedine Zidane en Algérie est de plus en plus forte (pub, tournoi avec France 98…). Comment jugez-vous cela ?
R. M : C’est une bonne chose. C’est un grand monsieur et une légende du football. Il restera pour toujours dans le cœur des Algériens. Zidane est un Algérien.
Si vous le considérez comme Algérien, qui est le plus fort de vous deux ?
R. M : [Rires] Non, ça, je ne peux pas le dire !
Figure historique du FC Porto, aviez-vous rencontré des problèmes au Portugal en rapport avec votre religion ?
R. M : Jamais. Il faut être logique. Je suis musulman, je respecte ma religion mais aussi mon métier. Je ne faisais pas le ramadan les jours précédant les matchs mais je me rattrapais après le carême. Dès le début, il y a eu le plus grand respect entre les Portugais et moi. Ils me donnaient beaucoup et je faisais de même.
Un dernier mot sur l’affaire Ribéry…
R. M : J’ai été choqué par le traitement médiatique. Il n’avait pas besoin de cela.
FLASH-BACK
21 mai 1987, finale de la Coupe des clubs champions, stade Prater de Vienne, FC Porto – Bayern de Munich : 2-1
• Il reste 13 minutes dans le temps réglementaire, et l’organisation allemande a eu raison du jeu offensif de l’équipe portugaise, menée 1-0 depuis la 25e minute. Mais un vent de pure folie footballistique souffle pour le FC Porto.
• 78e min : 1-1. Suite à une attaque par le centre du terrain et une sortie hasardeuse du gardien munichois, Madjer, dos au but, hérite d’un petit centre piqué dans la surface de but ; pour tromper la vigilance du dernier défenseur, il laisse passer le ballon entre ses jambes, avant de réaliser sa fameuse talonnade venue d’ailleurs.
• 80e min : 2-1. À peine la remise en jeu effectuée, Madjer le magicien reçoit une relance mi-terrain côté gauche. Survolté, il déborde sur 40 m toute la défense bavaroise et adresse un centre millimétré à son coéquipier Juary, qui, à bout portant, trouve la lucarne d’une reprise du plat du pied. La victoire est belle et historique. Et Madjer entre dans la légende.
21 mai 1987, finale de la Coupe des clubs champions, stade Prater de Vienne, FC Porto – Bayern de Munich : 2-1
• Il reste 13 minutes dans le temps réglementaire, et l’organisation allemande a eu raison du jeu offensif de l’équipe portugaise, menée 1-0 depuis la 25e minute. Mais un vent de pure folie footballistique souffle pour le FC Porto.
• 78e min : 1-1. Suite à une attaque par le centre du terrain et une sortie hasardeuse du gardien munichois, Madjer, dos au but, hérite d’un petit centre piqué dans la surface de but ; pour tromper la vigilance du dernier défenseur, il laisse passer le ballon entre ses jambes, avant de réaliser sa fameuse talonnade venue d’ailleurs.
• 80e min : 2-1. À peine la remise en jeu effectuée, Madjer le magicien reçoit une relance mi-terrain côté gauche. Survolté, il déborde sur 40 m toute la défense bavaroise et adresse un centre millimétré à son coéquipier Juary, qui, à bout portant, trouve la lucarne d’une reprise du plat du pied. La victoire est belle et historique. Et Madjer entre dans la légende.