La cour d'assises des mineurs du Val d'Oise, a condamné vendredi dernier avec une sévérité sans précédant les auteurs des viols collectifs appelés dans certaines cités « tournantes ». La justice vient de lancer un signal fort visant à dissuader ce genre de crime.
Le verdict est tombé hier vendredi 27 septembre à la cour d’assises de Pontoise contre 18 personnes accusées de viol collectif. Les peines prononcées vont de 5 à 12 années de réclusion criminelle. Les faits remontent entre décembre 1998 et janvier 1999. Durant cette période, une jeune fille de 15 ans a été traquée, séquestrée et subie des viols collectifs à plusieurs reprises dont les 18 auteurs, mineurs lors des faits, sont issus du quartier de la Dalle à Argenteuil.
La tournante, terme employé dans les cités délaissées, désigne un viol en réunion sur une jeune fille. Le récit de cette ado met en évidence une trame commune à toutes celles victimes de viols collectifs. La victime, après avoir été surprise d’avoir échangé quelques baisers dans un escalier avec son nouveau petit ami en marge d’une soirée, est immédiatement cataloguée de fille facile. La sacralité que donnent les garçons auteurs des tournantes à leur mère et leurs sœurs, ils l’enlèvent complètement à leur victime, si bien qu’elle devient une chose à leurs yeux. A partir de cette représentation, commence le calvaire infernal. Menaces, séquestration, fellations, sodomies - prenant le soin d’éviter une grossesse à la victime - , toutes ces horreurs sont perpétrées très régulièrement, une fois à bord d’un train, une autre dans les locaux d’une école primaire, très souvent dans des caves et des squats. Même les toilettes du tribunal pour enfants de Pontoise ont servi de lieu pour violer la victime. En proie à « une sidération psychique » la victime revenait de manière incompréhensible sur les lieux où se trouvaient les violeurs. Pour les accusés, c’est clair à leurs yeux, c’était « une meuf facile » et aujourd’hui, pour des raisons qu’ils ignorent, elle veut leur causer des ennuis. Cette pensée exprime bien le gouffre béant qui sépare leurs consciences des faits et la réalité telle qu’elle apparaît au tribunal. Aucune demande de pardon, aucun regret, pire cette parole folle : « Je comprends sa peine, mais je m’excuse pas » a lâché un des accusés à la barre. On comprend alors la sévérité des jurés.
Rencontre de deux fragilités.
Comme l’a mentionné Eric Plouvier, avocat de l’un des accusés : « c’est la rencontre de deux fragilités ». La victime est très souvent une cible vulnérable, souffrant d’instabilité affective. Les agresseurs évoluent très souvent dans un milieu déstructuré. Les parents pour la plupart ont baissé les bras par impuissance. «Ces adolescents vivent pour la plupart dans des familles qui n’ont pas la possibilité de réfléchir de manière complexe sur de longues périodes, parce qu’elles doivent constamment gérer l’urgence où les plonge leur précarité. Quand vous ne savez pas vous structurer dans le temps et dans l’espace, vous ne pouvez transmettre les références morales, religieuses ou philosophiques indispensables à l’éducation et à l’épanouissement d’un enfant.» souligne le docteur Maurice Titran, pédiatre à l’hôpital de Roubaix et directeur du Centre d’Action médico-sociale précoce. La prolifération des films pornographiques est aussi un agent de déstabilisation dénoncé par beaucoup de médecins et d’éducateurs. En effet, les jeunes sont de plus en plus tôt initiés à la sexualité par ces films. Le docteur Michel Libert, qui est pédopsychiatre à Lille va plus loin et explique que «la société, fondée sur la consommation et la satisfaction immédiate de ses désirs, propose des repères très contradictoires et ambigus aux jeunes. Surtout lorsqu’on ne leur a pas appris à avoir la distance qui permet de prendre ou de rejeter le modèle proposé. De plus en plus d’adolescents, et même d’adultes, ont du mal à comprendre, par exemple, que l’encouragement à la permissivité et l’incitation au plaisir immédiat diffusés par les médias, et en particulier par la publicité, et la pornographie, sont pour une bonne part illusoires. D’où les transgressions et les passages à l’acte.»