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Ben Barka: Rabat froissé par l'attitude du magistrat français Ramaël  06/12/2005

Le Maroc a critiqué vigoureusement l'attitude du magistrat français Patrick Ramaël venu la semaine dernière enquêter sur l'affaire Ben Barka, jugeant son comportement inapproprié et lui reprochant d'avoir enfreint son devoir de réserve.

"Je suis resté surpris et perplexe par le comportement du juge d'instruction français, surtout lorsque j'ai appris qu'il avait caché à la police des frontières sa qualité de magistrat (...) et s'est fait passer pour un exploitant agricole", a déclaré mardi le ministre marocain de la Justice Mohamed Bouzoubaâ.

"Il (M. Ramaël) aurait également eu, durant son séjour au Maroc, des contacts inappropriés à sa mission (...) En tant que magistrat, il ne pouvait faire fi de son devoir de réserve et du respect dû au principe du secret de l'instruction dont il devait être le premier garant", a ajouté le ministre.

Outre le fait de s'être fait passer pour un "exploitant agricole", les autorités marocaines, selon la presse, se sont offusquées du "jeu de mots insultant" qu'il a utilisé pour son adresse.

Au lieu de marquer Palais de Justice à Paris, il a écrit sur sa fiche d'entrée "Pas-Laid". "On voudrait se moquer du Maroc et de ses autorités que l'on ne s'y prendrait autrement", écrit mardi le journal "Aujourd'hui le Maroc", qui publie mardi une interview du ministre.

Interrogé à Paris par l'AFP, le magistrat a refusé de commenter les propos de M. Bouzoubaâ. Cependant, de source judiciaire à Paris, on indique que M. Ramaël est décidé "plus que jamais" à continuer à instruire ce dossier, malgré la réaction de Rabat".

Le magistrat, qui a passé une semaine au Maroc, est revenu à Paris sans avoir pu mener à bien sa mission. Selon Me Maurice Buttin, avocat de la famille Ben Barka, le juge français a regretté que son homologue marocain Jalal Sarhane, ait prétexté des difficultés pratiques pour ne pas exécuter la commission rogatoire.

Cette dernière présentée par M. Ramaël porte sur l'interrogatoire d'une vingtaine de personnes au Maroc, des cadres civils et militaires en retraite ou encore en fonction, et sur la visite d'un ancien centre de détention où seraient enfouis les restes de Ben Barka.

Le ministre marocain de la Justice a expliqué les difficultés par le "manque des adresses des personnes figurant sur la liste des 20 témoins à interroger".

M. Bouzoubaâ a souligné qu'au Maroc, il existe "une volonté politique au plus haut niveau pour faire la lumière sur cette affaire (Ben Barka)", citant une interview au Figaro du 4 septembre 2001 dans laquelle le roi Mohammed VI affirmait qu'il était "prêt à contribuer à tout ce qui peut aider la vérité".

Les magistrats français et marocain chargés de l'affaire devraient fixer une nouvelle date pour assurer "une bonne exécution" à la commission rogatoire internationale, a-t-il indiqué.

La réaction de Rabat survient à deux jours de la visite au Maroc du ministre français de la Justice, Pascal Clément.

Les deux magistrats se sont mis d'accord sur une commission rogatoire complémentaire devant préciser les noms et adresses des personnes à interroger et la localisation du centre de détention de Rabat.

Mehdi Ben Barka, chef de la gauche marocaine dans les années soixante, a été enlevé, et probablement assassiné en octobre 1965 à Paris. Son corps n'a jamais été retrouvé. Sa famille, de nombreuses ONG et le parti de l'Union socialiste des forces populaires (USFP) réclament la vérité sur sa disparition.