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Points de vue

Cheikh Hamza al-Boutchichi, une vie d’amour et de dévotion pour Dieu

Rédigé par Tarik Abou Nour | Jeudi 19 Janvier 2017 à 17:00

           


Cheikh Hamza al-Boutchichi
Cheikh Hamza al-Boutchichi
Nous sommes à Dieu et à Lui nous retournerons. Ibn ‘Abbâs, que Dieu l’agrée, rapporte : « Quelqu’un demanda : "Ô Prophète, quelle est la meilleure personne auprès de laquelle on s’assoit ?" Il dit : "Celui dont la vue vous rappelle Dieu, dont les paroles ajoutent à votre science et dont les actes vous rappellent l’au-delà." » Ce hadîth s'applique parfaitement au maître spirituel Sidi Hamza al-Qadiri comme nous l'avons bien connu qui a rejoint son Seigneur et bien-aimé mercredi 18 janvier à l’aube.

Sidi Hadj Hamza Al Qadiri, fils de Sidi Al ‘Abbâs, petit-fils du grand Mudjâhid Sidi Al Haj Al Mukhtâr, a réuni en lui la noble lignée spirituelle qui remonte au Prophète Muhammad (paix et salut sur lui), la transmission du secret de l’éducation spirituelle éclairée et équilibrée et la science religieuse authentique.

Nous l’avons connu humble, aimant et respectueux scrupuleusement de la loi de Dieu. De grands savants du monde musulman sont venus « apprendre » de lui, comme le grand Muhaddith Sidi Abdelaziz Ibn Seddiq qui est venu prendre de lui la Voie ; de grands savants d'Al Quaraouiyine (Fès), de la Zaytouna (Tunis), d'Al Azhar (Caire) et d'autres sommités qui ont tous témoigné de ses vertus et de ses valeurs nobles.

Une vie de dévotion

Il incarnait ce bel islam d’amour, de respect de l’autre et de paix dont nous avons grand besoin en ces temps troubles. Il a éduqué plusieurs générations et les a amenées vers le chemin du repentir sincère, du détachement de tout ce qui n'est pas Dieu et de l’Amour pur pour Dieu, Son Prophète et même de toutes les créatures. Parmi ses belles sagesses qui ont transformé notre vie : « Quand le cœur du disciple se purifie et s’illumine par l’invocation d’Allah, il ne voit dans le monde manifeste que Sa beauté, les créatures sont en réalité la porte et le voile. »

Né en 1922 à Madagh, à proximité de Berkane, dans le nord-est du Maroc, il a grandi dans la zawiya de ses ancêtres, qui est à la fois mosquée, école et lieu d’approvisionnement pour le voyageur et l'indigent. Il y reçut dès son jeune âge une éducation religieuse. Parallèlement, il commença à s’habituer aux travaux de la terre sous la direction de son père, Sidi ‘Abbas al-Qadiri al-Boutchich, qui était devenu un propriétaire terrien.

Ses études s’étendirent sur 16 ou 17 ans. Cette durée est nécessaire pour la maîtrise des sciences livresques conforme au système scolaire traditionnel musulman. La zawiya de Madagh était déjà depuis plusieurs générations une école coranique et certains des enseignants appartenaient à la tribu des Béni Snassen, voire à la famille Boutchichi.

Cheikh Hamza al-Boutchichi, une vie d’amour et de dévotion pour Dieu

Une longue formation achevée

La formation de Sidi Hamza s’échelonna sur quatre périodes, avec d’abord l’apprentissage du Coran, vers l’âge de 13 ans, sous la direction de son cousin Sidi Mûhydin. Précisons au passage que, généralement, la mémorisation du Coran s’effectue à des âges bien plus précoces (3 ou 4 ans) et s’achève 8 ou 9 ans plus tard. C’est en raison de la fraîcheur des capacités mnémoniques des jeunes enfants que le système éducatif musulman commence directement par l’apprentissage du texte.

Vient ensuite une introduction aux sciences religieuses que Sidi Hamza acheva en une paire d’années, de 1935 à 1936, avec, notamment, son oncle Sidi al-Makki comme professeur qui était alors le cheikh de la confrérie Qadirriyya Boutchiyya et plusieurs savants. A la mort de ce dernier (1936), Hamza Boutchich s’inscrivit dans une succursale de la mosquée-université d’Al Quaraouiyine de Fès, à Oujda. Là, il approfondit les sciences religieuses (droit jurisprudentiel et grammaire) de 1937 à 1940. La dernière période de sa formation, de 1939 à 1943, correspond à l’approfondissement livresque de l’exégèse coranique et pour laquelle il retourne à la zawiya de Madagh.

Les principales sciences auxquelles Sidi Hamza s’est consacré étant jeune sont ainsi la grammaire, l’exégèse coranique, le droit malékite et ses interprétations et la science du Hadith. Néanmoins, nous savons que le programme traditionnel d’enseignement au Maroc ne se limite pas aux sciences relatives à la charia. Aux disciplines précédemment citées s’ajoutent les lois de la succession, la théologie, la métrique, la rhétorique et la logique.

Une telle formation destine généralement celui qui la suit vers les professions de l’enseignement ou de la magistrature. Il en sera tout autre. En 1942, Sidi Hamza a bientôt 20 ans et il achève sa formation dans le domaine de la loi religieuse et de ses disciplines connexes. Considérant avoir acquis suffisamment de connaissances, il retourne aider son père aux champs et va dès lors se consacrer à un autre type de connaissance en prenant le pacte initiatique des mains de Sidi Boumediene al-Qadiri al-Boutchichi.

« La barbe noire ne devance pas la barbe blanche »

Dès lors, nous voyions nettement se dessiner le parcours typique de l'aspirant à la voie spirituelle tel qu'il se présente dans la tradition soufie et dont l'exemple, pris chez un futur cheikh, nous le fait apparaître avec plus de clarté encore. Selon cette logique de poursuite de la connaissance intérieure, ce parcours commence par l’acquisition des sciences relevant de la loi et de son interprétation pour aboutir à une dimension les dépassant tout à fait et relevant de l’intuition et du dévoilement spirituel.

A la mort de Sidi Boumediene, le 15 avril 1955, Sidi Hamza reçut, en même temps que son père, l’autorisation d’enseigner ainsi que l’héritage du sirr (le secret ou, dans le langage soufi, le don d'éduquer et d'accompagner les disciples pour les amener vers l'éveil spirituel et la purification). Par courtoisie, il se refusa à devancer son père. D’après certains de ses proches, il s'expliqua par ce dicton : « La barbe noire ne devance pas la barbe blanche. »

Il précise lui-même les faits en ces termes : « Lorsqu’il (Sidi ‘Abbas) a commencé (à enseigner), il m’a annoncé que, moi aussi, j’avais l’autorisation pour une telle mission. Il m’a conseillé de garder le secret jusqu’au moment voulu. J’ai suivi ses directives et j’ai renouvelé (auprès de lui) le pacte initiatique que j’avais pris de chez Sidi Boumediene. »

Sidi Hamza devint de fait le disciple de son père après qu’ils eurent été tous deux « frères dans la voie ». Cette situation demeura pendant 12 ans, jusqu’à la mort de son père en 1972, où il devint le cheikh de la confrérie Qadiriyya Boutchichiyya. À nouveau, les disciples furent priés de reprendre le pacte auprès de lui : Sidi ‘Abbas « conseilla à ses disciples de prendre, après sa mort, la voie de chez moi. »

Sidi Jamal Eddine, leader de la tariqa Boutchichiyya après la mort de son père.
Sidi Jamal Eddine, leader de la tariqa Boutchichiyya après la mort de son père.

Un héritier spirituel tout désigné

A partir de 1972, la confrérie achève le tournant amorcé sous Sidi Boumediene et clairement manifesté sous Sidi ‘Abbas. Par le passé, il fallait endurer la faim, s’habiller avec des habits usés, se soumettre à de longues retraites spirituelles ou encore subir des tests réguliers de la part du maître. Sidi Hamza établit une pratique spirituelle plus souple par rapport au soufisme sunnite classique reconnu pour sa rigueur. Cette mutation interne est désignée dans l’appellation soufie comme étant le passage d’une voie de la majesté (jalal) à une voie de la beauté (jamal).

Sidi Hamza laisse un héritier spirituel tout à fait digne et apte à assumer cette grande et précieuse amana (dépôt sacré) : Sidi Hadj Jamal Eddine al-Qadiri qui, en plus de sa prédisposition spirituelle, est docteur en théologie de l’Institut Dar Al Hadîth Al Hassania, établi à Rabat sous le règne de Hassan II, réunissant en lui la Voie et la loi, la haqiqa (le dévoilement pour voir les choses sans le voile de la passion ou de la vie terrestre) et la charia.

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Tarik Abou Nour, théologien, est responsable du site Doctrine-Malikite, le premier site francophone dédié au fiqh malikite.






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