L'Europe et le monde arabe font aujourd'hui face au même défi terroriste. Que ce soit Daesh, AQMI, al-Mourabitoune ou Boko Haram, tous ces groupes de terreur possèdent un objectif commun : celui de la division, celui de la lutte de tous contre tous. Bref, celui de détruire ce qui fait le fondement même de nos sociétés : notre capacité à vivre ensemble.
Les attentats du 13 novembre 2015 ont tenté de semer la suspicion entre les Français et sa composante musulmane. Dans le même ordre d'idée, en Syrie et en Irak, Daesh a manipulé opportunément l'antagonisme entre les sunnites et les chiites pour l'exacerber à outrance.
Au final, ces terroristes ne sont pas loin dans leur schéma de pensée des néoconservateurs qui considérait la planète comme une vaste plaque tectonique où les civilisations, homogènes et imperméables les unes des autres, s'entrechoquaient, toujours violemment. À la différence près que les terroristes ne prennent pas ce choc pour un état de fait mais veulent en faire une réalité en détruisant ce que l'on appelle les zones grises, ces zones où coexistent les différentes populations, les différentes religions.
Il est urgent d'agir car nos ennemis sont à l’affût. Daesh dispose d'un budget de 3 milliards de dollars annuellement grâce à la contrebande de pétrole et d'œuvres d'art, face auquel beaucoup reste à faire. Un budget qui alimente les actions terroristes mais aussi la propagande de cette organisation à travers de nombreux sites Internet ou bien leur revue à large diffusion Dabiq.
Les attentats du 13 novembre 2015 ont tenté de semer la suspicion entre les Français et sa composante musulmane. Dans le même ordre d'idée, en Syrie et en Irak, Daesh a manipulé opportunément l'antagonisme entre les sunnites et les chiites pour l'exacerber à outrance.
Au final, ces terroristes ne sont pas loin dans leur schéma de pensée des néoconservateurs qui considérait la planète comme une vaste plaque tectonique où les civilisations, homogènes et imperméables les unes des autres, s'entrechoquaient, toujours violemment. À la différence près que les terroristes ne prennent pas ce choc pour un état de fait mais veulent en faire une réalité en détruisant ce que l'on appelle les zones grises, ces zones où coexistent les différentes populations, les différentes religions.
Il est urgent d'agir car nos ennemis sont à l’affût. Daesh dispose d'un budget de 3 milliards de dollars annuellement grâce à la contrebande de pétrole et d'œuvres d'art, face auquel beaucoup reste à faire. Un budget qui alimente les actions terroristes mais aussi la propagande de cette organisation à travers de nombreux sites Internet ou bien leur revue à large diffusion Dabiq.
Face à l'intégrisme, favoriser un islam réformateur
Comment permettre ce vivre-ensemble contre ses attaques incessantes ? D'abord, en nous rendant compte qu'il y a aujourd'hui un rapport au sein de l'islam entre les courants les plus rigoristes et les courants les plus réformateurs. A l'opposé de cette vision du monde en noir et blanc, système de pensée délétère où autrui est forcément un mécréant et où le principe de tolérance n'existe pas, il existe des courants qui se réclament d'un islam du juste milieu, entre religion et respect des traditions.
Ces courants réformateurs tirent leur substance de la charte de Médine, véritable manifeste pour la cohabitation pacifique des religions, un manifeste pour que l'ensemble des minorités puisse se réunir avec la majorité pour former société. En parallèle, ils s'appuient, entre autres, sur le dogme ash'arite, le principe religieux le plus opposé à Daesh car, avec celui-ci, nul ne peut être jugé pour pratiquer une autre religion ; le rite malékite qui allie tradition locale et pratique religieuse et le soufisme, qui prône l'inviolabilité d'autrui. Voilà les piliers de cet islam du juste milieu dont les représentants sont nombreux au Maghreb, dans les pays du Golfe, en Afrique, en Indonésie, au Pakistan, en Égypte, en Jordanie et ailleurs.
Loin des idées préconçues du choc des civilisations, l'hétérogénéité du monde musulman n'est plus à démontrer. Au contraire, nous devons nous appuyer sur le rapport de force au sein de l'islam pour travailler avec ces pays qui souhaitent, comme nous, fortifier le vivre-ensemble dans le respect des minorités religieuses.
Ces courants réformateurs tirent leur substance de la charte de Médine, véritable manifeste pour la cohabitation pacifique des religions, un manifeste pour que l'ensemble des minorités puisse se réunir avec la majorité pour former société. En parallèle, ils s'appuient, entre autres, sur le dogme ash'arite, le principe religieux le plus opposé à Daesh car, avec celui-ci, nul ne peut être jugé pour pratiquer une autre religion ; le rite malékite qui allie tradition locale et pratique religieuse et le soufisme, qui prône l'inviolabilité d'autrui. Voilà les piliers de cet islam du juste milieu dont les représentants sont nombreux au Maghreb, dans les pays du Golfe, en Afrique, en Indonésie, au Pakistan, en Égypte, en Jordanie et ailleurs.
Loin des idées préconçues du choc des civilisations, l'hétérogénéité du monde musulman n'est plus à démontrer. Au contraire, nous devons nous appuyer sur le rapport de force au sein de l'islam pour travailler avec ces pays qui souhaitent, comme nous, fortifier le vivre-ensemble dans le respect des minorités religieuses.
De l'importance de la citoyenneté pour notre vivre-ensemble
Dans ce contexte, travailler avec ces pays de l'islam du juste milieu apparaît comme une évidence. Le monde arabe a déjà commencé à faire bouger les lignes : la déclaration de Marrakech du 27 janvier 2016 sur les droits des minorités dans les pays musulmans appelle ainsi à travailler le « principe de citoyenneté », et indique en conséquence qu'« il n'est pas autorisé d'instrumentaliser la religion aux fins de priver les minorités religieuses de leurs droits dans les pays musulmans ». Autre exemple, l'institut Mohamed VI pour la formation des imams au Maroc propose des formations à cet islam et accueille des étudiants du monde entier.
Si les choses bougent dans le monde arabe, le mouvement doit aussi prendre en Europe. En effet, les juifs de France partent de plus en plus vers Israël et les actes islamophobes se multiplient à une allure inquiétante. Des partenariats avec de des institutions comme l'institut Mohamed VI sont aujourd'hui urgents car de la formation de nos imams en France et en Europe dépendra aussi la promotion d'un islam réformateur et d'un dialogue interreligieux fécond. Cela passe par une formation des imams en Europe qui s'inscrit dans la déclaration de Marrakech et la charte de Médine.
L'apprentissage de l'arabe entre aussi dans ce cadre. L'enseignement de la langue arabe doit être mieux encadré, plus valorisé par les institutions républicaines pour qu'il ne puisse pas être accaparé par des associations religieuses obscures, propagatrices de la vision ultraconservatrice de la bataille culturelle au sein de l'islam.
Au final, ce dialogue interreligieux est l'une des conditions d'une citoyenneté européenne. Au-delà des déchéances de nationalité le véritable ciment de notre société, ce sont nos attributs communs, notre socle de valeurs et notre gamme de devoirs, tout ce que constituent la responsabilité de chacun et la solidarité avec tous au sein de nos sociétés.
Aujourd'hui, notre priorité est de construire notre vivre-ensemble dans le respect de toutes les minorités.
*****
Mohamed Bechari est directeur de l'Institut Avicenne des sciences humaines (IASH) de Lille et secrétaire général de la Conférence islamique européenne. Gilles Pargneaux est député européen et président du Groupe d'amitié Union européenne-Maroc.
Si les choses bougent dans le monde arabe, le mouvement doit aussi prendre en Europe. En effet, les juifs de France partent de plus en plus vers Israël et les actes islamophobes se multiplient à une allure inquiétante. Des partenariats avec de des institutions comme l'institut Mohamed VI sont aujourd'hui urgents car de la formation de nos imams en France et en Europe dépendra aussi la promotion d'un islam réformateur et d'un dialogue interreligieux fécond. Cela passe par une formation des imams en Europe qui s'inscrit dans la déclaration de Marrakech et la charte de Médine.
L'apprentissage de l'arabe entre aussi dans ce cadre. L'enseignement de la langue arabe doit être mieux encadré, plus valorisé par les institutions républicaines pour qu'il ne puisse pas être accaparé par des associations religieuses obscures, propagatrices de la vision ultraconservatrice de la bataille culturelle au sein de l'islam.
Au final, ce dialogue interreligieux est l'une des conditions d'une citoyenneté européenne. Au-delà des déchéances de nationalité le véritable ciment de notre société, ce sont nos attributs communs, notre socle de valeurs et notre gamme de devoirs, tout ce que constituent la responsabilité de chacun et la solidarité avec tous au sein de nos sociétés.
Aujourd'hui, notre priorité est de construire notre vivre-ensemble dans le respect de toutes les minorités.
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Mohamed Bechari est directeur de l'Institut Avicenne des sciences humaines (IASH) de Lille et secrétaire général de la Conférence islamique européenne. Gilles Pargneaux est député européen et président du Groupe d'amitié Union européenne-Maroc.
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