Connectez-vous S'inscrire

Points de vue

Gaza : l'appel à « faire taire les armes » au Proche-Orient, « emporté dans une folie meurtrière »

Rédigé par Chems-Eddine Hafiz | Lundi 15 Janvier 2024 à 11:30

           

Alors que le cap des 100 jours de guerre à Gaza vient d’être dépassé ce mois de janvier, le cessez-le-feu devient plus urgent que jamais. La Grande Mosquée de Paris a réitéré son appel à la paix dans la région au cours d’une cérémonie de vœux organisée jeudi 11 janvier. Face à la banalisation en France du « camp de l’extrémisme » ciblant particulièrement les musulmans, il faudra continuer en 2024 à « inventer les nouveaux moyens d’exprimer notre appartenance pleine et entière à notre pays », a affirmé le recteur Chems-Eddine Hafiz dans son discours dont un extrait est ici relayé.



Le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chems-Eddine Hafiz, à la cérémonie des vœux jeudi 11 janvier 2024. © GMP/Omar Boulkroum
Le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chems-Eddine Hafiz, à la cérémonie des vœux jeudi 11 janvier 2024. © GMP/Omar Boulkroum
En cet instant, je pense aux âmes que nous avons perdues et à celles dont le temps n’est pas parvenu à effacer les souffrances.

2023 s’est achevé dans la douleur. Notre esprit est tourné vers le Proche-Orient, emporté dans une folie meurtrière. Depuis le début de cette tragédie, la Grande Mosquée de Paris a suivi ce qu’elle estimait, au nom de l’humanisme et au-devant de l’histoire, la voie la plus juste et la seule possible : l’appel à la paix.

Cette voie de la paix n’a pas été facile à tenir face à tant de tensions, mais nous l’avons suivie, et elle nous conduit aujourd’hui à nous tourner vers Gaza, à prier pour que les armes se taisent, pour que toutes les populations civiles soient épargnées, pour que les otages soient libérés, pour que la paix revienne et qu’elle s’ancre durablement par la seule solution d’un Etat palestinien vivant en sécurité aux côtés de tous les Etats de la région.

Voilà la position de la Grande Mosquée de Paris et je l’exprime, ce soir encore, avec clarté, mais aussi avec l’espérance et l’optimisme que le passage à une nouvelle année nous confère. Aussi, nous continuerons à mettre en œuvre ce qui est en notre pouvoir pour éviter l’importation du conflit en France et pour éloigner les menaces que ce dernier fait peser sur l’unité de notre communauté nationale et sur la fraternité interreligieuse. Car je l’ai dit avec force et ne cesserait de l’affirmer : cette guerre n’a rien de religieux, ni de civilisationnel.

Il est possible de vivre sa citoyenneté et sa religion en parfait équilibre

Hélas, durant cette période troublée, le camp de l’extrémisme a gagné du terrain. Ses idées néfastes sont sorties des marges dans lesquelles notre société les maintenait : elles se propagent désormais en pleine lumière, en toute banalisation, par l’intermédiaire de certains mouvements politiques et de certains médias.

Je suis monté au créneau contre la libération de la haine et de la discrimination antimusulmane. Je me suis levé contre les pires accusations portées à l’encontre de nos concitoyens musulmans. J’ai clamé que l’antisémitisme ne passerait jamais par les mosquées, et qu’un musulman, en vertu de ses croyances les plus profondes, ne pouvait pas être antisémite – que peut-on dire de plus fort que cela ?

Des lieux de culte ont été dégradés par des actes odieux. À plusieurs reprises, j’ai saisi l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, ndlr) en raison de propos racistes, scandaleux, tenus sur des plateaux de télévision. Je m’indigne à présent des différents sondages qui ont récemment ciblé nos concitoyens musulmans, en dépit de la loi sensée l’interdire et en dépit de toute déontologie, à la seule fin de les stigmatiser. Que cherche-t-on à faire, si ce n’est à exclure les musulmans de la communauté nationale, du passé et du destin de la France ?

La Grande Mosquée de Paris sera toujours active pour s’opposer, totalement, viscéralement, à ce glissement insensé. En 2024, nous continuerons à inventer les nouveaux moyens d’exprimer notre appartenance pleine et entière à notre pays. Nous aurons simplement à dire la réalité : dans toutes les sphères de la société, des femmes et des hommes de confession musulmane sont là, naturellement, pour assurer notre protection, pour éduquer nos enfants, pour participer à notre justice, pour nous soigner. La Grande Mosquée de Paris ne cessera de représenter toutes ces personnes qui prouvent, au quotidien, cette vérité indiscutable : il est possible de vivre sa citoyenneté et sa religion en parfait équilibre.

(…) 2024 sera une année sans doute déterminante. Nous continuerons à faire le pari de l’action, le pari de l’avenir, qu’importent les obstacles. La Grande Mosquée de Paris comptera sur celles et ceux qui se reconnaissent en elle, pour le rayonnement de l’islam, pour celui de notre pays, la France.

Lire aussi :
Gaza pour « boussole morale du monde » : le puissant prêche de Noël depuis Bethléem
Entre exaspération et frustration, des responsables musulmans à la rencontre de Gérald Darmanin





SOUTENEZ UNE PRESSE INDÉPENDANTE PAR UN DON DÉFISCALISÉ !