La mosquée d'Abidjan, en Côte d'Ivoire, pays qui accueille du 11 au 16 août 2017 l'université d'été du Colloque international des musulmans de l'espace francophone (CIMEF-CILE).
Il y a quelques années, en 2013, le Colloque international des musulmans de l’espace francophone (CIMEF) se tenait à Dakar avec une institution basée au Qatar, le Centre de recherche sur la législation islamique et l’éthique (CILE) en collaboration avec d’autres mouvements islamiques de la sous-région, d’Europe et du Canada. Cette année, la même conférence se tient du 11 au 16 août à Abidjan, en Côte d’Ivoire, sous forme d’université d’été attirant des militants d’Afrique comme d’Europe mais aussi des étudiants et des organisations de la société civile toujours avec le même Centre.
Je risque d’être répétitif car l’enjeu reste le même : il ne faudrait pas que le biais religieux soit emprunté par certains réseaux pour pénétrer nos sociétés encore préoccupées par la grave situation au Sahel. Il est vrai que ces réseaux travaillent depuis des décennies la jeunesse africaine, notamment, dans les campus universitaires du Sénégal, du Burkina, du Niger et de la Côte d’Ivoire, en promouvant et en soutenant la création d’associations à orientation confessionnelle.
Cette tendance à la fragmentation en usant de la fibre religieuse au moment où l’on s’efforce de construire des citoyennetés est simplement dangereuse. La Côte d’Ivoire n’en a surtout pas besoin alors qu’elle devrait se concentrer sur les initiatives plutôt inclusives.
Je risque d’être répétitif car l’enjeu reste le même : il ne faudrait pas que le biais religieux soit emprunté par certains réseaux pour pénétrer nos sociétés encore préoccupées par la grave situation au Sahel. Il est vrai que ces réseaux travaillent depuis des décennies la jeunesse africaine, notamment, dans les campus universitaires du Sénégal, du Burkina, du Niger et de la Côte d’Ivoire, en promouvant et en soutenant la création d’associations à orientation confessionnelle.
Cette tendance à la fragmentation en usant de la fibre religieuse au moment où l’on s’efforce de construire des citoyennetés est simplement dangereuse. La Côte d’Ivoire n’en a surtout pas besoin alors qu’elle devrait se concentrer sur les initiatives plutôt inclusives.
Ne soldez pas vos comptes idéologico-politiques d'Europe sur le continent africain
Je me suis, toujours, exprimé sur la méconnaissance des réalités de l’islam en Afrique de l’Ouest de la part des promoteurs de telles rencontres. Ces nouveaux prédicateurs pour qui l’Afrique devient un nouveau terrain de déploiement, ignorent que nos sociétés ont toujours réussi à échapper aux déchirures fondées sur l’appartenance religieuse et à surpasser les lignes de fractures que l’on retrouve chez certains courants faisant de la question religieuse un problème identitaire et politique.
Le CIMEF auquel participent, pourtant, de bonne foi de nombreuses organisations islamiques africaines, a, souvent, malheureusement, été l’occasion de confusions et de transposition des différends idéologiques qui ne les concernent nullement. Finalement, comme certains nous l’ont avoué après coup, ce colloque devient le lieu d’un règlement de compte sur des sujets, il est vrai, intéressant les minorités musulmanes en Occident, mais qui ne sont pas d’une certaine pertinence sous nos tropiques.
Il n’y a pas, en effet, une crise identitaire chez les musulmans de la sous-région qui ne souffrent d’aucun problème d’intégration ou d’acceptation par leurs concitoyens, qui nécessiteraient de plancher des journées durant sur comment « vivre sa foi » ou encore en faire un défi majeur du monde contemporain. Sauf si certains ne voudraient profiter d’une tribune africaine pour solder des comptes idéologico-politiques en Europe et des contradictions que l’on voudrait transposer dans un pays qui n’en demande pas.
Pas seulement la Côte d’Ivoire mais l’Afrique subsaharienne tout entière, j’en reste persuadé, a d’autres priorités. Je le disais lors de la préparation de l’édition de Dakar en 2013 : « Nos sociétés sont interpellées par différents défis pendant qu’on voudrait nous orienter vers des débats qui ne sont pas nôtres. Je ne peux croire que le souci d’une prétendue « conscience musulmane » soit, vraiment au centre des préoccupations de nos sociétés civiles et politiques largement occupées par la question de la refondation de l’Etat et de de la consolidation de la démocratie, la recherche des conditions de possibilité d’un mieux-être social et la stabilité dans notre sous-région. »
La Côte d’Ivoire sortie de sa crise politique, qui réalise des prouesses économique et fournit, présentement, des efforts importants pour la consolidation de la paix et la cohésion nationale ne me semble pas le lieu où l’on chercherait à spécifier des identités et à créer d’autres lignes de fractures avec le reste du monde dans un contexte national déjà lourd de tensions. Les musulmans ivoiriens n’ont jamais demandé à être des partisans déterritorialisés de causes qu’on cherche à leur faire épouser ; ils ne souffrent d’un quelconque traumatisme ou d’un choc entre leur appartenance à l’islam et à la nation.
Le CIMEF auquel participent, pourtant, de bonne foi de nombreuses organisations islamiques africaines, a, souvent, malheureusement, été l’occasion de confusions et de transposition des différends idéologiques qui ne les concernent nullement. Finalement, comme certains nous l’ont avoué après coup, ce colloque devient le lieu d’un règlement de compte sur des sujets, il est vrai, intéressant les minorités musulmanes en Occident, mais qui ne sont pas d’une certaine pertinence sous nos tropiques.
Il n’y a pas, en effet, une crise identitaire chez les musulmans de la sous-région qui ne souffrent d’aucun problème d’intégration ou d’acceptation par leurs concitoyens, qui nécessiteraient de plancher des journées durant sur comment « vivre sa foi » ou encore en faire un défi majeur du monde contemporain. Sauf si certains ne voudraient profiter d’une tribune africaine pour solder des comptes idéologico-politiques en Europe et des contradictions que l’on voudrait transposer dans un pays qui n’en demande pas.
Pas seulement la Côte d’Ivoire mais l’Afrique subsaharienne tout entière, j’en reste persuadé, a d’autres priorités. Je le disais lors de la préparation de l’édition de Dakar en 2013 : « Nos sociétés sont interpellées par différents défis pendant qu’on voudrait nous orienter vers des débats qui ne sont pas nôtres. Je ne peux croire que le souci d’une prétendue « conscience musulmane » soit, vraiment au centre des préoccupations de nos sociétés civiles et politiques largement occupées par la question de la refondation de l’Etat et de de la consolidation de la démocratie, la recherche des conditions de possibilité d’un mieux-être social et la stabilité dans notre sous-région. »
La Côte d’Ivoire sortie de sa crise politique, qui réalise des prouesses économique et fournit, présentement, des efforts importants pour la consolidation de la paix et la cohésion nationale ne me semble pas le lieu où l’on chercherait à spécifier des identités et à créer d’autres lignes de fractures avec le reste du monde dans un contexte national déjà lourd de tensions. Les musulmans ivoiriens n’ont jamais demandé à être des partisans déterritorialisés de causes qu’on cherche à leur faire épouser ; ils ne souffrent d’un quelconque traumatisme ou d’un choc entre leur appartenance à l’islam et à la nation.
Une pratique équilibrée de l’islam, loin des paradigmes conflictuels ou culturalistes
Nos gouvernants devraient être plus regardants sur de telles stratégies où un centre basé au Qatar dont on ignore tout l’agenda s’appuie sur des réseaux et des personnages en quête d’influence afin de transposer dans nos pays des conflits et des débats qui ne sont pas nôtres.
En fait, l’islam tel que nous le pratiquons sous nos tropiques n’a jamais posé un quelconque problème au fonctionnement de nos sociétés qui ont réussi la prouesse d’une assimilation critique de cette religion et qui devrait, d’ailleurs, inspirer nos amis du monde arabe après des décennies de valse entre arabisme et islamisme jusqu’aux fâcheuses situations dont on n’est pas encore sorti au Moyen-Orient.
Loin de moi l’idée d’un afro-centrisme ou d’exclusivisme par rapport aux autres. Mais, comme je le rappelais, toujours, pour le CIMEF de Dakar : « Nous devons, tous, apprendre les uns des autres et que, dans le cadre de l’islam qui érige la diversité en règle, les leçons ne devrait pas toujours venir d’Orient… ni d’Occident d’ailleurs. Le discours religieux et son instrumentalisation qui fait recette dans les banlieues françaises et européennes n’a que peu de sens dans un pays où il pourrait tout manquer sauf des repères religieux et spirituels dans le cadre d’une pratique équilibrée et sereine loin des paradigmes conflictuels ou culturalistes. »
Mes concitoyens africains de ce pays frère ne le nieront pas : la Côte d’Ivoire a bien d’autres priorités et ne saurait avoir besoin d’importer des débats qui risquent, encore, d’accentuer les divergences déjà marquantes entre les courants wahhabites et les autres musulmans notamment avec l’influence et l’argent provenant de pays tels que celui qui abrite le Centre de recherche sur la législation islamique et l’éthique au cœur de ce CIMEF d’Abidjan.
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Bakary Sambé est directeur de Timbuktu Institute – African Center for Peace Studies (Dakar) et enseignant-chercheur au Centre d’étude des religions de l’Université Gaston-Berger de Saint-Louis (Sénégal).
En fait, l’islam tel que nous le pratiquons sous nos tropiques n’a jamais posé un quelconque problème au fonctionnement de nos sociétés qui ont réussi la prouesse d’une assimilation critique de cette religion et qui devrait, d’ailleurs, inspirer nos amis du monde arabe après des décennies de valse entre arabisme et islamisme jusqu’aux fâcheuses situations dont on n’est pas encore sorti au Moyen-Orient.
Loin de moi l’idée d’un afro-centrisme ou d’exclusivisme par rapport aux autres. Mais, comme je le rappelais, toujours, pour le CIMEF de Dakar : « Nous devons, tous, apprendre les uns des autres et que, dans le cadre de l’islam qui érige la diversité en règle, les leçons ne devrait pas toujours venir d’Orient… ni d’Occident d’ailleurs. Le discours religieux et son instrumentalisation qui fait recette dans les banlieues françaises et européennes n’a que peu de sens dans un pays où il pourrait tout manquer sauf des repères religieux et spirituels dans le cadre d’une pratique équilibrée et sereine loin des paradigmes conflictuels ou culturalistes. »
Mes concitoyens africains de ce pays frère ne le nieront pas : la Côte d’Ivoire a bien d’autres priorités et ne saurait avoir besoin d’importer des débats qui risquent, encore, d’accentuer les divergences déjà marquantes entre les courants wahhabites et les autres musulmans notamment avec l’influence et l’argent provenant de pays tels que celui qui abrite le Centre de recherche sur la législation islamique et l’éthique au cœur de ce CIMEF d’Abidjan.
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Bakary Sambé est directeur de Timbuktu Institute – African Center for Peace Studies (Dakar) et enseignant-chercheur au Centre d’étude des religions de l’Université Gaston-Berger de Saint-Louis (Sénégal).
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