SaphirNet.info : Au téléphone, vous avez dénoncé des « énormités mensongères » dans le dossier consacré à la région PACA par Saphirnet.info, pouvez-vous nous dire lesquelles ?
Par exemple, et tout d’abord, je tiens à préciser que je n’ai pas fait la fatiha à Abderrahmane Ghoul comme vous l’avez écrit (ndlr : c’est le candidat GMP qui l’a affirmé), je n’ai pas marié ce monsieur. Ensuite je ne comprends pas que vous suggériez que la présidence du CRCM revienne de droit à GMP, et que la liste de l’Entente peut légitimement y prétendre (ndlr : là encore, c’est le candidat GMP qui l’a dit, et les autres candidats ne semblent pas le contester). Pourquoi ne pas dire aussi que la liste arrivée en tête est légitime à la présidence puisque les listes perdantes y ont droit.
Le candidat de la GMP vous a adressé une lettre vous invitant à faire comme tous les autres CRCM du pays, et décider d’une réunion pour l’élection du nouveau bureau du CRCM ? L’avez-vous reçue, et quelle suite vous entendez lui réserver ?
Il faut savoir qu’il y a des contestations qui ont été déposées par la liste indépendante concernant trois problèmes: le premier vise des associations qui n’ont jamais payé leurs cotisations au CRCM sortant. Fut ce pour une seule année. En raison de la clémence du COMELEN, elles ont eu jusqu’à la veille du scrutin- c’est à dire le samedi 18 juin à 23heures 59 minutes- pour se mettre à jour. Un procès verbal signé par le président du CRCM (ndlr : lui-même), et le trésorier général du CRCM. Ce dernier a envoyé un rapport au CORELEC, après l’avoir adressé par fax au COMELEN, entre 2heures 30 et 3heures, de la mosquée de Carpentras. Ces associations n’auraient pas du participer au scrutin qui n’était ouvert qu’aux associations nouvellement inscrites et celles qui sont à jour de leur cotisation. Or leur participation implique près d’une cinquantaine de délégués dans l’issue du scrutin. Le Corelec avait la possibilité d’empêcher ces déléguer de participer au vote ou bien émettre des réserves sur leur participation. Le deuxième problème concerne monsieur THAIRI Chérif, le numéro six de la liste GMP : il n’a pas observé une condition sine qua non d’éligibilité, à savoir produire absolument une carte de résident ou une carte d’identité française, le scrutin n’étant pas ouvert aux titulaires de titre de séjour provisoire ou de récépissé. Le troisième problème vise monsieur Aberrazak Zeroual : il a été démis de sa fonction de délégué, et cela entraîne de facto son inéligibilité. Car il faut impérativement être électeur pour prétendre à l’éligibilité. D’ailleurs, cet homme a publiquement appelé à sanctionner la liste GMP en votant pour la liste indépendante.
Enfin, le COMELEN étant une commission ad hoc, il faut attendre que le bureau exécutif du CFCM se réunisse et examine ces contestations pour envisager la réunion demandée par les uns et les autres. Quant à moi, pour l’instant, je n’ai reçu qu’un mail de Mohamed Moussaoui à ce sujet.
La ville de Marseille parle d’une restitution des clés des locaux occupés par le CRCM au 19 juillet, c’est à dire un mois après les élections, le nouveau bureau du CRCM va-t-il être connu avant cette date ? A ce sujet, quels sont vos rapports avec la mairie de Marseille, et que s’est il passé lors de votre dîner avec le président du Conseil régional ?
Tout d’abord, je vais profiter de l’occasion pour préciser que Salah Bareki(chargé de mission au cabinet du maire de Marseille) ,dans son rapport à Chevènement, a dit précisément de l’imam décrié de la mosquée Islah auquel j’ai succédé : « c’est le seul imam »(ndlr : dans la ville de Marseille). Quant à la mairie, c’est Abderrahmane Ghool qui a dit sur une télévision locale : « la mairie attend un changement à la tête du CRCM pour reconsidérer le dossier de la Grande Mosquée de Marseille ». S’agissant de la polémique du dîner au Conseil régional, c’est une erreur grave de la part de la mairie. C’est même un vrai dérapage sur le plan de la communication : ils auraient du contacter le président du CRCM (lui-même) pour vérifier la véracité des propos qui lui ont été attribués
Vous ne vous êtes donc pas revu depuis ?
Non, nous ne nous sommes pas revus. Pourtant Jean-Claude GAUDIN m’avait tenu par le bras après la prière de l’Aïd Elkebir, et m’a dit : « faites moi un signe pour déjeuner ensemble ». Nous avons multiplié les signes, et je l’ai personnellement rencontré lors du dîner du CRIF : il semblait plutôt surpris de m’y voir, mais nous avons quand même évoqué cette promesse de rencontre. Puis la campagne des élections a commencé, et jusque-là il n’y a pas eu de suite.
Et le bail ?
Nous avions attendu jusqu’au mois de septembre 2003 pour rencontrer monsieur le maire, et de mémoire, il nous a fallu patienter jusqu’au mois d’octobre pour avoir les locaux. Pour un bail d’une durée de deux ans : ce qui fait courir les délais actuels jusqu’au mois d’octobre. De toutes façon, tout dépend de la réunion du bureau exécutif du CFCM, et pour l’heure il semble que cette réunion, prévue pour mardi, soit reculée pour Jeudi (ndlr : le 7 juillet).
Dans ce registre relationnel, que répondez-vous aux critiques qui vous sont adressées par vos concurrents, lesquels dénoncent l’unilatéralisme et l’abus d’autorité, aggravés par l’arrogance, qui ont marqué votre mandat ?
Ce sont des propos de campagne. Aucune décision ne peut être prise au sein du CRCM sans être validée par une majorité et un quorum établis. Il s’agit là d’un problème caractéristique des pyramides : la base se plaint toujours de l’éloignement de la tête de la pyramide, et la tête de la pyramide considère toujours que la base prend une distance anormale avec la gestion quotidienne des affaires. Il faut ajouter à cela que dans ce premier CRCM, les postes stratégiques étaient occupés par des candidats issus de la même liste : ce qui donne une impression de monopole du pouvoir. Pourtant il y avait plusieurs scénarios alternatifs, lors de la mise en place de l’actuel bureau, mais à l’époque, c’est cette formule qui avait été retenue.
Vous avez des propositions de reformes à ce sujet ?
Aujourd’hui, je constate qu’il vaut mieux que certaines fonctions stratégiques soient confiées à des listes différentes.
Dans vos propres troupes ou votre public, si vous préférez, il y a aussi des voix qui s’élèvent pour dénoncer votre entourage. Certains ont suggéré - notamment en regrettant les conditions difficiles dans lesquels j’ai du travailler – que vous êtes manipulé ?
Nous sommes tous des adultes, notre équipe n’est pas une équipe de circonstances. Loin s’en faut. Ce qui n’est pas le cas pour les autres listes. Il s’agit pour nous d’un travail continu et qui se concrétise par la reconnaissance des électeurs. Notre équipe est composée d’intellectuels, universitaires, bilingues, religieux et hommes de terrain. Tous nos membres sont désintéressés, et chacun de nous essaie de faire son trou professionnel ailleurs que sur le dos de la communauté : on sert la communauté, on ne se sert pas de la communauté. On sert la religion, on ne se sert pas de la religion.
Y a-t-il une question à laquelle vous auriez aimé répondre, et qui ne vous a pas été posée ? (ndlr : un moment silencieux de réflexion)
La question qui doit être posée, c’est : pourquoi la liste indépendante réclame la présidence ? La réponse : pour deux raisons. La première : ce sont les musulmans qui réclament cette place pour la liste indépendante. C’est le choix des musulmans. La deuxième : le poste de président du CRCM ne peut pas être attribué à n’importe qui. Par exemple, quelqu’un qui n’est pas responsable dans sa vie personnelle ne peut pas assumer la responsabilité de toute la communauté musulmane de la région PACA. Je veux lancer un appel aux membres du bureau pour qu’ils se montrent à la hauteur de cette responsabilité, et de ne pas décevoir les musulmans. Et surtout de ne pas déplaire à Allah pour plaire aux êtres humains.
Cette question en appelle d’autres : qu’est-ce que la liste indépendante propose aux autres listes, mise à part cette réserve formelle sur le poste de présidence ?
Nous suggérons la formation d’un bureau équilibré et fonctionnel, et nous restons ouvert à toutes les propositions. Je rappelle quand même que la liste indépendante est la seule liste à avoir été plébiscitée dans tous les départements de la région PACA. La GMP n’a pas de voix dans les Alpes Maritimes et le Var, juste quelques voix apportées par Ali Allal dans le Vaucluse. Quant à l’UOIF, elle a fait le plein de ces 59 voix entre les Alpes maritimes, où elle est particulièrement forte, et son centre de la rue Viala à Marseille.
Que comptez-vous faire si la présidence du CRCM vous échappe ?
Je pense que s’il s’avère que le choix des musulmans n’a pas été respecté en ce qui concerne la présidence, et si la liste indépendante décide, de façon collégiale, que le CRCM n’est plus légitime ni représentatif, il faudra en tirer les conséquences au niveau de la communauté musulmane. La liste indépendante pourra être amenée à se retirer complètement et définitivement du CFCM et du CRCM, et appeler au boycott de ces élections. (*)
Propos recueillis par Cheïkh TOURE
* Après cet entretien, Aberrahmane Ghoul, candidat GMP, a déclaré avoir reçu un fax de Mourad Zerfaoui. Ce dernier lui confirme les propos tenus ici, à savoir que l’élection du bureau reste liée à l’arbitrage du COMELEN et du nouveau bureau du CFCM.
Dans une conversation téléphonique, l’éventuel futur président du CRCM, a déclaré qu’il veut passer outre le retard occasionné par cette échéance : « nous dépassons le quorum requis pour valider une décision. Rien ne nous empêche de procéder à l’élection d’un bureau en bonne et due forme » a déclaré Abderrahmane Ghoul. Avec Mohamed Moussaoui, candidat de la liste de l’Entente ( apparentée FNMF), ils ont convenu de fixer cette échéance dès lundi 4 juin, c’est à dire bien avant les délais demandés par l’actuel président du CRCM. Mohamed Moussaoui a notamment observé que « la région Paca ne doit pas multiplier les records de retards, et à l’instar de toutes les autres régions, elle doit élire son bureau dans les délais convenus ». Tout en reconnaissant que le litige sur une seule voix remet en cause tout le scrutin : « il suffit d’une voix à l’UOIF pour obtenir deux sièges, et nous ramène à égalité avec elle : deux sièges pour nos deux listes».