A la suite de l’annonce simultanée d’une progression record des bénéfices et de 7500 suppressions d’emplois dans les trois ans à venir, le précédent gouvernement avait voté en 1999 la loi dite de « modernisation sociale » qui durcissaient les règles de licenciements pour cause économique. Or le 5 décembre dernier, les députés ont décidé de suspendre pour un an et demi plusieurs articles de cette loi. Ce qui semble être très mauvais signe étant donnés les annonces de plans sociaux qui se succèdent en ce début d’année 2003.
Licenciements à la pelle et reclassement difficile.
Metaleurop, Daewoo, Danone, ACT Manufacturing et Matra Automobiles, qui étaient les dossiers les plus brûlants, sont venus s'ajouter Arcelor, Air Lib, Noos et Grimaud Logistique, dont la direction a annoncé, vendredi 25 janvier, la suppression de 835 emplois dans les Deux-Sèvres. Autant qu'à Metaleurop Nord, à Noyelles-Godault (Pas-de-Calais).
Et comme à chaque fois se sont les salariés qui en pâtissent le plus de dans la mesure où ils représentent le premier poste de charge des entreprises. Ils semblent donc être la principale variable d’ajustement pour les entreprises en difficultés.Le reclassement des salariés est difficile. Le taux de reclassement est de 50 % en douze mois en cas de dispositif élaboré de reclassement . D’une manière générale, un an après un licenciement économique, 60 % des salariés sont encore au chômage, 15 % occupent un emploi précaire et seulement 15 % ont retrouvé un CDI ; 36 % des salariés n'ont pas retrouvé d'emploi après cinq ans.
Les salariés de faible qualification sont doublement pénalisés, d'une part parce qu'ils sont les plus touchés (45 % des licenciés pour motif économique sont des ouvriers tandis que les employés représentent 20 % des personnes touchées), d'autre part parce que se sont ces deux catégories qui rencontrent le plus de difficultés à trouver un emploi.1 Sur l’année 2002, le chômage a augmenté de 4,8 %, ce qui élève le nombre de demandeurs d’emploi à 2 306 800 selon les chiffres du ministère du travail.
C’est dans ce contexte que le gouvernement est accusé d’avoir mis fin aux mesures visant à protéger les salariés en remettant en cause la loi de modernisation sociale.
Licenciements boursiers
Mais plus choquant encore, certaines entreprises ( Danone, France Télécom et bien d’autres) arrivent à la fois à annoncer une hausse de leurs bénéfices et une réduction de leurs effectifs. Ceci dans le seul objectif de satisfaire les actionnaires qui demandent des taux de rentabilité toujours plus importants. « C’est ce qu’on a appelé les licenciements boursiers, c’est à dire des licenciements effectués non pas pour tenter de redresser une entreprise en difficulté, mais pour accroître des profits déjà élevés et ainsi susciter une hausse des cours des boursiers »2.
En effet de nombreuses études ont montré qu’il existait un lien entre cours des bourses, évolution des effectifs et rentabilité.
Ainsi au moment où Danone a annoncé la fermeture de plusieurs sites et la suppression de 2000 emplois, le cours de l’action a augmenté de 10 %. On peut encore cité l’exemple de France Télécom qui a vu le cours de ses actions bondir de 22 % après que son nouveau président est mis à jour son plan de redressement qui prévoyait notamment une diminution de la masse salariale. Et les exemples montrant qu’une compression des effectifs a des effets positifs sur le cours des bourses ne manquent pas.
Le poids des actionnaires est devenu tellement important qu’ils n’hésitent pas à user de tout leur pourvoir pour inciter les dirigeants à prendre les mesures nécessaires pour faire remonter le cours des bourses. Ce qui se traduit alors par des « réduction d’effectifs et l’élimination des activités les moins rentables, permettant ainsi de réduire la part des salaires dans la valeur ajoutée de l’entreprise, donc d’augmenter la part des profits »3.
Il semble alors logique que ce type de mesure, annonciatrice de dividendes plus importants, soit positivement sanctionné par la bourse.
Il faut pourtant nuancer ce phénomène car ce lien n’est pas systématique. On montre en effet que les réductions d’effectifs n’ont d’effet positif sur la rentabilité que lorsqu’elles s’accompagnent de réduction d’actifs, c’est à dire de suppressions d’activités. Plutôt que les licenciements, se serait le recentrage de l’activité qui serait saluée par la bourse 4.
Il faut aussi rappeler que les entreprises cotées licencient pour faire remonter le cours de l’action au moment où celle-ci baisse et non pas comme on pourrait le penser au moment où le cours augmente.
Le pouvoir des dirigeants et actionnaires augmentant et celui des salariés et ouvriers diminuant, notre société semble se diriger vers un libéralisme extrême de sorte que l’aboutissement de l’intérêt des uns est lieu au détriment de celui des autres.
1 -sources : Le gouvernement affirme ne pouvoir s’opposer aux licenciements-Le monde du 27 janvier 2003
2.3.4 -sources : Pourquoi les entreprises licencient. Alternatives économiques -janvier 2003