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Société

Radiographie de la diversité des origines - La France, pays de grandes mixités (1/3)

Rédigé par Lionel Lemonier | Lundi 11 Juillet 2022 à 11:00

           

Combien de citoyens français ont des origines immigrées ? Quels sont les pays d’origine représentés ? Les descendants d’immigrés ne se marient-ils qu'entre eux, alimentant un communautarisme souvent dénoncé pendant les campagnes électorales ? Une enquête conjointe de l’Insee et de l’Ined apporte des réponses.



© Deposit Photos
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Ces toutes dernières années, l’expression « grand remplacement » a largement débordé les frontières des milieux de la droite raciste et cocardière. Elle est symptomatique des peurs de l’autre chez certains citoyens. Mais ces fantasmes peuvent-ils s'appuyer sur des faits ? Quelle est la réalité des apports de populations venues d’ailleurs dans la démographie française des 60 dernières années ? L’enquête Trajectoires et Origines (TeO, voir encadré) apporte des réponses précises.

En 2019 – 2020, parmi les personnes vivant en logement ordinaire en France métropolitaine, 5,8 millions (9 %) sont immigrées, c’est-à-dire qu’elles sont nées dans un autre pays avant de venir dans l’Hexagone. 7,5 millions (12 %) sont des enfants de parents immigrés (deuxième génération), nées donc en France avec au moins un de leurs parents immigré. Enfin, parmi les personnes de moins de 60 ans, 4,7 millions (10 %) font partie de la troisième génération de descendants d’immigrés, à savoir qu'elle sont nées en France de parents non immigrés, et avec au moins un de leurs grands-parents immigrés.

L’enquête TeO portant sur la diversité des origines et rendue publique mardi 5 juillet souligne ainsi que le « profil migratoire de la population reflète avec décalage les flux d’immigration successifs. Parmi les descendants d’immigrés de 2e génération, les plus jeunes sont majoritairement originaires d’Afrique, alors que les plus âgés sont originaires d’Europe », indiquent les rédacteurs de l'étude, qui font aussi le constat qu'« au sein des actuels descendants d’immigrés de 3e génération, la part des origines européennes se réduit au fil du temps mais demeure encore prépondérante ».

Cliquez dessus © Insee - Ined
Cliquez dessus © Insee - Ined

Des traces de l'histoire de l'immigration dans la démographie

L’histoire des 60 dernières années et les dynamiques migratoires en cours se reflètent dans les structures par âge de la population. « Un tiers des personnes de moins de 60 ans ont un lien à l’immigration sur trois générations, c’est-à-dire qu’elles sont soit immigrées (9 %), descendantes d’immigrés de 2e génération (12 %) ou de 3e génération (10 %). Mais ces proportions varient fortement au fil des cohortes », expliquent les rédacteurs. « Au-delà de 60 ans, l’identification des descendants d’immigrés de 3e génération n’est plus possible (sources), ces derniers sont alors classés avec les personnes sans ascendance migratoire directe. »

Chez les immigrés, les jeunes et les retraités sont peu nombreux dans la population française : respectivement 3 % des moins de 18 ans et 8 % des plus de 80 ans, alors qu'ils représentent 15% de la population chez les personnes de 40 à 44 ans. Explication : une majorité d’immigrés arrivent en France en âge de travailler. A l’inverse, ils sont nombreux à repartir dans leur pays d’origine après la retraite. Un élément supplémentaire qui contredit au passage le fantasme du « grand remplacement ».

La succession des flux d’immigration se révèle plus nettement si l’on se penche sur les origines géographiques par âge. Les arrivées d’Espagnols et d’Italiens ont précédé celles des ressortissants du Maghreb et du Portugal, alors que les migrants issus d’autres pays d’Afrique et d’Asie sont arrivés plus récemment. Logiquement, chez les immigrés âgés de 18 à 59 ans, on trouve 53 % de personnes en provenance d’Afrique dont 34 % sont originaires du Maghreb, alors qu’au-delà de 60 ans, ce sont les immigrés européens qui sont majoritaires (51 %, dont 34 % d’Europe du Sud). Chez les enfants mineurs de la 2e génération, 83 % des individus sont d’origine non-européenne et en particulier africaine (65 %).

Des unions mixtes nombreuses dès la 2e génération

L’enquête permet également de révéler la fréquence des unions mixtes. La majorité des immigrés vivant en couple ont un conjoint qui est lui-même immigré (63 %). C’est en particulier vrai chez les personnes originaires d’Afrique, de Turquie et du Moyen-Orient. Mais dans la deuxième génération, les unions avec une personne sans ascendance migratoire prédominent largement : 66 % des couples. Les couples mixtes sont cependant moins fréquents pour la 2e génération de gens d’origine turque ou du Moyen-Orient (31 %) ou maghrébine (39 %) que pour celle d’Europe du Sud (78 %).

« La mise en couple avec une personne sans ascendance migratoire directe est nettement plus fréquente lorsque les descendants de 2e génération sont eux-mêmes issus d’une famille mixte (80 %) que lorsque les deux parents sont immigrés (50 %). La 2e génération est plus rarement en couple avec des immigrés (15 %) ou d’autres personnes de la 2e génération (19 %) », précisent les auteurs. Cette tendance perdure avec la 3e génération.

Rares sont en effet les familles à ne comprendre que des ascendants immigrés. La mixité des unions fait décroitre l’intensité du lien à l’immigration au fil des générations. 32 % des personnes interrogées de moins de 60 ans ont un lien à l’immigration sur trois générations, mais elles ne sont que 17 % à avoir une ascendance exclusivement immigrée.

Le melting pot à la française

« Parmi les descendants de 3e génération, neuf personnes sur dix n’ont qu’un ou deux grands-parents immigrés. Avoir ses quatre grands-parents immigrés est relativement rare », précisent les auteurs. C’est le cas de 9 % des mineurs de 3e génération et de 5 % des 18-59 ans. Mais ce cas est plus fréquent parmi les descendants de 3e génération originaire du Maghreb (respectivement 19 % et 20 %).

« La composition, sur plusieurs générations, de ces unions dessine le kaléidoscope des origines et par conséquent de la diversité de la France de demain. » On peut voir dans la fréquence des unions mixtes une preuve de l’existence d'un « melting pot » à la française qui contribue à endiguer la vague de peurs et de fantasmes concernant l’immigration.

Lire ici le deuxième volet de l'enquête consacré au niveau d'éducation et à l'insertion professionnelle des descendants d'immigrés.

L’enquête statistique Trajectoires et Origines 2 a été menée entre juillet 2019 et novembre 2020 par l’Institut national d’études démographiques (Ined) et l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Une enquête du même type a été menée en 2008-2009. Plus de 27 200 personnes tirées au sort parmi les habitants de France métropolitaine ont été interrogées.

Elles sont âgées de 18 à 59 ans, vivent en ménage ordinaire (pas de sans domicile fixe), habitent dans toutes les régions et assurent une bonne représentativité des immigrés et des descendants d’immigrés de 2e et 3e génération. Les enquêteurs ont veillé à couvrir les différentes zones géographiques d’origine ainsi que des personnes originaires des départements et régions d'outre-mer (DROM).






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