C'était le premier grand débat Internet attendu cette année en France. Mercredi et jeudi, les députés ont examiné en deuxième lecture le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique (LEN), qui avait pour but de retranscrire en droit national une directive européenne sur des volets divers liés aux nouvelles technologies de l'information et des communications. Dans les grandes lignes, on peut citer l'élaboration d'un droit Internet spécifique, la responsabilité commerciale élargie des e-commerçants, la responsabilité éditoriale des hébergeurs, la prospection directe en ligne ou les prérogatives étendues des collectivités locales dans le domaine de la gestion d'infrastructures haut débit.
Un 'texte fondateur du droit de l'Internet en France'
Le député UDF, Jean Dionis, rapporteur de la commission des affaires économiques et rapporteur du projet de loi LEN a défendu 'un texte fondateur du droit de l'internet en France'. Pour Jean Dionis du Séjour, son initiative de 'créer un corpus législatif Internet est nécessaire, notamment pour lutter contre le piratage qui porte une grave préjudice à nos industries culturelles.' Cette proposition va à l'encontre de la position du gouvernement qui aurait préféré maintenir la communication en ligne dans le cadre de la communication audiovisuelle. Nicole Fontaine, ministre délégué à l'Industrie, a estimé que 'la création d'un droit distinct risquerait d'aboutir à des régimes juridiques différents pour des contenus et services de même nature, notamment selon le support de diffusion ou de distribution'.
Responsabilité étendue des e-commerçants
L'Assemblée a élargi le champ des responsabilités des exploitants de sites marchands en adoptant un amendement qui les engage par rapport au client quels que soient les acteurs qu'ils mettent en oeuvre, notamment pour la livraison de produits. Le vendeur sera donc 'responsable de plein droit à l'égard de l'acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d'autres prestataires de services'. Cet amendement précise que l'exploitant d'un site marchand 'peut s'exonérer de toute ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable soit à l'acheteur, soit au fait imprévisible et insurmontable, d'un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeur.'
Les hébergeurs interpelés sur les contenus illicites
Les hébergeurs devront supprimer les sites Internet pédophiles, négationnistes et racistes, sans attendre d'avoir été alertés. Cet amendement du rapporteur Jean Dionis du Séjour impose de fait aux hébergeurs de surveiller le contenu des sites qu'ils abritent. Il n'a pas été soutenu par la gauche qui regrette que la responsabilité des prestataires techniques se substitue au rôle de l'autorité judiciaire. Jusqu'ici, il était entendu que les hébergeurs avaient pour obligation de supprimer un contenu illicite uniquement si celui-ci leur est signalé. Nicole Fontaine a rappelé qu'une directive européenne interdisait aux Etats membres d'imposer aux prestataires techniques (hébergeurs et fournisseurs d'accès) la recherche de faits illicites.
Cependant, certains dossiers sensibles comme le piratage sur Internet devraient faire l'objet de discussions plus approfondies à l'occasion des prochains rounds parlementaires comme l'étude des projets de loi relatifs aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle ou celui dédié aux droits d'auteurs et aux droits voisins dans la société de l'information. Judicieusement, les députés ont préféré repousser les débats portant sur la copie privée et les échanges de fichiers peer to peer. Un sujet qui crispe les fournisseurs d'accès Internet. Dans une lettre ouverte aux députés diffusée en début de semaine, les membres de l'Association des fournisseurs d'accès et de services Internet (AFA) évoquaient les risques de 'mesures de filtrage à l'accès'.
Une loi pour lutter contre le spamming
Les internautes se sont certainement rendu-compte d'une augmentation de 'prospectus' (généralement indésirables) qui s'accumulent dans leurs boîtes aux lettres électroniques. C’est dans un tel contexte que les députés ont décidé que l'activité de prospection directe en ligne nécessite le consentement au préalable des internautes destinataires. Une mesure qui s'adresse uniquement aux particuliers. Les détenteurs de fichiers commerciaux déjà constitués disposeront d'un délai de six mois, à partir de la publication de la loi, pour solliciter le consentement des consommateurs par courrier électronique. Ce consentement devra être exprimé explicitement, le silence des consommateurs valant refus. Du côté des entreprises et des professionnels, ils disposent d'un droit de désabonnement a posteriori. Enfin, les députés ont renforcé les pouvoirs de la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL) .
Maintenant, reste à savoir si cette loi sera réellement appliquée. Est-il possible aujourd'hui d’avoir un Internet sans sites pédophiles, racistes, islamophobes et antisémites ?... Sans spams dans nos boîtes électroniques, sans arnaques de la part des e-commerçants ? ... Ces lois permettront au moins aux internautes de rêver d'un 'internet idyllique'.