La mairie d'Albertville est engagée dans un bras de fer contre la Confédération islamique Milli Görüs pour empêcher la construction d'une école musulmane dans la commune savoyarde. © Florian Pepéllin / CC-BY-SA 4.0
A Albertville, commune de 20 000 habitants en Savoie, la construction d’une école primaire privée à l’initiative de la Confédération islamique Mili Görüs (CIMG) suscite des remous. L’établissement dont le coût de la construction s’élève à trois millions d’euros suscite l’ire du maire sans étiquette de la ville, Frédéric Burnier-Framboret. L'élu a dénoncé auprès du Parisien un projet « démesuré » qui « risque de mettre en péril certaines classes, voire, à terme, des écoles républicaines d’Albertville, car, avec 400 élèves et 16 classes, cette nouvelle école représenterait un quart des 1 200 écoliers de notre commune ».
La mairie, qui a refusé dès le départ d’octroyer à l’association un permis de construire en 2019, a tenté de contester devant la justice le projet porté par la CIMG, déjà au cœur d’une polémique à Strasbourg. En vain puisque le tribunal administratif de Grenoble s’est rangé du côté de la fédération musulmane en annulant, mercredi 7 avril, le refus de permis de construire de la municipalité.
Une décision vivement regrettée par le maire de la ville qui, dans une tribune parue au Figaro jeudi 8 avril, a déclaré se sentir « démuni » pour « contrer l’installation d’associations ou d’entreprises pilotées par des puissances étrangères, qui favorisent une cristallisation identitaire au cœur de nos territoires ».
La mairie, qui a refusé dès le départ d’octroyer à l’association un permis de construire en 2019, a tenté de contester devant la justice le projet porté par la CIMG, déjà au cœur d’une polémique à Strasbourg. En vain puisque le tribunal administratif de Grenoble s’est rangé du côté de la fédération musulmane en annulant, mercredi 7 avril, le refus de permis de construire de la municipalité.
Une décision vivement regrettée par le maire de la ville qui, dans une tribune parue au Figaro jeudi 8 avril, a déclaré se sentir « démuni » pour « contrer l’installation d’associations ou d’entreprises pilotées par des puissances étrangères, qui favorisent une cristallisation identitaire au cœur de nos territoires ».
Une école accusée de faire le jeu du « séparatisme »
L’affaire a pris une autre dimension vendredi 9 avril lorsque Laurent Wauquiez, le président de la Région Auvergne-Alpes-Alpes, a choisi d’apporter son soutien à Frédéric Burnier-Framboret en interpellant directement le gouvernement et la présidence de la République dans une lettre relayée par Le Dauphiné. L’élu invite l’exécutif à soutenir la décision du maire. « L’école serait un établissement hors contrat, dont l’orientation consistera très clairement à promouvoir des valeurs qui ne sont pas celles aujourd’hui de la République », écrit-il, rappelant plus loin les prises de positions du gouvernement au sujet de la fédération musulmane.
« Votre ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a lui-même désigné Milli Görüs comme étant des "ennemis de la République". Vous avez vous-même souhaité mettre en place un cadre législatif qui tourne le dos aux petits accommodements et aboutissent à ce que progressivement le communautarisme gangrène notre République, notamment à travers le projet de loi confortant le respect des principes de la République (...). De ce point de vue, il est impossible d’avoir d’un côté un discours au niveau national et de l’autre une pratique locale qui sont à ce point-là en contradiction », ajoute Laurent Wauquiez, « enjoignant » le chef de l'Etat à trancher en faveur de la municipalité « pour empêcher l’installation de l’école sur la commune ».
« Votre ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a lui-même désigné Milli Görüs comme étant des "ennemis de la République". Vous avez vous-même souhaité mettre en place un cadre législatif qui tourne le dos aux petits accommodements et aboutissent à ce que progressivement le communautarisme gangrène notre République, notamment à travers le projet de loi confortant le respect des principes de la République (...). De ce point de vue, il est impossible d’avoir d’un côté un discours au niveau national et de l’autre une pratique locale qui sont à ce point-là en contradiction », ajoute Laurent Wauquiez, « enjoignant » le chef de l'Etat à trancher en faveur de la municipalité « pour empêcher l’installation de l’école sur la commune ».
Une école conforme aux valeurs de la République, se défend la CIMG
Face à cette levée de boucliers, Mili Görüs n’a pas tardé à réagir. Dans un communiqué diffusé vendredi 9 avril en réponse à la tribune de Frédéric Burnier-Framboret, la fédération se défend de toutes les accusations dont elle fait l’objet, déclarant vouloir construire une école confessionnelle conforme aux valeurs de la République.
« Notre future école ne sera ni "islamiste" ni "turque". Nous rejetons avec force l’accusation, parfaitement fausse, que cette école serait fondée pour promouvoir une éducation "sur des bases et des valeurs premières" anti-républicaines. En fait, il s’agit de fonder une école confessionnelle hors contrat comme il y en a déjà tant en France, la plupart catholiques ou juives, dans le respect parfait de législation, de la réglementation, et des valeurs françaises », indique son président, Fatih Sarikir, soulignant au passage porter « en toute transparence » un projet pédagogique « qui suivra scrupuleusement le programme de l’Education nationale ».
« Le maire déforme par ailleurs le jugement du tribunal administratif de Grenoble annulant son refus de nous accorder un permis de construire. En fait, en rejetant notre demande, le maire alléguait comme seul motif que le projet manquait de places de stationnement en nombre suffisant. Eu égard au grand nombre de places prévues (87), les magistrats ne pouvaient qu’annuler une décision aussi évidemment mal fondée », précise-t-il. « Il est clair désormais que ce faux motif ne fut qu’un prétexte. Les vrais motifs du refus du maire sautent aux yeux à la lecture de sa tribune. Il est parfaitement clair qu’il voulait empêcher à tout prix ce projet en raison de son parti pris, auparavant inavoué, par rapport à notre association qui le porte. »
Le président de la CIMG a fait savoir que, « quel que soit l’issue du contentieux », il est toujours prêt à « travailler ensemble avec la ville, dans un état d’esprit apaisé ». « J’ai encore indiqué au maire que, si c’était la taille de notre école qui faisait problème, il serait envisageable de revoir cette question. Le maire a encore rejeté notre main tendue », déplore-t-il, appelant l'élu à respecter la décision de justice.
Le ministère de l'Intérieur n'a pas publiquement réagi à cette nouvelle affaire.* Estimant que le projet « relève sans ambiguïté d'une logique séparatiste », le préfet de Savoie, Pascal Bolot, a demandé de son côté au maire de faire appel de la décision de justice autorisant le permis de construire de l'établissement scolaire.
*Mise à jour : Dans le cadre du projet de loi dit séparatisme examiné au Sénat, un amendement permettant aux préfets de s'opposer à l'ouverture d'une école hors contrat « pour des motifs tirés des relations internationales de la France ou de la défense de sa souveraineté », rapporte Le Figaro, a été déposée lundi 12 avril par le gouvernement, telle une réponse à la polémique naissante à Albertville.
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« Le maire déforme par ailleurs le jugement du tribunal administratif de Grenoble annulant son refus de nous accorder un permis de construire. En fait, en rejetant notre demande, le maire alléguait comme seul motif que le projet manquait de places de stationnement en nombre suffisant. Eu égard au grand nombre de places prévues (87), les magistrats ne pouvaient qu’annuler une décision aussi évidemment mal fondée », précise-t-il. « Il est clair désormais que ce faux motif ne fut qu’un prétexte. Les vrais motifs du refus du maire sautent aux yeux à la lecture de sa tribune. Il est parfaitement clair qu’il voulait empêcher à tout prix ce projet en raison de son parti pris, auparavant inavoué, par rapport à notre association qui le porte. »
Le président de la CIMG a fait savoir que, « quel que soit l’issue du contentieux », il est toujours prêt à « travailler ensemble avec la ville, dans un état d’esprit apaisé ». « J’ai encore indiqué au maire que, si c’était la taille de notre école qui faisait problème, il serait envisageable de revoir cette question. Le maire a encore rejeté notre main tendue », déplore-t-il, appelant l'élu à respecter la décision de justice.
Le ministère de l'Intérieur n'a pas publiquement réagi à cette nouvelle affaire.* Estimant que le projet « relève sans ambiguïté d'une logique séparatiste », le préfet de Savoie, Pascal Bolot, a demandé de son côté au maire de faire appel de la décision de justice autorisant le permis de construire de l'établissement scolaire.
*Mise à jour : Dans le cadre du projet de loi dit séparatisme examiné au Sénat, un amendement permettant aux préfets de s'opposer à l'ouverture d'une école hors contrat « pour des motifs tirés des relations internationales de la France ou de la défense de sa souveraineté », rapporte Le Figaro, a été déposée lundi 12 avril par le gouvernement, telle une réponse à la polémique naissante à Albertville.
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