Chemin de croix, film de Dietrich Brüggemann (© Camino Filmverleih)
Toute religion porte en son sein les germes de l’amour du divin et de la compassion envers son prochain… Mais aussi les germes de l’exclusion d’autrui et de l’assèchement du cœur, selon ce que les êtres humains feront de l’interprétation du Message qu’ils estiment venir du Très-Haut et de la transmission qu’ils en feront autour d’eux.
Maria, jeune adolescente diaphane de 14 ans, aînée d’une famille de trois enfants, est animée d’une foi entière envers son Seigneur, une foi qu’elle souhaite purifier pour mieux se rapprocher de Lui. Elle suit les cours de catéchisme de la Fraternité sacerdotale Saint-Paul dispensé par le jeune et charismatique père Weber.
Le film Chemin de croix, du réalisateur allemand Dietrich Brüggemann, commence par cette première scène de cours, qui montre la façon très pédagogique du prêtre d’assener auprès de ses jeunes disciples les grands principes de la Fraternité Saint-Paul. Que les six jeunes comprennent bien leur rôle sur terre : ils sont les « soldats de Dieu » en chaque instant de leur vie, qu’il s’agisse de renoncer à savourer un biscuit (une façon de renoncer aux plaisirs quotidiens), de « s’éloigner du Mal » qu’incarnent les publicités et la musique, « œuvres du diable », ou de « prêcher le Bien » autour de soi.
Construit en 14 scènes, rappelant les 14 stations de Jésus (Jésus porte la croix, Jésus rencontre sa mère, Jésus tombe pour la deuxième fois, Jésus meurt sur la croix…), Chemin de croix suit le cheminement tout autant spirituel que psychologique de la jeune Maria. Née et éduquée dans une famille catholique fondamentaliste, elle est prise entre sa foi grandissante, les injonctions sévères de sa mère et ses envies d’adolescente.
D’une construction implacable, le film est composé essentiellement de plans fixes : nul échappatoire pour le spectateur que de promener son regard seulement sur ce que le réalisateur veut bien nous montrer. Cette structure filmique peut, à la longue, s’avérer pesant pour le spectateur mais il traduit à merveille le poids des enseignements religieux et des préceptes éducatifs que vit la jeune Maria.
La scène de la confession est de ce point de vue édifiante : elle montre par les seules paroles chuchotées dans la pénombre du confessionnal ce qui torture la jeune fille mais aussi l’anime au plus haut degré, c’est-à-dire plaire à Dieu.
Le parti pris statique de la majeure partie des scènes prend alors tout son sens avec les trois seules scènes en mouvement du film, signifiant symboliquement les changements irrémédiables que traverse Maria. Déplacement de la caméra dans la scène de la Confirmation, à l’église, où Maria s’évanouit, passant de l’innocence de l’enfance à l’âge adulte. Mouvement du regard dans la scène où Maria, sur son lit d’hôpital, va de vie à trépas, redonnant par son sacrifice la parole à son jeune frère autiste « Où est Maria ? ». Enfin, envolée finale de la caméra montrant le jeune Christian qui rend un dernier hommage à son amie collégienne : cette image est une admirable parabole de ce qu’offre la Nature, autrement dit la Création divine, de ce que ne pouvait se saisir la jeune Maria, du fait de sa foi sincère mais engoncée dans les interdits : c’est-à-dire la beauté et la perspective d’un monde offrant une multiplicité de possibles.
Le réalisateur Dietrich Brüggeman sait de quoi il parle. Durant son adolescence, il a vu son propre père se rapprocher de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, fondée et menée par Mgr Lefebvre, courant conservateur catholique qui refusait (et refuse toujours) les réformes du concile Vatican II. Sans être autobiographique, Chemin de croix n’est pas un film contre la (les) religion(s) mais il montre comment une certaine vision religieuse du monde qui se veut pure et exclusive peut exercer une pression (de la communauté, de la famille, de la hiérarchie religieuse…) inextinguible sur l'individu conduisant non pas à la sainteté – telle que les plus croyants l’espèrent – mais à la mort…
Récompensé de l’Ours d’argent du meilleur scénario et du prix œcuménique au festival de Berlin 2014, servi par des interprètes au jeu très fin, Chemin de croix nous a littéralement scotchés.
Maria, jeune adolescente diaphane de 14 ans, aînée d’une famille de trois enfants, est animée d’une foi entière envers son Seigneur, une foi qu’elle souhaite purifier pour mieux se rapprocher de Lui. Elle suit les cours de catéchisme de la Fraternité sacerdotale Saint-Paul dispensé par le jeune et charismatique père Weber.
Le film Chemin de croix, du réalisateur allemand Dietrich Brüggemann, commence par cette première scène de cours, qui montre la façon très pédagogique du prêtre d’assener auprès de ses jeunes disciples les grands principes de la Fraternité Saint-Paul. Que les six jeunes comprennent bien leur rôle sur terre : ils sont les « soldats de Dieu » en chaque instant de leur vie, qu’il s’agisse de renoncer à savourer un biscuit (une façon de renoncer aux plaisirs quotidiens), de « s’éloigner du Mal » qu’incarnent les publicités et la musique, « œuvres du diable », ou de « prêcher le Bien » autour de soi.
Construit en 14 scènes, rappelant les 14 stations de Jésus (Jésus porte la croix, Jésus rencontre sa mère, Jésus tombe pour la deuxième fois, Jésus meurt sur la croix…), Chemin de croix suit le cheminement tout autant spirituel que psychologique de la jeune Maria. Née et éduquée dans une famille catholique fondamentaliste, elle est prise entre sa foi grandissante, les injonctions sévères de sa mère et ses envies d’adolescente.
D’une construction implacable, le film est composé essentiellement de plans fixes : nul échappatoire pour le spectateur que de promener son regard seulement sur ce que le réalisateur veut bien nous montrer. Cette structure filmique peut, à la longue, s’avérer pesant pour le spectateur mais il traduit à merveille le poids des enseignements religieux et des préceptes éducatifs que vit la jeune Maria.
La scène de la confession est de ce point de vue édifiante : elle montre par les seules paroles chuchotées dans la pénombre du confessionnal ce qui torture la jeune fille mais aussi l’anime au plus haut degré, c’est-à-dire plaire à Dieu.
Le parti pris statique de la majeure partie des scènes prend alors tout son sens avec les trois seules scènes en mouvement du film, signifiant symboliquement les changements irrémédiables que traverse Maria. Déplacement de la caméra dans la scène de la Confirmation, à l’église, où Maria s’évanouit, passant de l’innocence de l’enfance à l’âge adulte. Mouvement du regard dans la scène où Maria, sur son lit d’hôpital, va de vie à trépas, redonnant par son sacrifice la parole à son jeune frère autiste « Où est Maria ? ». Enfin, envolée finale de la caméra montrant le jeune Christian qui rend un dernier hommage à son amie collégienne : cette image est une admirable parabole de ce qu’offre la Nature, autrement dit la Création divine, de ce que ne pouvait se saisir la jeune Maria, du fait de sa foi sincère mais engoncée dans les interdits : c’est-à-dire la beauté et la perspective d’un monde offrant une multiplicité de possibles.
Le réalisateur Dietrich Brüggeman sait de quoi il parle. Durant son adolescence, il a vu son propre père se rapprocher de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, fondée et menée par Mgr Lefebvre, courant conservateur catholique qui refusait (et refuse toujours) les réformes du concile Vatican II. Sans être autobiographique, Chemin de croix n’est pas un film contre la (les) religion(s) mais il montre comment une certaine vision religieuse du monde qui se veut pure et exclusive peut exercer une pression (de la communauté, de la famille, de la hiérarchie religieuse…) inextinguible sur l'individu conduisant non pas à la sainteté – telle que les plus croyants l’espèrent – mais à la mort…
Récompensé de l’Ours d’argent du meilleur scénario et du prix œcuménique au festival de Berlin 2014, servi par des interprètes au jeu très fin, Chemin de croix nous a littéralement scotchés.
Chemin de croix, de Dietrich Brüggemann
Avec Lea van Acken, Franziska Weisz, Klaus Michael Kamp...
En salles le 29 octobre 2014.
Avec Lea van Acken, Franziska Weisz, Klaus Michael Kamp...
En salles le 29 octobre 2014.